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Tous Experts

En 2 mois et demi d’arrêt maladie, j’ai eu (largement) le temps de parcourir le web. Et j’ai été très frappée par le nombre d’articles relayant de fausses informations, voire pouvant être qualifiés de « conspirationnistes ». Aucun sujet n’est épargné, du fait divers, aux grands sujets de société (parmi lesquels les sujets scientifiques et économiques restent des cibles privilégiées). Au palmarès des thèmes les plus mis à mal, on trouve les NBIC, le nucléaire, la médecine ou encore l’économie au ses large.

A mon sens ce phénomène est très préoccupant. En effet, si chacun se doit de cultiver son esprit critique, il me parait contre-productif et malsain de remettre en question l’information de manière systématique, voire de créer une information erronée alternative (Fake-News). A ce jeu-là, nous nous auto-flagellons, nous auto-entretenons un climat de peur. Or n’est-ce pas justement ce que beaucoup reprochent au « système » ? A douter de tout, nous nous discréditons. En effet, tout ne peut pas être mensonge. C’est statistiquement impossible. 

J’ai peut-être tort, mais je vois un lien entre la masse croissante d’informations dont nous disposons (et la rapidité avec laquelle nous y avons accès), et cet état de doute permanent. 

Il y a à peine 15 ans, les chaînes d’information continue et les réseaux sociaux émergeaient à peine. Pour s’informer, il fallait acheter le journal ou allumer sa TV à 20:00. L’information était produite, analysée et transmise au grand public par un nombre restreint de personnes, sélectionnées pour leurs compétences dans le domaine. 

Aujourd’hui l’information est un flot continu. Nous y avons accès à n’importe quelle heure de la journée, n’importe où dans le monde. Les sources se sont démultipliées. Nous sommes tous créateurs de contenu, et par conséquent d’information. Certain parlent d’ « Uberisation » de l’information. Celle-ci se transmet de manière horizontale, de pair à pair, et non plus de manière verticale, du spécialiste émetteur vers le consommateur récepteur.

Ce changement d’organisation soulève à mon sens une question essentielle. Alors que nous sommes désormais tous un peu « journaliste », sommes-nous sûrs de posséder les compétences nécessaires pour traiter convenablement l’information ?

Ma réponse (partielle) à cette question n’est que le reflet de mes observations quotidiennes. Je dirais que nous sommes atteints du syndrome du « Tous Experts ». Inconsciemment, nous pensons avoir les capacités requises pour aborder et comprendre n’importe quel type de sujet, pourvu que le message soit d’apparence simple. Qu’ils s’agissent des OGM, du nucléaire ou des vaccins, jamais nous ne doutons de notre compréhension. Or, jusqu’à preuve du contraire, il s’agit là de sujets pointus qui font appel à un niveau d’expertise élevé. C’est un fait, nous ne sommes pas tous ingénieur en génétique, en réaction nucléaire ou en virologie. Plus qu’un simple relais, le journaliste est (devrait être) un expert, un « raffineur d’information ». Son objectif est (devrait être) de rendre l’information la plus intelligible possible, sans pour autant la vider de sa substance, lui ôter sa complexité. En outre, et comme le dit si bien Mazarine Pingeot, (Les médias) « donnent nécessairement une lecture, une interprétation de ce qu’ils montrent et qu’ils cachent du même coup ». En livrant une information trop simplifiée, voire simpliste, (un titre, une phrase, etc.), le média crée une illusion d’accessibilité qui accentue la confusion générale. Nous, le récepteur, ne sommes ni encouragés à évaluer notre capacité de compréhension, ni à faire appel à notre sens critique. Et pour cause, l’information reçue ne nous impose pas d’effort intellectuel particulier. Or une brève journalistique ou 140 caractères, malgré leur simplicité apparente, peuvent tout à fait traiter d’un sujet complexe. De plus selon les domaines, toutes les sources n’ont pas la même légitimité. 

Un autre facteur, à mon sens, est la profusion des sources informatives dont nous disposons, et le volume auquel nous faisons face. Comme dit précédemment, nous sommes tous créateurs de contenu. Or il s’avère que nous ne sommes pas tous des journalistes, chercheurs ou autres experts. Ces derniers étant finalement minoritaires, il est probable qu’une part significative des informations disponibles n’ait pas été correctement « raffinée ». La connaissance des sources devient donc un enjeu majeur si nous voulons préserver la qualité de l’information. Outre l’aspect compétences, traiter une information requiert du temps. Or nos vies contemporaines, ainsi que le fonctionnement du système médiatique (web, réseaux sociaux, presse, etc.) ne nous offrent pas toujours le temps nécessaire à l’analyse, à la prise de recul et à la critique. Or, la vérification des faits est une partie intrinsèque du travail de journaliste. Pourtant, nous intégrons ou rejetons les contenus de manière automatique, presque inconsciente, selon qu’elle renforce ou non nos points de vue, opinions, ou idées. Ce type de comportement était déjà observé avant l’arrivée des réseaux sociaux et autres nouveaux médias. La lecture de la presse était généralement influencée par l’orientation politique, laquelle était renforcée par la lecture d’une certaine presse. Toutefois l’échelle de temps n’est plus la même, le travail d’assimilation n’est plus réalisé, et le phénomène d’auto-conviction s’est amplifié.

