Tout va très bien, Madame la marquise Fillon
Dans le contexte des actuelles turbulences boursières, interrogé par le Financial Times - l’entretien est en ligne depuis hier soir (accès payant) -, François Fillon s’est voulu rassurant : « l’économie française est moins exposée que les autres à cette tourmente parce que les entreprises françaises sont en bonne santé, parce que les foyers français sont moins endettés que dans d’autres pays développés et parce qu’il n’y a pas de crise du logement aujourd’hui dans notre pays », a-t-il ainsi déclaré. Restons calme et répondons-lui sur ces trois points.
Passons
rapidement sur la bonne santé des entreprises : si elles sont si
florissantes, pourquoi ne pas cesser d’octroyer au patronat toujours
plus de latitude pour précariser les salariés (séparation "à l’amiable",
contrat de mission), les payer une misère et, d’une façon générale,
d’exaucer tous les voeux du Medef ? Pendant ce temps-là, 11 % des
Français vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit autant qu’aux
Etats-Unis, les ménages modestes prennent de plein fouet l’explosion du
coût de la vie et des dizaines de millions de nos compatriotes ne
parviennent plus à joindre les deux bouts. Mais si les entreprises
françaises sont en bonne santé, alors tout va bien, n’est-ce pas Madame
la marquise Fillon ? Et il faut surtout continuer à leur faire des
cadeaux, tout en exigeant toujours des mêmes - les petits, les pauvres,
les faibles - qu’ils se sacrifient !
Tout irait bien aussi parce que "les foyers français sont moins endettés que dans d’autres pays développés", estime notre sémillant Premier ministre. Pourtant, le 22 mai dernier, l’Insee et la Banque de France ont annoncé que l’endettement des ménages français a
augmenté de 11,3 % en 2006, pour atteindre le taux record de 68,4 % de leur revenu, et quelque 705 503 ménages
étaient concernés à la fin mars par le surendettement, d’après le baromètre dédié de la
Banque de France, avec une dette moyenne de 35 185 euros. Heureusement encore qu’ils n’ont pas écouté Nicolas Sarkozy, toujours visionnaire, qui déclarait alors : "L’Etat
est trop endetté et les ménages pas assez. D’ailleurs, il faut tordre
le coup à cette idée : s’endetter, pour un ménage, ce n’est pas mal,
c’est une confiance dans l’avenir" (voir le billet Endettement record des ménages : Sarkozy applaudit). Entre-temps, la crise des prêts à risque (subprimes),
ruinant des millions d’Américains et qu’on n’a pas fini de sentir
passer, mondialisation de l’économie oblige, s’est chargée de "tordre le cou" à l’irresponsable position présidentielle.
Mais venons-en enfin à la partie la plus révoltante de l’interview de Fillon au Financial Times : "Il n’y a pas de crise du logement dans notre pays".
Vraiment ? On estime qu’entre 600 000 et 900 000 familles, logées dans
des conditions indignes, sont aujourd’hui d’ores et déjà concernées par
le Droit au logement opposable, la loi magique censée résoudre le
problème. Et magique, elle aura bien besoin de l’être : comment sinon
installer ces 600 000 à 900 000 familles dans les... 60 000 logements
dont disposent les préfets ? Il n’y a aujourd’hui de la place que pour,
au mieux, 10 % des mal-logés éligibles au Dalo, mais "il n’y a pas de crise du logement dans notre pays",
M. Fillon ? Sans compter que les mal-logés sont en réalité plus
nombreux que ça : le rapport 2007 de la Fondation abbé Pierre dénombre
3,2 millions de personnes : 100 000 SDF, 100 000 habitants à l’année en
camping ou mobile home, 1,15 million dans des logements sans WC, salle d’eau ou chauffage et 1 million en situation de "surpeuplement accentué". "Pas de crise du logement", M. Fillon ?
Mais
sur quelle planète habite le Premier ministre ? A l’écart des beaux
quartiers et de l’aristocratie économique, la France souffre. Et ne
tolérera plus longtemps la cécité volontaire du gouvernement et sa
politique antisociale. Quand on lit, dans le quotidien libéral,
l’insupportable Fillon qui pérore, se félicite du paquet fiscal qui "constitue un ensemble d’incitations qui vient au bon moment au vu de la crise qui se déroule devant nous", se vante d’avoir entrepris le "plus important programme de réformes économiques et sociales depuis la fin des années 60", précisant qu’
"il y a une véritable volonté de rompre avec le passé et nous continuerons ainsi pendant les cinq prochaines années", et qu’il nous achève en ressassant "nous voulons que les Français travaillent plus", le sang bout ! C’est dans la rue qu’il va falloir s’opposer, pied à pied, à ces néo-esclavagistes qui nous gouvernent.
12 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON