Tout à l’heure au CCF : l’ambassadeur de France a essuyé des tirs en règle…
Qu’allait-il faire dans cette galère ? On revoit encore, de dos, son crâne garni à la Juppé, stoïque malgré l’ambiance électrique. Le pauvre, lui qui sort si rarement, est arrivé tout feu tout flamme dans son petit 4X4 avec deux gringalets comme gardes du corps, quand d’habitude, les ambassadeurs de France débarquent en voiture française… Sitôt arrivé, le voilà accueilli par le père Bourdais qui ne savait pas, non plus, ce qui les attendait à l’intérieur…

Sur place, Poivre d’Arvor, non pas fils ni père mais frère, prenait place avec l’assurance d’un patron de France culture persuadé d’être en terrain conquis ; certain qu’il était que tout le pays attendait l’illustre d’Arvor, homme de gauche… Hélas ! Il a vite découvert que Nouakchott n’est ni Paris ni Dakar et qu’ici, tout d’Arvor qu’il est, il n’en reste pas moins quasiment inconnu….
Le malheureux d’Arvor a tout fait pour jouer le rôle diplomatique d’usage dans un institut français surtout avec à ses pieds, son excellence de droite excellemment installée au pied de l’estrade avec vue imprenable sur les orteils de gauche du conférencier qui a dû regretter de n’être pas pieds nus…
Ainsi, après nous avoir bien fait comprendre qu’il connaissait la Mauritanie intimement… La Mauritanie du radeau de la méduse, la Mauritanie de Maalouma, la Mauritanie de Samba et de Jouha, la Mauritanie de tout et même de maître Fourcassié à savoir celle qui attend, comme chacun de nous, l’arrivage hebdomadaire de roquefort chez Tata, Poivre frère a fini par parler en homme de culture regrettant Mitterrand comme d’autres Jean-Paul II…
On a donc eu droit à quelque chose d’hallucinant à savoir l’éloge de la France des lumières quand chacun sait ce qu’il en reste ! Il nous a parlé en amoureux de la rencontre de l’autre, presque d’amour non pas du prochain mais du second, il a parlé comme s’il était en Chine ou au Japon pour vendre un parfum Delon. En somme, il a bien parlé de la France qu’il aime en oubliant que cette France-là n’est presque plus ou dans l’imaginaire de quelques francophones qui n’ont ni télé, ni radio, ni internet, certains que Senghor le grammairien rejoindra le Panthéon…
Jusque-là ça allait à peu près, jusqu’à ce que des jeunes commencèrent à sortir les uns après les autres comme c’est d’usage dans les conférences offertes gratuitement au premier venu sans autre forme de protocole pour respecter l’esprit des lumières accessibles à tous.
Là le conférencier a quitté l’exercice diplomatique pour lâcher devant un parterre mauritanien de choix sans parler de son excellence « ah ! Ils se barrent ! ». Voir ces jeunes sortir piqua l’égo de l’homme de gauche habitué sans doute aux révérences des couloirs parisiens… A partir de là, poivre frère, commença à boire force eau plate, verre après verre, en regardant entrer et sortir tous ceux qui ne l’écoutaient pas.
Inutile de vous dire que le malheureux conférencier ne savait pas qu’il n’avait pas tout vu en terre du million de gonflés ! C’est alors qu’achevant ses propos en même temps que sa bouteille vint le temps des questions qui allaient faire passer à l’excellent ambassadeur un quart d’heure difficile…
D’abord, rendons au conférencier justice : ce garçon est vraiment quelqu’un d’authentique malgré les années passées au quai d’Orsay ; il a, comme son frère, ce panache qui leur vient sans doute de la particule ou de l’apostrophe ou des deux. A l’entendre, on sent l’aventurier, l’esprit marin… Il semble très fier de son large front marque de pensées profondes comme les poignets fins attesteraient la bonne naissance si on en croit les références de ces gens-là.
Soudain face à un tel homme de gauche et de France culture, ce fut l’avalanche de questions perfides destinées à un homme de droite ! On aurait dit que les gens posaient des questions à l’ambassadeur excellent installée à hauteur d’orteil du conférencier. Voilà un maure comme il faut, s’exprimant avec un accent qu’il était fier de ne pas entendre, qui fait le procès de la politique étrangère française du Guéant qui donne envie aux francophones « d’aller voir ailleurs… ». Le maure a bien parlé, il a été bien applaudi alors que le conférencier n’en pense pas moins ! Pour toute réponse, ce dernier a fini par lancer un sec « je souscris » croyant là tempérer les autres questions…
Que nenni ! Plaît-il ? Où est donc Ornicar ?
La bouteille d’eau plate était terminée, la conférence aussi mais ni la sueur, ni la soif ni les peines de l’illustre homme de gauche qui a dû encore « souscrire » ici et là en attendant la fin du cauchemar. Pendant ce temps, l’excellent ambassadeur de sortie ne bougeait toujours pas pendant que le père Bourdais souriait ici et là pour détendre l’atmosphère du débat démocratique dans la pure tradition des lumières.
N’en pouvant plus de souscrire, le conférencier assoiffé, en sueur a fini par lâcher, chose incroyable dans un institut français en face de l’excellence, « il y a bientôt des élections… » comme pour dire que c’est l’occasion d’en finir avec celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, qui ne fut d’ailleurs jamais prononcé. Le d’Arvor a même fini par dire pour les malentendants qui n’avaient rien compris à ses finesses et ses flèches de plus en plus empoisonnées au nez de son excellence, « je suis un homme de gauche ».
Ça n’a pas suffi, le pire était pour la fin quand se leva un professeur, apparemment anthropologue, qui connait très bien et la France d’hier et celle d’aujourd’hui ; c’est ce monsieur qui allait donner au parisien de gauche, le coup de grâce ! Le professeur négro-mauritanien pour bien faire comprendre au Poivre qu’il n’était pas un petit, cita Bourdieu en regrettant qu’il n’y ait plus de nos jours en France d’intellectuels de son ampleur sinon des BHL et autres Finkielkraut…
Le décor intellectuel planté, le professeur parla comme le maure tout à l’heure, aussi bien mais plus fort car il était plus nerveux… A la fin de sa tirade tout le monde a ri et applaudi à tout rompre, français, mauritaniens, blancs et noirs ! Un tonnerre d’applaudissements après des tirs en règle contre la politique d’un Guéant pour ne pas citer son maître...
Puis le professeur s’est levé pour partir, suivi d’un quart de la salle devant les yeux hagards du conférencier qui lâcha « j’hallucine ! »
L’ambassadeur a entendu, le message est passé, c’était bon enfant, on a bien ri car c’est toujours mieux que d’en pleurer…
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