Enfin, il me semble intéressant de souligner un dernier point, effet collatéral du syndrome du « Tous experts ». Le statut d’expert légitime la prise de position. Pour le dire autrement, puisque nous sommes tous experts, nous avons tous un avis sur tout, quel que soit le sujet, quel que soit notre niveau de connaissance. Un proverbe dit qu’il y a autant d’entraineurs de l’équipe de France que de citoyens Français. Il me semble que c’est le cas pour beaucoup de sujets. Nous avons ainsi 65 millions d’experts en nanotechnologies, en génétique, en virologie, en théorie économique, etc. Au risque de donner une opinion fondée sur une information partielle, orientée, non documentée, voire fausse.


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12 réactions à cet article    


  • Nicolas_M bibou1324 20 septembre 2017 17:32

    Parce que selon vous, les journalistes qui s’expriment sont plus compétents que la moyenne des français ?


    La plupart des journalistes qui déblatèrent sur les sujets polémiques tel que les vaccins, le nucléaire ou les OGM, n’ont pour la plupart aucune formation scientifique. C’était déjà le cas il y a 20 ou 50 ans en arrière, rien n’a changé. Ils se contentent d’interviewer des « sommités », généralement très partiales et absolument pas objectives, en prenant des notes qu’ils ne comprennent pas.

    Et pas besoin d’un bac + 50 pour estimer à la louche les dangers des différents sujets sus-cités. Il suffit d’ouvrir les bonnes sources : Wikipédia est généralement impartial, l’OMS fait référence sur tout ce qui touche la santé, etc...

    Par exemple sur le nucléaire, on ouvre la page wiki de Tchernobyl, et on compte les morts : 9000 selon l’ONU et 1 million selon l’académie des sciences de New York. La fourchette est (très) large, l’info incertaine.

    Ce qui est certain par contre, c’est que la pollution de l’air tue 3 à 7 millions de personnes par an, selon les sources. Idem, fourchette large, mais fourchette quantifiée. 

    / !\ Attention, paragraphe d’exemple, pas taper, pas polémiquer / !\ 
    Ce qu’on peut dire avec rigueur, c’est qu’un accident nucléaire, une centrale qui explose, genre Fukushima ou Tchernobyl, ça ne devrait même pas être relaté par les infos tellement c’est insignifiant. Oui, un million de morts (max), c’est insignifiant PAR RAPPORT (notez les majuscules en gras) aux conséquences de la pollution de l’air, causée notamment par les centrales à charbon. 

    Le discours du paragraphe au dessus est construit à partir d’informations qui sont certes incertaines, mais leur incertitude est quantifiée. Essayez de trouver un journaliste qui ait quantifié l’incertitude des données qu’il avait en sa possession ... bon courage. Et comparez le nombre d’article sur Fukushima et sur la pollution de l’air.

    Les journalistes préfèrent le sensationnel au factuel

    Conclusion : les journalistes et les médias traditionnels, c’est de la m*rde. Le citoyen lambda va peut être tomber sur des fausses infos en glanant sur le net, ça sera pas bien pire que d’ouvrir un journal papier ou d’allumer sa télévision.

    • JC_Lavau JC_Lavau 20 septembre 2017 21:38

      @bibou1324 : « Wikipédia est généralement impartial », oui, ça arrive dans certains cas, en paléontologie végétale par exemple.

      Mais jamais quand les intérêts du Grand israël sont en jeu. Voir par exemple le flot de calomnies déversées sur Asma el Assad.
      Jamais non plus quand il s’agit de chanter la propagande carbocentriste, dont la prétendue « acidification des océans » depuis Louis XV.
      Jamais non plus quand il s’agit de chanter les louanges du féminazisme du 21e siècle.
      Etc.

      Tout objecteur est immédiatement banni, et sa correction annulée dans les 30 minutes.
      Wp est un organisme de propagande privé, doté d’une police secrète privée.

