TRUMP / CLINTON : Bad boy / Good girl du système ?
Donald Trump : 59 600 000 voix, Hilary Clinton : 59 800 000 voix, et le vainqueur est … ce « gros-plein-de-soupe de Donald ». La victoire en nombre de grands électeurs à peine proclamée, Trump a aussitôt congratulé son adversaire, qu’il n’avait cessé de trainer dans la boue pendant la campagne. Après avoir encaissé le coup pendant 24 heures la good girl félicite à son tour le vainqueur et se met à son service. Aujourd’hui, deux jours après le vote, le charmant et « bien-sous-tout-rapport » Président Obama reçoit à la Maison Blanche le nouvel élu pour préparer ensemble la transition. L’ alternance entre le Bad Boy et le Good Boy se prépare …pour que tout puisse continuer comme avant.
Supporters de l’un ou de l’autre, rangez vos pancartes, le spectacle burlesque et grotesque de cette course au pouvoir est terminé et le vrai gagnant n’est pas seulement celui qui se proclame vainqueur devant les caméras du monde entier mais bien celui qui gagne encore à tous les coups la pièce dans ce pile ou face électoral : le capitalisme financier. Les bourses ne s’y sont pas trompées , une fois la surprise digérée les indices se sont repris et ont monté en flèche. Il faut dire qu’il y a de quoi : un sénat et une chambre des représentants dans les mains des Républicains, un Président qui a promis de baisser les impôts des sociétés et des plus riches et une amnistie fiscale pour les géants de la Silicon Valley pour rapatrier aux USA les montagnes de cash stockées dans des paradis fiscaux. Avec un zeste de protectionnisme, une politique de grands travaux pour réanimer l’industrie nationale et une promesse d’en finir avec l’Obamacare, sa paperasse et ses charges supplémentaires, que demander de plus ! Tout cela rapportera bien quelques miettes et quelques emplois aux sans grade qui en désespoir de cause ont voté pour ce bad boy qui les a entraînés dans sa course folle.
Cette élection répète le triste spectacle du référendum sur le Brexit en Grande Bretagne avec le succès du « Out » qui rappelle aussi l’histoire du référendum de 2005 en France. Résultat électoral qui est l’illustration jusqu’à la caricature de la distance de plus en plus marquée entre ces deux mondes qui s’éloignent chaque jour un peu plus l’un de l’autre. Monde branché des urbains cosmopolites, qui vont et viennent d’une métropole à l’autre en parlant le globish, les yeux rivés sur leur smartphone, satisfaits de pouvoir jouir de mille et un services grâce à l’entremise des plateformes numériques dispersées de par le monde et, qui ignorent tout de l’existence de cet univers caché des perdants, des blasés, des renfrognés, des ex blouses bleues de la ceinture rouillée au Sud des Grands Lacs que décrit Michael Moore, de ce périurbain triste à mourir, de ces centres villes désertés de chefs lieux de province. Monde de déclassés qui sont incapables de trouver leur place dans cette nouvelle économie mondialisée et déterritorialisée et qui regardent avec un mauvais œil tous ces immigrés avec qui ils doivent aujourd’hui partager leur quotidien et leur espace, accepter leur coutume, leur culture et leur religion. Immigrés qui occupent les sales boulots que tous ces ex-ouvriers qualifiés rechignent à accepter. Insécurité sociale et identitaire qui est la conséquence de plus de quarante ans de libéralisme mondialisé incarné parfaitement par le couple Clinton au pouvoir depuis des décennies.
La mise en concurrence des travailleurs du monde entier, la robotisation et la numérisation de l’économie et l’émergence de ces méga-entreprises qui s’approprient l’innovation technologique et imposent des modes de fonctionnement qui détruisent les organisations sociales existantes, tels sont les facteurs qui mettent à mal le salariat et ses organisations et qui sont la cause d’une marginalisation d’une partie de plus en plus importante de la population. Si une petite minorité, dans chaque pays , recueille les fruits de cette mondialisation à tout va, une majorité, de plus en plus grande, est exclue de ce partage des richesses.
Aux États- unis de 2009 à 2012, les 10% des plus riches ont bénéficié de 115 % de la croissance post-crise, les 90 % les plus pauvres se sont appauvris de 15 %. Dans ce pays, 45 millions d’américains dont beaucoup de travailleurs se nourrissent grâce aux « food stamps« , l’espérance de vie des déclassés régresse sous l’effet des drogues, de l’alcool et de la malbouffe. Depuis des années, le salaire médian stagne. Dans la Silicon Valley pendant que la concentration de génies de l’informatique fait monter le prix des villas, les infirmières et les professeurs des écoles dorment dans des caravanes.
