Tunisie, la France honteuse
Il est de plus en plus difficile d’être fier de notre pays, sinon peut-être impossible. Au grands discours européens de son Président de la République qui proclamait une République irréprochable et éthique est advenu un pays qui reçoit et soutient les dictatures, de l’empire du milieu au bédouin du désert libyen en passant par l’Afrique de Bongo aux valises pleines.
La Tunisie a vécu et vit encore des événements, à l’adjectif que notre Nicolas Sarkozy associe si souvent à ses moindres faits et gestes, historiques pour un avenir incertain issu d’un passé récent douloureux et bien rouge de sang inutile et innocent.
Nous pouvons nous couvrir la tête de cendres quand on a écouté nos leaders politiques, et ceux du pouvoir en premier lieu en passant par les MAM et son infamante et honteuse proposition d'envoyer nos bons conseils sécuritaires pendant que des hommes tiraient sur d'autres hommes pour les tuer, Le Maire et autres Mitterrand. Nous serons certes rouges de honte, et pour longtemps, ce qui est bien peu quand plus de soixante vies sont allées en peindre les trottoirs et les murs de leur sang.
Le pouvoir aura été en pointe dans cette honte gravée maintenant au fer rouge au fronton de notre République à côté de ce triptyque fanfaron et le plus souvent faux et mensonger : Liberté, Egalité, Fraternité. Nos les champions kouchnériens du droit d'ingérence et des frères ennemis, Médecins du monde et Médecins sans frontières, nous n'avions pas de mots pour condamner les meurtres d'état d'un dictateur policé et policier élevé au grain de la CIA, au mains ensanglantées. Il fallait attendre, être objectifs. En d'autres mots ne pas insulter un avenir pourtant condamné et au passé infâme.
Ce pays était corrompu. Qui l'ignorait ? On dit que Ben Ali et son clan mafieux possédaient une fortune de 4 ou 5 milliards de dollars. Qui l'ignorait ? La France ? En tout cas ce n'est pas à notre honneur quand la belle famille faisait voler les bateaux des amis fortunés de Chirac et que la justice déléguait son pouvoir français à celui de la Tunisie qui a absous au moins l'un de ses voleurs arrogants. Qui l'ignorait ? En tout cas pas les américains avec ce qu'en révèle Wikileaks et ses fuites qui sentent les vespasiennes et l'argent qui a de l'odeur (Le Monde) : Memo numéro 08 Tunis 679
DATE : 23 juin 2008
ORIGINE : AMBASSADE DES ETATS-UNIS A TUNIS
CLASSIFICATION : SECRET
SUJET : CORRUPTION EN TUNISIE : CE QUI EST A VOUS EST A MOI
[…]
UNE GRANDE FAMILLE AVEC BEAUCOUP DE RESSOURCES
3- La famille élargie du président Ben Ali est fréquemment présentée comme le carrefour de la corruption en Tunisie. Souvent qualifiée de quasi mafia, une vague allusion à "la Famille" suffit à indiquer de laquelle vous voulez parler. Il semble que la moitié de la communauté tunisienne des affaires peut se targuer d'être lié aux Ben Ali par un mariage, et nombre de ces relations ont su profiter à plein de leurs connexions familiales.
Ce sont surtout l'épouse de Ben Ali, Leila Ben Ali, et sa famille élargie – les Trabelsi – qui provoquent la colère des Tunisiens. En sus de nombreuses allégations de corruption, les Trabelsi sont la cible fréquente de piques concernant leur manque d'éducation, leur statut social inférieur et leur frénésie de consommation. Si certaines critiques à l'égard du clan Trabelsi semblent émaner d'un mépris pour leur comportement de nouveaux riches, les Tunisiens remarquent également que leurs méthodes musclées et leur abus flagrant du système en font facilement des objets de détestation.
