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Trois savoirs universitaires

Les débats sur la réforme de l’université se polarisent autour de la sélection. La sélection pure et dure est une solution aussi facile et aussi nécessaire qu’inefficace. Elle ne résoudra pas le problème considérable de l’université qui est de réformer ses contenus et de sélectionner positivement par des propositions diversifiées et améliorées.

Eternel blocage

Il y a un blocage durable : quand on propose une formation plus appliquée, certains hauts placés rétorquent que l’université n’est pas là pour ça. L’université c’est la recherche, c’est le savoir, ce n’est pas la formation professionnelle.

 

Résultat, dans de très nombreux champs, et notamment dans les sciences humaines si déterminantes dans nos sociétés, les étudiants sortent avec de longs diplômes mais avec très peu de savoir-faire réel.
Deuxième résultat : l’étudiant, pour s’en sortir, se lance dans une professionnalisation ou dans des stages et finit par se "former" en fonction des besoins immédiats de l’entreprise. Toute l’ouverture d’esprit promise par ses anciens professeurs part alors en fumée.

Professionnaliser

L’université a une idée étroite de la professionnalisation. Pour elle, un professionnel, c’est quelqu’un qui travaille dans le privé, non quelqu’un qui sait créer et qui produit des choses utiles et performantes. La vision étriquée du professionnel chercheur d’emploi conduit à une vision étriquée de ce qu’est la professionnalisation : c’est se caler par rapport à l’offre.

Cette vision non créative de la professionnalisation pose le problème suivant : elle va à la traîne, elle cale les savoirs à l’arrière-garde du mouvement de la société. Elle ne crée pas d’entreprise, elle ne prépare pas les réponses aux besoins profonds. On comprend alors la cohérence du raisonnement : le professionnel est limité, la professionnalisation aussi, restons recherche.

Ce mélange des questions qui concernent l’ANPE dans les discours universitaires ne tient pas la route. Faudrait-il former des médecins qui ne soignent pas, qui ne sont pas destinés à être des professionnels ? Et en sciences humaines, faut-il continuer à former des professeurs d’art qui ne savent pas tenir un crayon et des anthropologues du football qui découvrent soudain l’existence du jeu de rue ?

Nouveaux savoirs à développer

Le monde a changé. Il y a trente ans encore on pouvait l’envisager comme partagé entre l’entreprise et le monde du travail. Mais depuis quinze ans les choses ont beaucoup changé, notamment par la vaste diffusion de moyens de production (ordinateurs, logiciels, machines, réseaux, etc.) dans la société et par le caractère gestionnaire croissant de la direction industrielle. L’industrie se décharge d’une bonne part de la recherche productive pour se consacrer à la seule réalisation. Elle prétend asservir et tenir l’initiative productive sociale.

Cette situation crée trois perspectives de savoirs : la recherche fondamentale, la formation professionnelle directe et la production de savoir social. C’est la non-prise en compte de cette dernière possibilité qui pose problème aujourd’hui. Qui fait que, dans de nombreux domaines, la recherche décroche et que, dans d’autres domaines, la professionnalisation échoue.

C’est le rôle de l’université de se moderniser et de proposer les savoirs dont la société des gens, avec l’ouverture créative et porteuse de futur qui doit être sienne. Pas que pour faire un livre ou pour baisser le chômage des autres. Mais pour redonner aux gens une vraie initiative dans la création productive du pays.


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11 réactions à cet article    


  • NPM 10 juillet 2007 11:39

    Si on privatise, l’Université et ses personnels devront bien se convertir au réel, sous peine de chomage...


    • Pierre Arrighi Pierre Arrighi 10 juillet 2007 13:30

      Le problème, NPM, c’est qu’il y a plusieurs réels. Pierre


    • faxtronic faxtronic 12 juillet 2007 17:19

      Le probleme NPM, c’est qu’il n’existe pas de reel.


    • faxtronic faxtronic 12 juillet 2007 17:29

      Travaillant aussi avec l’universite (Gand), (je ne connais pas les unversites francaise, etant centralien), je trouve qu’elle est bien adapte au monde travail, sans etre denature, car les labos travaillent ENORMEMENT avec les entreprises, et toute recherche se doit d’etre a la fois innovante scientifiquement ET industriellement, meme le gars de philosphie, qui va s’interroger sur l’ ethique, l’ evolution de l’ethique dans le temps et l’espace humain. Tous cela fait que le philosophe est en contact direct avec le monde reel, evidemment aussi le physicien et l’ electronicien. Et de meme l’industrie respecte l’universite, qui n’ a pas vu ainsi comme un nid de militant de gauche, mais comme un centre de formation et de recherche tourner vers le monde, le monde d’ici, de maintenant, performant, innovant.