Ce capitalisme global, libéral, moderne, universel est porté par tous les « progressistes » de tous poils, par la gauche libérale, par cet « extrême centre » « qui réunit à la fois la gauche pro-entrepreneuriale et la droite pro-patronale au service des « 1 % », l’élite oligarchique des plus riches ». ( lire Le Monde Diplomatique – l’article de Miguel Urban, Cofondateur de Podemos en Espagne qui pronostique la fin de cette socialdémocratie qui n’a cessé depuis des décennies de flirter avec cette élite mondialisée).
Alors pour continuer à perpétrer le système quitte à l’amender à la marge, une fois éliminés ou marginalisés les mouvements alternatifs qui auraient peut-être la prétention de vouloir renverser la table , il faut bien à tout prix se fabriquer une majorité dans nos démocraties « représentatives ». Devant la crise de la représentation politique de cet « extrême centre éclairé », de cette « gauche de progrès », devant aussi cette droite conservatrice qui n’est plus trop sexy et ne fait plus a elle seule de majorités, les tréteaux politiques ayant horreur du vide, on essaie de dégoter un candidat qui s’adresse, les yeux dans les yeux, aux victimes de plus en plus nombreuses du système. Bonimenteur qui ne doit surtout pas faire appel à l’ intelligence ou réveiller les consciences , ce qui pourrait contribuer à émanciper du système tous ces malheureux. Au contraire il doit s’adresser à leurs tripes, exciter leurs émotions, les flatter, exacerber leur colère, leur part sombre, leur rancoeur . C’est le rôle de ces bad boys de la politique, qui acceptent de jouer les clowns du système : Hier Berlusconi en Italie, Bernard Tapie en France, aujourd’hui Trump aux Etats-unis. Peu importe l’avalanche de contre-vérités qu’ils déversent , la montagne d’insanités qu’ils éructent, colportées par la « médiasphère » leurs paroles font le buzz. Ils osent s’adresser directement à tous les éclopés du système économique et prétendent être la voix de ces sans-voix. Aigris et en colère, dupés par la théorie foireuse du ruissellement de l’ère Reagan, abandonnés par les politiciens démocrates qui, malgré leurs beaux discours, fricotent avec des lobbyistes de Goldman Sachs, toujours prêts à leur faire un gros chèque, tous ces laissés pour compte du grand Marché utilisent les urnes comme ils jetteraient, s’ils le pouvaient, un cocktail Molotov à la figure de ces intelligences froides, lisses et trop souvent méprisantes, identifiées à juste titre comme coproductrices de leur malheurs. Ainsi grâce à l’apport des bulletins de vote de ces pauvres » figurants électoraux« , les plus aisés et les plus conservateurs peuvent continuer à bricoler de nouvelles majorités pour perpétuer leur pouvoir. (1)
Demain avec Donald Trump, héritier milliardaire de l’immobilier, rien ne changera dans la condition de tous les déshérités du système. Les salaires n’augmenteront pas, l’accès aux soins et à l’éducation et la formation sera toujours aussi compliqué. On jettera l’opprobre sur l’étranger,bouc émissaire de tous les malheurs. Pour quelques emplois et quelques points de croissance de plus on continuera à polluer sans vergogne. Pour engager les grands travaux, les États-Unis continueront à s’endetter sur le dos du monde entier. Bref tout continuera comme avant jusqu’à la prochaine secousse.
A moins de revenir à la pelle et à la pioche pour construire ponts et autoroutes cette population « surnuméraire » continuera à croître, population active transformée trop vite en « brèles » et « bras cassés » de cette compétition mondiale qui lui est imposée. Population qui a perdu en réalité non seulement tout ce qu’elle avait mais aussi et surtout la seule souveraineté qui compte : celle de soi-même. Souveraineté, que beaucoup trop d’américains ont cru bon, ce 8 novembre, de mettre dans les bras de ce piètre démagogue à la chevelure peroxydé à la solde des puissances d’argent. (2)
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(1) L’analyse sociologique des résultats des élections par THE NEW YORK TIMES montre que contrairement aux apparences le vote Trump est majoritaire chez les électeurs aux revenus supérieurs à 50 000 $ et le vote Clinton l’est encore, de justesse, chez les plus pauvres.
(2) « Le prétendu remède que le peuple se prescrit va s’avérer un véritable poison pour lui. Le président des États-Unis est toujours l’homme de paille des lobbies, du complexe militaro-industriel, des vendeurs d’armes, de Wall Street. Il n’y a aucune raison pour que Trump s’émancipe de ces pouvoirs véritables. En régime capitaliste libéral, c’est l’argent qui fait la loi. Trump ne dérogera pas. » Michel Onfray – Le Point 9/11/16
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