Le frère de Leila, Belhassen Trabelsi, est le membre le plus connu de la famille et passe pour avoir trempé dans un grand nombre d'affaires de corruption, depuis la réorganisation récente du conseil d'administration de la Banque de Tunisie [au sein duquel Trabelsi s'est fait coopter avant d'y acquérir un poids déterminant durant les mois suivants] jusqu'à des opérations d'expropriation et d'extorsion de pots-de-vin. Trabelsi possède par ailleurs de nombreuses entreprises, parmi lesquelles une compagnie aérienne, plusieurs hôtels, une des deux radios privées tunisiennes, des usines d'assemblage d'automobiles, le réseau de distribution Ford, une société de développement immobilier, et la liste n'est pas finie. [...]
Pourtant, Belhassen n'est qu'un des dix membres connus de la fratrie de Leila, et chacun a eu à son tour des enfants. Parmi cette vaste famille élargie, le frère de Leila, Moncef, et son neveu Imed sont eux aussi des acteurs économiques de premier plan.
Donc on savait. Donc la France savait. Et Nicolas Sarkozy le savait. Et notre belle Rama Yade le savait, elle aussi, elle qui a été d'un mutisme absolu lors de son voyage comme gentille organisatrice (GO dit-on au Club Med) à Tunis, flattée par son mentor.
Ben Ali et sa Tunisie n'étaient qu'un exemple de dynamisme économique et social. Il y a là-bas des femmes qui conduisent des voitures et sans voile encore ! Et ceci était la preuve de tout. Ce câble date de 2008. Tout le monde savait cette corruption effrénée, les passe-droits odieux, les favoritismes, les enrichissements indécents, les déséquilibres sociaux et les privations de liberté. Hamon a beau s'offusquer du mauvais procès, selon lui, fait à DSK car selon ce porte parole du PS, DSK ne parlait, quand il flattait la Tunisie, que dans le contexte de la réussite économique et sociale de ce pays et de ce fait on ne peut l'accuser d'avoir été un cireur de pompes du Ben Ali. Mais quand DSK flattait ce pays et son dictateur il savait le degré insupportable de corruption de ce pays. DSK savait les déséquilibres sociaux de ce pays, de cette réussite en trompe l'œil qui permettait à une caste fermée de s'enrichir aux dépens des autres. DSK savait tout cela. Il a donc félicité le camp de la corruption morale et économique, défendant cette liberté de faire qui emprisonne les hommes et les idées et détruit l'unité d'un pays. SDK a défendu des hommes et une économie corrompus tout en le sachant. Non seulement il a applaudi mais il a demandé de prendre ce modèle en exemple, modèle dont il savait l'étendue de la pourriture de ses bases. Le prix à payer pour lutter contre l'islamisme dit-on.
Le pouvoir n'est pas le seul à avoir fourni du charbon à la chaudière de notre honte. Le Parti Socialiste, celui qui prône les droits de l'homme et ouvre sans cesse sa poitrine au monde pour que l'on aperçoive son cœur généreux palpiter. Ce Pari Socialiste a été bien gêné au début et même au milieu de cette révolte. Il est vrai que le RCD, le parti de Ben Ali avait, et a encore, sa place, toute sa place dans l'Internationale Socialiste, sans qu'aucun des partis socialistes de nos démocraties n'ait rien eu à y redire. Comment ces partis socialistes ont-il pu accepter dans leur rang un parti qui détenait tous les pouvoirs dans son pays, emprisonnait la presse et les opposants politiques, cassait de l'avocat, comme on casse une croûte dans un cocktail rue de Solférino ?
Heuresuement il y a eu quelques voix pour s'élever. Des blogueurs bien sûr quelques politiques comme NDA, et aussi le Mouvement Démocrate par un discours, pour une fois, sans aucune ambiguïté et d'une force peu commune (ici) 13 janvier 2011 : Yann Wehrling, porte-parole du Mouvement Démocrate et membre du Shadow Cabinet, appelle une nouvelle fois le gouvernement français à prendre position clairement concernant la situation préoccupante en Tunisie.
"Les troubles en Tunisie prennent jour après jour une tournure de plus en plus inquiétante. Le silence complaisant de nos ministres pourrait bien finir par se transformer en complicité", déplore-t-il.
"Les troubles en Tunisie prennent jour après jour une tournure de plus en plus inquiétante ; Couvre feu, tirs à balles réelles sur les populations, Décès de plusieurs dizaines de manifestants
Le silence complaisant, égrené de déclarations de certains de nos ministres frisant la provocation, pourrait bien finir par se transformer en complicité d'actes qu'il faut oser qualifier de crimes. Il n'est plus temps d'ignorer les cris d'une population qui veut sortir de la chape de plomb dans laquelle on estime nécessaire de les maintenir pour on ne sait quel intérêt supérieur. Et aucun intérêt supérieur ne peut se justifier à l'aide de balles réelles.
La rue demande la démocratie parce qu'elle demande un développement débarrassé de la corruption. Il ne peut y avoir de développement sans démocratie et sans un haut respect des éléments les plus basiques des Droits de l'Homme. Certains pensaient que pour préserver la stabilité en Tunisie, il fallait protéger son Président. Il devient terriblement évident que pour préserver la stabilité de la Tunisie aujourd'hui, il faut protéger les tunisiens contre la folie répressive de son Président."
Et avant déjà le 11 janvier : "La réponse du Gouvernement tunisien et du président Ben Ali est la pire que des dirigeants puissent adresser dans une telle situation. La répression est à l'œuvre, dissimulée par le Président qui étouffe, par une série de discours, la réalité. Cet étouffement est cautionné par notre propre gouvernement qui tient des propos qui ne sont pas ceux que l'on devrait tenir en pareille circonstance.
Notre intérêt, l'intérêt de la Méditerranée, l'intérêt de tous les pays lorsqu'une démocratie peut se mettre en mouvement, est de l'appuyer et de la soutenir. La Tunisie est mûre pour devenir une démocratie exemplaire qui rayonne sur toute l'Afrique du Nord. Sans démocratie, il n'y a pas de développement et la corruption gangrène la société.
Nous ne pouvons pas faire la sourde oreille, nous ne pouvons pas nier la dictature et nous pouvons encore moins cautionner le maintien de l'ordre par les balles. Nous exprimer n’est pas faire preuve d’ingérence. Il s’agit d’envoyer un message à une population qui souhaite développer la démocratie et attend pour cela le soutien de la France. Arrêtons l’excuse de la menace islamiste.
Les revendications du peuple tunisien sont légitimes et doivent être entendues."
Vous savez, pour appuyer sa démonstration on utilise souvent des proverbes, et celui qui convient le mieux à ce que l'on veut démontrer. Ainsi on en a toujours un à son service. Par exemple on dit que l'histoire ne repasse jamais deux fois les plats, ou bien son contraire que l'histoire bégaye. Le 16 janvier 1969 un jeune Tchécoslovaque s'immole par le feu. Il s'appelle Jan Palach, il n'avait pas 21 ans, il meurt dans la peur et la souffrance 3 jours plus tard. Une vidéo insoutenable en témoigne si poignante que les larmes viennent et elles me sont venues. En Tunisie, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouaziz, 26 ans, s'immole par le feu. Il meurt 19 jours plus tard. Deux destins croisés, deux torches humaines pour éclairer des pouvoirs sombres par le martyr. L'un ne voulait plus de l'invasion russe, l'autre ne pouvait plus travailler. Tous deux subissait, avec leur peuple le joug de la dictature. Il a fallu 20 ans ensuite pour que le mur de Berlin tombe. Il y a une secousse forte en Tunisie, on arrête des membres de la famille de Ben Ali et le directeur de la sécurité (la securitate ?), mais les racines de la corruption son profondes et qui sait si cette révolte sera assez forte pour les arracher et les brûler sur un bûcher purificateur. On ne peut qu'espérer pour eux. Mais à jamais on ne pourra oublier qu'en ce bas monde, si bas que le soleil ne l'éclaire pas, il existe des vermines indéfinissables qui donnent des ordres et d'autres par peur, lâcheté ou avec le sourire, tirent sur d'autres hommes afin de les tuer, et ce dans leur propre pays, contre leur frères, ceux qui portent le même nom parfois, le même prénom souvent, qui partagent assurément le même sol et le même air qui sent maintenant la charogne. On ne peut qu'être effrayé de se rappeler que les hommes sont capables de ça, et que dans notre pays, le pouvoir n'a pas eu immédiatement de mots assez durs pour le condamner. Bon Dieu était-ce un dixième de seconde admissible ?
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