    • Lilian Lilian 12 juillet 2007 17:41

      @ faxtronic, Ceux qui ont un bon niveau dans les université de sciences choisissent généralement de rentrer en école d’ingenieur sur dossier si ils ne veulent pas faire de recherche. C’est vrai que les universités de sciences ne sont pas la voie idéale pour les élèves scientifiques qui se destinent à l’entreprise ou qui ne destinent pas à la recherche. Même si l’enseignement y est de qualité et qu’elles font d’enormes efforts pour favoriser la profesionnalisation, la reconnaissance n’est pas encore au rendez-vous. Et ce sont les detenteurs d’un M2 pro qui en font les frais lors de la recherche de leur premier emploi.


    • sithi 10 juillet 2007 13:30

      « La sélection pure et dure est une solution aussi facile et aussi nécessaire qu’inefficace. »

      La sélection que certains défendent est celle qui se fait aujourd’hui par l’argent. La sélection qui évalue les compétences et les capacités est la seule valable. Jamais les étudiants d’origine modeste n’ont eu proportionnellement aussi peu accès aux meilleurs diplômes.

      « trois perspectives de savoirs : la recherche fondamentale, la formation professionnelle directe et la production de savoir social. »

      Toujours cette litanie de la recherche fondamentale, d’accord qu’il en faut, qu’il en faut plus, mais il faut d’abord développer la recherche appliquée, celle qui fait créer des spin-off par nos laboratoires, celle qui publie finalement plus que la recherche fondamentale.

      Comparez les diplômes des grandes écoles à ceux délivrés par l’université. Le modèle de l’université devrait être celui des grandes écoles, dans lesquelles la recherche devrait se développer plus qu’elle ne l’est aujourd’hui.

      A quoi ça sert d’accueillir des batteries d’étudiants en staps, en psycho, en socio qui vont se casser le nez au bout de 2 ans sans diplôme ? Pourquoi les disciplines scientifiques connaissent une baisse d’effectifs régulière ? Parce qu’il faut y travailler ? Parce qu’on y est sûr d’obtenir un diplôme qui servira pour trouver un travail ?

      Les mentalités dans le corps enseignant et dans les directions de nos universités sont à reformater pour qu’elles remettent les pieds dans le monde réel.


      • Pierre Arrighi Pierre Arrighi 10 juillet 2007 14:08

        Réponse à Sithi

        Il faut de la recherche fondamentale. Mais il faut aussi de la recherche partout y compris dans l’enseignement appliqué, professionnel. Y compris au collège, etc.

        Mais ce que je crois surtout, et c’est là le sens de mon propos, c’est que l’Université doit contribuer à créer les métiers d’une société de demain, et développer la créativité et non le bachotage, la prime au perroquet.

        Les métiers de demain ce n’est ni la formation professionnelle ni la recherche fondamentale. Ce sont des choix ouverts et divers, créatifs, individuels ou collectifs, qui NOUS intéressent au delà de ce que pensent les grands groupes industriels aujourd’hui.

        Un exemple tout bête : on crée des voitures chères. Vous croyez les acheter. Non. Vous achetez son usage. Le moteur et la technique fermée restent la propriété du farbricant. La société n’a pas intérêt à cela. L’Université devrait, en avance et indépendamment des intérêts financiers, travailler dans le sens d’une voiture ouverte. Idem dans le domaine des logiciels, idem dans... tout.

        Pierre


      • evivbulgroz 13 juillet 2007 19:42

        P. A. : Ce que vous préconisez est intéressant et pour le moins inventif, mais d’autres ont l’impression que l’université est déjà à l’agonie ou pire, et qu’elle ne saurait recouvrer une quelquonque santé tant son entrée est un droit ouvert par l’obtention du bac. Voir à ce sujet ce cours article :http://lavraiedemocratie.com/spip.php?article76

        Vous qui êtes encore à l’intérieur et qui avez pu voir l’évolution au cours des années, qu’en pensez vous ?


        • Pierre Arrighi Pierre Arrighi 13 juillet 2007 20:40

          Je n’ai qu’un regard limité. Certaines universités fonctionnent mieux que d’autres, bougent plus et ont la curiosité et l’envie de créer. D’autres simulent le mouvement pour conserver une structuration archaïque.

          Moi je suis dedans et dehors. Je suis professeur associé, donc avec un contrat renouvelable tous les trois ans, au bon vouloir des spécialistes. La structure sociale de l’Université est une des premières choses à interroger. Vous avez des chargés de cours très compétents, qui travaillent beaucoup et ne sont jamais récompensés. Et des étudiants sans aucune expérience qui deviennent immédiatement « universitaires ». Le non fonctionnaire n’a pas de voix, car il craint de ne pas être renouvelé. Moi je me suis déjà fait virer une fois, parce que je m’intéressais trop à la pédagogie. J’ai été réintégré grâce à la solidarité de la directrice de la recherche, qui est une bosseuse.

