Transhumanisme

Quand j'étais petit, mon père me disait souvent qu'il était plus puissant que Schwarzenegger et plus agile que Van Damme. En grandissant, j'ai commencé à lire « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche et comme la majorité des jeunes gens qui se penche sur ce bouquin, je n'ai retenu du philosophe allemand que la notion de surhomme. Pour faire simple quoiqu'un peu réducteur, le surhomme est un concept qui vous explique que le destin de l'homme est de se transfigurer et de dépasser sa propre condition.
Être plus fort, plus rapide et moins mortel n'est pas nouveau et dans toute l'histoire de l'humanité, on ne compte plus les chercheurs de l'éternelle jeunesse. Je parle entre autre de la fontaine de jouvence chez les égyptiens, de l'élixir des philosophes du moyen âge, et de l'arbre de vie dans la Kabbale et dans la bible. N'oublions pas non plus les alchimistes qui, sous couvert de chercher à transformer le plomb en or, cherchent en fait une transmutation de l'état de mort vers un état de divinité. En ce début de 21ème siècle, la quête d'immortalité de l'épopée de Gilgamesh se poursuit au travers des scientifiques du courant transhumaniste. Mais alors, sans tomber dans le domaine de la science-fiction que lui associe la culture populaire, qu'est-ce que signifie le terme transhumanisme ?
On pourrait dire que le projet de l'école transhumaniste est de modifier la nature de l'homme par l'usage des sciences et des techniques. Les transhumanistes affirment que la mort ne doit pas être considérée comme quelque chose d'inévitable mais plutôt comme une maladie, que l'on pourrait donc soigner. Aubrey de Grey, scientifique et informaticien spécialisé dans le domaine du vieillissement, est l'un des deux papes du transhumanisme. Fondateur de la Methuselah fondation dont l'activité principale est le prix de la souris Mathusalem ( ça s'invente pas ), une récompense qui encourage la recherche contre le vieillissement, il aurait déjà réussi à faire vivre une souris jusqu'à l'âge de 5 ans ( l'équivalent de 150 ans chez l'homme) grâce à la modification des gènes reliés aux hormones de croissance. Personnellement, je n'y comprends pas grand chose mais quand on m'explique qu'il est possible d'allonger l'espérance de vie de Mickey, Jerry et Speddy Gonzales, je suis preneur.
L'autre pape du transhumanisme est Ray Kurzweil. Ce polymathe a été proclamé docteur honoris causa de 20 universités et est l'auteur de 5 best-sellers dont le fameux Humanité 2.0. Cet ouvrage nous apprend que notre espèce va se libérer des bases de sa génétique et réaliser des prouesses inimaginables en terme d'intelligence, de progrès matériel et de longévité. Dans cette union de l'homme et de la machine, le savoir et les compétences implantées dans nos cerveaux se combineront aux vastes capacités de partage de nos créations technologiques. Cette fusion est la base de ce que l'on nomme la Singularité technologique. Pour en revenir à Ray Kurzweil, le Monsieur n'avait pas 16 ans qu'il mettait au point un logiciel de reconnaissance de thèmes musicaux, et à 20 ans, il obtenait sa licence en informatique. Nous ne connaissions pas encore internet que le bonhomme prédisait déjà que les voitures se déplaceraient seules et dans la Silicon Valley, elles le font bel et bien. C'est également lui qui prévoit que les nanorobots seront utilisés pour maintenir le corps humain en bonne santé, en soignant instantanément nos cellules malades.
A ce stade, les plus sceptiques d'entre nous pensent qu'il ne s'agit là que d'utopie futuriste et pourtant, la réalité est entrain de dépasser la fiction. Il suffit de taper sur Google des mots-clés comme Bio-hacking, Body-hacking, clonage reproductif, procréation médical assisté ( PMA) pour constater à quel point la technologie est entrain de faire de l'homme autre chose qu'un homme. Sous nos yeux, l'être humain se métamorphose et il y a de forte chance qu'en cet instant précis, votre main droite ressemble plus à un Iphone qu'à une main. Un Iphone qui vous localise, comme le ferait une puce implantée avec votre consentement, suite à quoi je pourrais rapidement tomber dans un discours dystopique et alarmiste et me dire que l'ère de l'homme touche à sa fin car très bientôt, nos machines se retourneront contre nous mais des certitudes, je n'en ai pas. Des questions et des doutes par contre, j'en ai des tonnes et quoiqu’il en soit, qu'il s'agisse de réalité scientifique ou d'utopie, je ne suis pas le seul que la question transhumaniste fascine.
Il n'y a qu'à voir le nombre de milliardaires obsédés par la quête d'immortalité qui financent à coup de millions la recherche contre le vieillissement. Je pense à Peter Thiel, cofondateur du système de paiement Paypal, qui en 2006 annonçait la donation de 3,5 millions de dollars pour la recherche, je pense au groupe Artémis détenant la fortune de la famille Pinault, devenu actionnaire d'Immunobank qui propose à ses clients de congeler leurs cellules immunitaires. Mais tous ces hommes d'affaires mesurent-ils que leurs actions ne profitent qu'aux riches et risquent de favoriser l'individualisme au détriment de la démocratie ? Bien sur que oui. Est-ce que l'homme qui fera tomber le record de Jeanne Calment est déjà né ? Et qu'en sera-t-il de la maîtrise du peuplement ? Si Mickey, Jerry et Speedy Gonzales ne meurent pas, y aura-t-il moins de gruyère sachant que moins il y a de fromage moins il y a de trous or, moins il y a de trous, plus il y a de fromage ? Aidez-moi !
Peut-être que nous entrons dans l'ère du paradoxe. En 2009, au plus profond de l’ADN d’une humble créature de rivière, une scientifique d’origine australienne a co-découvert une enzyme « immortalisante », un catalyseur chimique qui a le potentiel de maintenir les cellules jeunes, pour toujours. Elle a reçu le prix Nobel de médecine pour ça. Mais il ne s’agit pas d’un simple remède contre la vieillesse. En effet cette même enzyme qui alimente la jeunesse infinie, nourrit aussi le cancer. Une sacrée découverte qui nous rappelle que la vie ( au sens scientifique du terme) est fondamentalement paradoxale. De là à vouloir la dépasser en repoussant la mort à demain, il n'y a peut-être qu' un petit pas.
« On peut mourir d'être immortel » Nietzsche.
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