    • Raoul-Henri Raoul-Henri 21 septembre 2017 17:50

      @JC_Lavau
      Même pas ’vrai’ JC. Ça prend moins de quinze minutes la rebuffade (et ptet moins sur les pages trèèès sensibles). J’ai testé sur la page « Lune » ; entre autres.


    • La Voix De Ton Maître La Voix De Ton Maître 20 septembre 2017 17:34

      Et bien moi je pense l’inverse.

      Vous vous rappelez du bon vieux temps des médias de masse rares et pompeux ? Rappelez vous à quels merdiers nous ont menés les experts officiels d’antan.

      Bien que la nouvelle formule cacophonique nous ensevelit sous son lot d’experts en terre plate et en énergie infinie, il donne la possibilité à quelqu’un de moins con de se faire connaître et d’émerger. Et cela dépend de l’intelligence individuelle de chacun.

      Oui le nouveau système nous force à devenir des experts, à faire le tri du vrai et du faux par nous mêmes. Donc le principal problème que vous soulevez : c’est la capacité de chacun à reconnaître ses propres erreurs.

      Je suis pour un système qui rend les gens moins cons ! Plus encore si j’ai les moyens et donc le plaisir d’écraser ces experts auto-proclamés ou désignés. Moi et ma horde de semblables nous les pousserons à l’incohérence.


      • gaijin gaijin 20 septembre 2017 17:40

        « En 2 mois et demi d’arrêt maladie »
        c’est tout ?
        ça vous paraît beaucoup ?
        j’ai commencé a suivre de manière approfondie l’information il y a une douzaine d’années et je suis arrivé a des conclusions inverses des votre .....( d’autant que les preuves de la désinformation médiatique ne manquent pas )
        lequel de nous a le plus de chance d’avoir raison .
        vous êtes victime de votre syndrome de l’expert
        2 mois et demi
        really ?
        non mais allo ................


        • spearit 21 septembre 2017 12:59

          @gaijin
          c’est pas faut, j’ai passer des mois, voir des années avec le 9/11 tellement c’est vaste et complexe

          Mais après c’est sur, on voit mieux entre les lignes !!


        • Xenozoid 20 septembre 2017 21:15

          c’a cartone,ouaw/

          quel puzzle, agoravox a besoin de thunes

          • pipiou 20 septembre 2017 21:31

            Article iconoclaste sur AV, revenez quand vous aurez été convenablement formaté : on nous cache tout on nous dit rien !


            • Doume65 21 septembre 2017 11:28

              Si chacun se croit autorisé à discuter avec les experts avec un sentiment d’égalité, c’est à mon avis surtout parce que ces experts n’en sont justement pas. Ou travestissent la réalité. Cela a commencé avant que le web soit grand public, dans les années 95. Pour moi, le déclic de la médiocrité, pour ne pas dire plus, de ces experts fut lors de l’explosion de Tchernobyl où un des ces guignols a cherché à faire croire que la France avait été épargnée par le nuage. Cet épisode a fait déchanter nombre de français sur les experts. En même temps (comme dirait l’autre) il a montré à quel point le gouvernement pouvait nous mentir, et donc complotait salement.
              De nos jours, lorsqu’on assiste, souvent médusé lorsqu’on connait le sujet, aux explications d’experts à la télévision ou qu’on subit la désinformation du « Journal de Référence français », on comprend à quel point la soi-disant l’élite est ordinaire. Se croire inférieur en quoi que ce soit à ces gens serait un crime contre soi-même.


              • pipiou 21 septembre 2017 19:32

                @Doume65

                C’est pour cela que vous n’allez plus chez le médecin, ces pseudo-experts à qui vous êtes bien supérieur.


              • Doume65 22 septembre 2017 17:58

                @pipiou
                Complètement à côté de la plaque mon petit pipiou !
                On te parle d’information, pas de science ni de technicité.
                Et puis je n’ai jamais prétendu être supérieur à qui que ce soit. Je me sens juste autorisé à débattre avec ces pseudo-expert sortis d’on ne sait où et j’affirme que tu as le même droit, pipiou


              • yvesduc 21 septembre 2017 20:31

                Tous les experts sont des humains ! C’est-à-dire faillibles et corruptibles… La webosphère constitue une vigilance citoyenne bienvenue, face à ces experts qui sont nombreux à avoir des conflits d’intérêt, ou à se tromper de bonne foi quand ils s’expriment sur des sujets qu’ils n’ont pas assez travaillé. Et, surtout, de nombreux experts sont ignorés par les médias de masse, ou écartés par l’oligarchie, parce qu’ils portent des vérités qui dérangent. Alors, oui, la conséquence est qu’on ne sait plus qui croire et que certaines contre-vérités se répandent… Mais certains experts en sont en partie la cause.

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