          L’Université doit se mettre au service de la société ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut que l’Université soit au service des étudiants et de leur créativité, de leur avenir, et non les étudiants au service d’un système. Les étudiants sont beaucoup plus intelligents et créatifs qu’on ne le dit. Mais ils font semblant d’être idiots parce que ça donne de meilleures notes.

          Moi je suis devenu Prof associé avec un bac. Puis, par mon expérience et mes écrits pédagogiques, Nantes m’a accordé 5 ans d’études, un Master. Puis je suis devenu étudiant d’un coup. Quand je réfléchissais, j’avais 10 ou pas de réponse des profs. Quand je me suis mis à répondre vite fait bêtement, j’ai atteint facilement les 17.

          Au Cnam un prof voulait que je fasse des recherches sur les assistantes maternelles. J’ai fait une étude démontrant que les asmat étaient maintenant de classes sociales diversifiées, y compris classe moyenne. Il n’a jamais accepté le fait que ce n’était pas que des femmes de ménage.

          Dans de trop nombreux secteurs, l’Université ne développe pas la personnalité de l’étudiant et cherche surtout à soumettre sous prétexte « d’autonomie ». Le prof doit collaborer avec l’étudiant et non le laisser se décourager des années sur sa thèse.

          Le savoir est un renouvellement. L’étudiant ne doit pas être là pour acquiéscer mais pour relancer la créativité des savoirs. Ceci peut se produire dans tous les domaines du savoir et à tous les niveaux.

          Je n’ai pas de programme, mais je crois qu’il faut commencer par sortir de l’opacité qui caractérise l’Etat. Car ce qui pose problème c’est le comportement étatique et non social.


        • Pierre Arrighi Pierre Arrighi 13 juillet 2007 20:55

          Je n’ai qu’un regard limité. Certaines universités fonctionnent mieux que d’autres, bougent plus et ont la curiosité et l’envie de créer. D’autres simulent le mouvement pour conserver une structuration archaïque.

          Moi je suis dedans


        • Pierre Arrighi Pierre Arrighi 13 juillet 2007 20:43

          Je n’ai qu’un regard limité. Certaines universités fonctionnent mieux que d’autres, bougent plus et ont la curiosité et l’envie de créer. D’autres simulent le mouvement pour conserver une structuration archaïque.

          Moi je suis dedans et dehors. Je suis professeur associé, donc avec un contrat renouvelable tous les trois ans, au bon vouloir des spécialistes. La structure sociale de l’Université est une des premières choses à interroger. Vous avez des chargés de cours très compétents, qui travaillent beaucoup et ne sont jamais récompensés. Et des étudiants sans aucune expérience qui deviennent immédiatement « universitaires ». Le non fonctionnaire n’a pas de voix, car il craint de ne pas être renouvelé. Moi je me suis déjà fait virer une fois, parce que je m’intéressais trop à la pédagogie. J’ai été réintégré grâce à la solidarité de la directrice de la recherche, qui est une bosseuse.

          L’Université doit se mettre au service de la société ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut que l’Université soit au service des étudiants et de leur créativité, de leur avenir, et non les étudiants au service d’un système. Les étudiants sont beaucoup plus intelligents et créatifs qu’on ne le dit. Mais ils font semblant d’être idiots parce que ça donne de meilleures notes.

          Moi je suis devenu Prof associé avec un bac. Puis, par mon expérience et mes écrits pédagogiques, Nantes m’a accordé 5 ans d’études, un Master. Puis je suis devenu étudiant d’un coup. Quand je réfléchissais, j’avais 10 ou pas de réponse des profs. Quand je me suis mis à répondre vite fait bêtement, j’ai atteint facilement les 17.

          Au Cnam un prof voulait que je fasse des recherches sur les assistantes maternelles. J’ai fait une étude démontrant que les asmat étaient maintenant de classes sociales diversifiées, y compris classe moyenne. Il n’a jamais accepté le fait que ce n’était pas que des femmes de ménage.

          Dans de trop nombreux secteurs, l’Université ne développe pas la personnalité de l’étudiant et cherche surtout à soumettre sous prétexte « d’autonomie ». Le prof doit collaborer avec l’étudiant et non le laisser se décourager des années sur sa thèse.

          Le savoir est un renouvellement. L’étudiant ne doit pas être là pour acquiéscer mais pour relancer la créativité des savoirs. Ceci peut se produire dans tous les domaines du savoir et à tous les niveaux.

          Je n’ai pas de programme, mais je crois qu’il faut commencer par sortir de l’opacité qui caractérise l’Etat. Car ce qui pose problème c’est le comportement étatique et non social.

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