Traité transatlantique : un linceul en TAFTA pour la démocratie
Les élections européennes imminentes permettent de mettre à jour l'existence d'un projet de traité qui était ignoré de la plupart d'entre eux jusque là. Ces élections vont être l'occasion pour ces derniers de définir s'ils souhaitent se doter d'une force d'opposition au dépeçage de leurs États et de leur démocratie, ou s'ils donnent les clés de ceux-ci aux multinationales et à la finance américaines.
Je pourrais reprendre les arguments démontrant les dangers du projet de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis. Mais d'autres l'ont fait mieux que je ne pourrais le faire (cf réf en bas de texte et nombreux articles d'Agoravox).
En revanche, en lisant le court livre très clair de Danièle Favari cité en fin de billet, j'ai trouvé une interrogation qui me parait importante. C'est celle de l’asymétrie de structure politique entre l'UE et les États-Unis. En effet, ces derniers ont une structure fédérale, qui fait que dans chaque État, c'est la loi de cet État qui s'applique. Qu'en serait-il des termes de ce Traité si tel ou tel État s'y opposait ?
Alors que le processus, tel qu'il est mis en place dans l'UE, doit conduire après ratification du traité, à une acceptation de chaque État européen sans que leur avis ne soit demandé aux citoyens. On sait que l'UE est capable de mettre en œuvre définitivement un processus auquel les citoyens s'opposent en majorité (cf le TCE, refusé à 56%, et passé sous la forme du Traité de Lisbonne). L'Europe serait tenue, par le Traité, d'obéir à celui-ci, alors que les USA, non ?
Et quid du "Buy Americain Act" qui impose aux organismes publics américains d'acheter américain, alors que le Traité imposera de ne pas faire de préférence nationale lors des marchés publics en Europe ?!!!
Quand on lit les détails de ce projet de Traité transatlantique, il saute aux yeux qu'il est fait plutôt pour favoriser les entreprises américaines, et empêcher que l'Europe ne protège son environnement, ses entreprises ou ses salariés par des lois ou règles nationales. On voit très vite aussi le danger majeur : des règles visant à protéger les entreprises, qui vont primer sur le droit, national ou européen. Et donc, la disparition progressive du pouvoir législatif ! Mais la question de la non-symétrie de l'accord apporte un élément de plus : ne s'agit-il pas d'accepter de se laisser traiter comme une colonie des siècles précédents, sans aucun contre-pouvoir à la toute-puissance économique des puissances d'argent (il n'y aura pas d'appel possible des décisions arbitrales) ?
Le prétexte que cela donnera du travail en Europe, alors que l'abaissement du prix des produits importés "de force" diminuera forcément celui des produits locaux, ne tient pas une seconde.
De plus, l'expérience des procès déjà engagés contre des États par des multinationales, grâce à des traités de ce type déjà en œuvre, donne une idée de ce qui nous attend si cet accord est signé (rappelons qu'il s'agira de tribunaux arbitraux privés qui permettront à des entreprises d'attaquer des États si elles estiment que les décisions de celui-ci entravent leur activité commerciale et leur capacité à faire des bénéfices). Je fais l'hypothèse qu'un des bénéfices attendus sera, pour les firmes américaines et pour l’État américain, de pouvoir exploiter, entre autre, le gaz de schiste en Europe, ou les OGM... Et l'on peut craindre qu'il suffira de quelques arbitrages défavorables aux États pour que ceux-ci pratiquent l'auto-censure en ne votant plus de loi qui pourraient leur créer des dépenses supplémentaires...
Si l'on fait la somme de tout ce que contient ce projet de traité, on se demande pourquoi les gouvernements de l'Europe se précipitent pour le ratifier ? Seraient-ils tous des "Young leaders", et pro-US dans l'âme, méprisant nos vieux pays qu'ils cèderaient à l'Oncle Sam et au capitalisme néolibéral dans l'enthousiasme ? Ou alors ils n'ont rien compris au film et ils croient vraiment aux salades des économistes qui leurs vendent ce Traité avec des mensonges aussi gros que ce qu'ils disaient avant la crise financière (à l'époque, c'était "Les marchés s'autorégulent" et "Too big to fall"... on a vu ce que cela a donné... donc, maintenant, ce serait le postulat que ne plus du tout protéger son économie rendrait celle-ci plus forte... Ce serait drôle si l'on n'était pas obligé de constater qu'il y a des gens qui le croient...).
Alors, je m'interroge : est-ce que, comme certains le supposent de Barack Obama, nombre de ces dirigeants seraient sous l'influence de lobbies extrêmement puissants, parce qu'ils ont la puissance de l'argent et de la communication ( les médias sont tenus en grande partie par les grands groupes) ? Ce qui voudrait dire que l'on serait revenu au temps de l'absolutisme, avec une oligarchie au-dessus des instances démocratiques, prétendant mettre en place une gouvernance pour le bien du peuple et le maintien de la stabilité du monde, alors qu'il ne s'agirait que de maintenir leur pouvoir et d'augmenter leur richesse sur le dos des citoyens.
Est-ce que certains de ces dirigeants ont fait de la politique, dès le départ, pour cela, cachant leur jeu, comme des infiltrés qui auraient réussi ?
En tout cas, une chose est certaine, le fait que ce Traité ait été jusque-là négocié en secret démontre la voie dans laquelle l'Europe est en train de s'engager : la voie d'un recul démocratique sans précédent, tant dans la forme que dans le fond.
Mais ce secret démontre aussi autre chose, c'est que la multitude est puissante, et que c'est pour cela que l'on la tient ignorante des décisions qui la concerne. Parce qu'il suffit qu'elle se réveille pour que ce genre de manœuvre ne passe pas.
Et le Parlement Européen est le dernier lieu où nos votes peuvent empêcher la ratification de ce Traité, et d'autres choses pas davantage favorables aux citoyens.
Alors, informons-nous vite, et faisons passer l'information sur ce que concoctent les puissants de ce monde, dans notre dos. Ne laissons pas notre Démocratie se donner, pour rien, aux puissances d'argent.
Ils ont le pouvoir de l'argent. Nous avons celui du nombre. Nous sommes les 99%.
Ref :
- "Le grand marché transatlantique. Les multinationale contre la démocratie" de Ricardo Cherenti et Bruno Poncelet. Éditions Politique à gauche/ Bruno Leprince.
- une version fuitée du projet lui-même : http://www.contrelacour.fr/projet-traite-transatlantique-ttip.fr/
On trouve, outre sur Agoravox, de nombreuses autres références sur le Net, des vidéos, etc. qui démontrent que les citoyens commencent à se saisir de cette question, dans un mouvement d'éducation populaire, de partage des informations, qui va dans le sens de l'intelligence collective !
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