Tout sur le boudin
Blanc, noir et compagnie…
Le boudin connut son heure de gloire dans nos réveillons d'antan à la condition qu'il fut blanc, truffé et de bonne chair. Sa simplicité de préparation - en apparence seulement - réjouissait les palais et simplifiait la vie du marmiton. Son accompagnement permettait quelques fantaisies, le plus souvent autour de la pomme fruit ou bien des différentes purées que l'inspiration et les légumes de saison offraient.
Son homologue noir se contentait de célébrer la Saint cochon avant de que rentrer dans les compositions ordinaires du quotidien. Il y eut pourtant des cuisiniers ayant le désir de les unir sur votre assiette. Le ciel et terre honorait ainsi la cuisine en noir et blanc tandis qu'une purée colorée venait rappeler que le technicolor était de mise.
Tous les deux furent chantés par la légion étrangère qui se plaisait à proclamer au pas martial un refrain tout à sa gloire :
Ce ne fut sans doute pas ce qui mit le feu aux poudres pour ce malheureux boudin.
Pour les enfants d'alors, le boudin leur revenait en pleine face quand il faisait leur mauvaise trogne, leur tête de cochon en somme. Une fredaine venait leur chauffer les oreilles avant que celles-ci soient tirées : « Boudi, boudin l'âne, prête-moi ton âne … ». C'était un temps où la frustration existait et qu'il convenait de s'y confronter pour grandir. Bouder faisait ainsi partie du programme de développement personnel pour un enfant qui n'était ni tyran ni prescripteur d'achat.
Puis la norme a pris le pas, elle a imposé sa tyrannie de l'apparence. Le corps devait correspondre aux canons de l'heure et malheur à qui sortait du cadre. Pour les filles surtout qui avaient le malheur d'être un peu rondes. Elles se voyaient humiliées par le qualificatif de « Boudin » qui leur collait à la peau sans savoir les pauvrettes qu'elles mettaient ainsi en lumière l'étymologie du mot qui signifiait alors « Bedaine ».
Paradoxalement, celles qui avaient le bonheur d'être esthétiquement parfaite et qui entendaient en jouer à leur aise, se trouvaient immédiatement traitée de « Grosses cochonnes » sans nuance ni délicatesse. En dépit d'une morphologie irréprochable, ce « Grosse » s'insinuait sans délicatesse devant ce « Cochonne » qui semblait en dire long sur des mœurs qui échappaient à la domination masculine.
Puis le boudin comme nombre de cochonnailles a débuté son inexorable éclipse. Les différentes migrations sont venues porter l'anathème sur notre charcuterie, condamnée désormais à ne plus sortir du cadre familial. Les collectivités se voyant montrer du doigt dès que le cochon sortait du bois. Ce n'était hélas pas le bout de son calvaire…
Les pratiques alimentaires se sont ajoutées aux cultuelles. La viande subissant de plein fouet les conséquences du réchauffement climatiques. Pour le porc surtout, tout cela tournait en eau de boudin. Plus question de faire l'andouille ou bien le pâté, la cochonnaille n'a plus sa place dans le panthéon culturel de notre nation.
Seule la baguette, depuis qu'un bon pasteur macronien l'a élevée au pinacle, est célébrée se refusant désormais à se fendre d'un grand sourire pour accueillir une tranche de jambon sans nitrite, des rondelles de saucisson ou pour les plus gourmands, une belle part de boudin. Même le cornichon a subi de plein fouet ce phénomène, désertant les productions maraîchères.
Le sandwich également a dû en rabattre, devant tourner casque devant les nouvelles pratiques. Pour casser la croûte, le triangle se taille la part du lion tandis que du côté des empilages
incertains du mauvais goût américain, le bœuf a bouté notre cochon. Seul le bacon s'en paie une petite tranche, ignorant qu'il était il y a bien longtemps, le nom qu'on donnait au cochon dans ce pays qui crache si souvent sur ses pratiques culinaires.
Ne parvenant pas à admettre ce phénomène qui voit disparaître nos gargotes à l'ancienne au profit d'un universalisme incertain de la malbouffe, je suis venu ici faire mon boudin et ma tête de cochon tout en proclamant haut et fort : « Qui vivra verrat ! ».
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