Tous ensemble !
L’impossible "tous ensemble" balayé par l’intérêt individuel. Martin Luther King avait rêvé d’un monde où la liberté, l’égalité et la fraternité seraient le ciment des hommes. Ce texte voudrait vous faire ressentir qu’entre les solutions d’Auschwitz et la fraternité, il doit bien y avoir un peu de place pour le rêve de l’intérêt collectif d’être tous ensemble pour faire société.
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Tous ensemble ! Que d’espoir dans cette aspiration qui procure une force, une assurance, une réussite et qui fait voler en éclat toutes les retenues que les consciences peuvent inventer pour ne pas franchir le pas de la solidarité collective.
En août 1963 Martin Luther Khing a fait un rêve pour la liberté, l’égalité, la fraternité entre les hommes. Il disait : « Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de prendre les tranquillisants des demi-mesures. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère ».
Prendre conscience dans le fait que l’homme seul, quelles que soient ses origines, quel que soit son statut, quels que soient les sentiments qu’il porte et qui peuvent justifier ses révoltes, l’homme seul est faible, vulnérable, broyé par l’indifférence qui l’entoure et le contraint trop souvent à se vautrer dans les vallées du désespoir que dénonçait Martin Luther Khing.
Mais il est des hommes seuls qui, cloîtrés dans leurs certitudes, enfermés dans une pensée qui ne dépasse généralement pas les portes de leur simple existence, se complaisent dans leur bien être solitaire. Ils sont les marchepieds d’une société où la culture du plus fort, du plus beau, du plus riche est la seule qui vaille la peine d’être cultivée. Ces agriculteurs de l’excellence jouissive pourraient rouvrir les portes de l’euthanasie, qui en 1940 s’appelaient Auschwitz ou Dachau ! C’est un peu fort pensez-vous ? Vous avez peut-être raison. C’est une idée collective, trop collective, trop voyante, trop choquante pour qui veut continuer d’être seul, fort, beau, intelligent, riche et poursuivre la dégustation de son Eyquem 1945 sans être perturbé par la photographie de son réel !
Aujourd’hui les choses sont moins choquantes. Les filtres médiatiques sont au point. Les tsunamis sont climatiques !
Ainsi, les « Rmistes » seraient des mécréants assistés, les chômeurs des fainéants, les sans logis des agitateurs, les malades et les handicapés des parasites, mais aussi, les crèches seraient trop chères, les enseignants trop nombreux, les hôpitaux non rentables et « les vieux dépendants » commenceraient à coûter trop cher …. ! En résumé les services publics sont dépensiers et ne rapportent rien. (C’est aussi efficace que de dire qu’une feuille est verte !) Ainsi va la musique qui conduit à l’euthanasie sociale.
L’homme seul quant à lui préfère assurer sa vie, sa santé, son handicap, sa retraite sans rien devoir à personne, qu’à sa banque ou son assurance qui le garantira de tous ses maux.
Les seigneurs des territoires anciens de la féodalité ont trouvé leur maître. Banques, assurances ; la finance est devenue maître du monde et l’homme seul courbe l’échine, l’alimente, la sert, l’entretien, lui donne tout ce qu’il a de force, de courage et d’énergie pour qu’elle puisse encore accroitre son influence, sa puissance et son emprise,… sur l’homme !
Complètement abêti, tel l’esclave à son maître, l’homme seul travaille plus pour gagner plus, donne dix euros au téléthon et paie les franchises médicales.
L’homme seul a oublié la liberté, l’égalité, et la fraternité dont à rêvé Martin Luther King et qui animent tous les hommes qui lèvent les yeux. Les « Rmistes » aux parcours atypiques, les chômeurs, les retraités, les handicapés, les étrangers, les malades, les « vieux dépendants », les accidentés de la route, du travail, de la vie, ont tous droit à la solidarité nationale. Cette solidarité qui mène les plus riches vers les plus pauvres, les biens portants vers les malades, les jeunes vers les anciens, les actifs vers les retraités comme vers les chômeurs.
C’est dans cet esprit solidaire que sont nés, les mutuelles, la sécurité sociale, l’assurance chômage, les conventions collectives, le code du travail, les lois et règlements, la Constitution de la République et les Traités internationaux. Tous ont pour objet d’assurer pour le plus grand nombre des droits identiques dans leur zone d’influence et de compétence. Tous, ensemble, dans les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes protections.
Mais le rêve se fissure lorsque les organisations syndicales CGT et CDFT ayant scandé ce « tous ensemble » de 1995, donnent plus de force à l’accord d’entreprise qu’à la convention collective, même si cette dernière est plus avantageuse. Elles privilégient le droit particulier au droit collectif, le pouvoir d’un patron à celui d’une convention collective. Il en est de même lorsque le gouvernement remet en cause de rôle des prud’hommes en privilégiant le licenciement négocié à l’arbitrage d’un juge.
Le droit collectif, le contrat collectif, les garanties collectives, se transforment peu en peu en droits, contrats et garanties individuelles anesthésiant ainsi la solidarité créée pour l’ensemble.
J’ai fait un rêve ;
J’ai rêvé que le droit serait devenu le protecteur des plus faibles et non plus de l’arrogance ;
J’ai rêvé que les services publics de la république garantiraient l’égalité d’accès aux services de la petite enfance, de l’école, de l’université, des soins, de la justice et de la culture ;
J’ai rêvé que les travailleurs de toutes sortes, salariés, chômeurs, artisans, commerçants, professions libérales se tenaient la main pour collectivement se prémunir des accidents de la vie ;
J’ai rêvé d’une société libre où tous les êtres étaient attentifs aux autres êtres ;
J’ai rêvé que nous avions trouvé cet équilibre, entre les intérêts particuliers et la protection collective, tous ensemble.
D. GARDARIST