Tous les repas mènent à l’arôme.
« Le goût n’est pas une affaire de goût, il véhicule un message. »(1) N’avez-vous jamais éprouvé que ce que vous veniez de mettre dans votre bouche était mauvais et allait vous rendre malade ? Un signal, à peine accessible à la conscience, mais suffisamment fort pour vous conduire à refuser l’aliment. Ainsi contrôlés par le goût au niveau du système limbique, les aliments nous découragent parfois de les consommer. Le goût va ainsi guider nos choix, et l’état nutritionnel de l’organisme conditionner notre alimentation. Cette notion a introduit une mode alimentaire, « l’instincto », qui considère que nous n’avons envie de manger que ce dont nous avons besoin. Sans tomber dans ces extrémités qui consistent, en outre, à tout consommer cru, se laisser guider par ses envies, directement liées à la notion de goût, devrait nous conduire à équilibrer naturellement notre alimentation... à condition qu’elle ne soit pas faussée... par les arômes !
Personne n’est plus surpris de lire sur les étiquettes de produits alimentaires la vague notion d’ « arôme ». Pas systématiques mais très répandus, les arômes sont dans nos assiettes, même si la seule source d’aliments transformés présente sur la table est le bocal de cornichons. Des arômes dans les cornichons ? Lisons l’étiquette : cornichons, vinaigre, aromates 6% (oignons, graines de moutarde, de poivre, de coriandre, piment de Jamaïque), sel, arômes, conservateur E224. Quels sont donc ces arômes qui viennent s’ajouter à autant d’aromates ? Des arômes artificiels évidemment, dont le rôle est difficile à comprendre, à moins que le produit vendu ne manque de goût.
Ces arômes, brevetés, sont bien souvent de composition secrète. Purement chimiques ou d’origine organique, comme l’arôme fraise issu de copeaux de bois, ou encore le goût fumé obtenu par vaporisation de « fumée liquide », ces produits n’ont, d’après leurs concepteurs, aucun effet néfaste sur la santé. Mais les études, selon qui les financent, divergent à ce propos, et l’impact va bien au-delà d’une simple « contamination » par des substances non naturelles.
Le goût, qu’il soit naturel ou non, délivre donc son message, et l’organisme se prépare à recevoir les aliments correspondants. Et c’est là que le bât blesse. Car les nutriments censés se trouver dans l’assiette n’y sont pas, et le consommateur mange sans trouver ce dont il a besoin. Cela entraîne une surconsommation, d’autant que certains arômes vont amplifier l’envie de consommer. Il ne faut pas s’étonner alors que l’obésité progresse autant dans nos sociétés industrielles, où le goût l’a emporté sur les qualités nutritionnelles de l’alimentation, et cela dès l’enfance. L’obésité peut ainsi aller de pair avec des carences alimentaires, parfois graves, jusqu’à une ostéoporose précoce chez des enfants gros consommateurs de sodas et gâteaux.
Certaines substances, pourtant très répandues, sont soupçonnées d’être dangereuses pour la santé. C’est le cas du glutamate, exhausteur de goût, que certaines études scientifiques indiquent comme favorisant des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques). Il est présent dans la quasi-totalité des soupes en sachet, saucisses, chips, condiments... à croire que non seulement les aliments préparés sont sans saveur, mais qu’en plus les arômes ajoutés ne sont pas assez forts. En fait, il semble que l’objectif des industriels soit plus dans la recherche de l’addiction à leurs produits que dans le plaisir de manger. Au point que le coût des additifs et de la publicité réunis réduit la part investie dans les matières premières, dont les qualités gustatives et nutritionnelles sont souvent médiocres.
On nous vend du goût, quel que soit l’impact sur la santé publique.
Mais le plus regrettable est le flou juridique qui permet aux industriels de tromper le consommateur en toute légalité. Les barquettes de lardons fumés indiquent « fumée » dans les ingrédients, il s’agit de fumée liquide vaporisée sur les dés de lardons. Les yaourts aromatisés à la fraise n’ont jamais vu l’ombre d’une fraise, mais doivent leur « saveur » à des copeaux de bois australien, auxquels sont ajoutés de l’alcool et de l’eau et quelques ingrédients secrets pour donner après cuisson l’arôme tant apprécié. Des variantes donneront des arômes de framboise, chocolat, vanille. Sous l’appellation arôme, ou arôme naturel, peuvent ainsi se cacher des produits n’ayant rien à voir avec le parfum naturel décrit, « l’arôme naturel » de fraise ainsi obtenu étant légalement « naturel » puisque produit à partir de végétaux (copeaux de bois). Les rédacteurs du Codex Alimentarius ont pris soin de laisser cette porte ouverte aux industriels. Et lorsque l’étiquette ne précise pas arôme de « synthèse », elle laisse à penser à tort que l’arôme est naturel.
La palme en terme d’arôme de synthèse revient peut-être à cet édulcorant d’origine « plastique », l’acésulfame K, qui concurrence, si l’on peut dire, l’Aspartam et la saccharine, non seulement sur le terrain industriel, mais également en terme de controverses quant à ses effets sur la santé.
Ne vous précipitez pas sur les emballages, la quasi-totalité des produits transformés contiennent arômes et exhausteurs de goût. Pour leur échapper, la seule solution consiste à se tourner vers les produits frais et de les transformer soi-même. C’est une façon d’apprivoiser à nouveau le goût et de rechercher un meilleur équilibre alimentaire. Le temps passé dans la cuisine ne sera pas perdu, car outre le plaisir de confectionner un plat, c’est aussi le seul moyen d’entretenir et de transmettre une tradition culinaire riche et enviée dans de nombreux pays, en particulier anglo-saxons.
(1) à lire : Arômes dans notre assiette de Hans-Ulrich Grimm, aux éditions Terre vivante.
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