Le raid au large de Gaza valut à Israël son énième condamnation tempérée auprès du Conseil de sécurité de l’ONU. Obama s’est contenté de déplorer “une tragédie”, dans laquelle s’engouffre son porte parole, pour y voir clair depuis.
Or, ces condamnations sans suites et cette bienveillance qui deviennent presque grotesques ne servent pas vraiment Israël. Au contraire, elles l’aident à s’enliser chaque jour un peu plus dans ses propres extrêmes.
Une puissance sans garde fou se détruit tout en détruisant. Les gouvernants actuels d’Israël sont déjà des extrémistes et les doter d’un sentiment d’impunité inconcevable pour une démocratie, conduit le pays au désastre.
L’assaut meurtrier, parce que mal préparé de Tsahal contre des bateaux humanitaires a destination de Gaza, est un tournant décisif pour ce pays. Cet assaut témoigne du sentiment d’impunité de ses dirigeants, puisqu’il s’est passé dans les eaux internationales. Il démontre aussi la faiblesse de son dispositif militaire, puisque les soldats ont dû se défendre en tuant des civils, dont ils avaient sous-estimé la volonté de résistance.
Les 368 des 600 voyageurs de Mavi Marmara (Bleue Marmara), le seul bateau que Tsahal attaqua de cette façon, étaient des turcs islamistes. Et les israéliens savaient pertinemment qu’ils avaient affaire a des fous furieux, non armes, mais qui se battraient même avec des chaises plastiques !
Résultat, cet assaut isole Israël un peu plus dans ses convictions et fait de son seul allié dans la région, un adversaire de taille : La Turquie.
Le premier ministre turc Erdogan ne s’est pas contenté d’une violence verbale, il a explicitement mis en garde Israël, de ne pas “se frotter a La Turquie”.
Pourtant, tous les turcs ne sont ni aussi furieux, ni d’accord avec lui, loin de la.
Malgré les manifestations qui se suivent, la moitié de la population toujours attachée aux valeurs laïques ne sont pas concernés par cette montée pro palestinienne, ne se reconnaissent pas parmi les humanitaires islamistes explicitement antisémites de cette expédition. Beaucoup pensent que s’ils ont été attaqués par Israël, ils l’ont bien cherché.
Autrement dit, la moitié de la population turque est convaincue que cette crise est une manipulation islamiste et que le gouvernement AKP en profite pour revendiquer son statut de chef de file au Moyen Orient, en tant que “Nouveaux Ottomans”.
Or, ils n’en veulent pas d’un leadership dans le monde musulman et critiquent les islamistes turcs d’adhérer a une entité religieuse, au détriment de leur identité nationale.
En Israël, certains partagent ce point de vue. Pendant une manifestation qui ripostait aux accusations du gouvernement AKP devant l’ambassade de Turquie a Tel Aviv mardi dernier, on pouvait lire sur une pancarte : “Atatürk is crying from his grown, my beloved Turkey is captive of islamic fanatics” (Atatürk pleure dans sa tombe, mon adorée Turquie est esclave des islamistes fanatiques).
Il y a des mots et des tournures que seuls juifs et turcs puissent formuler pour se comprendre. Ils ont une longue histoire de coexistence pacifique, plutôt heureuse. Jusqu’à ce que l’islamisme gagne du terrain, l’antisémitisme était inconnu en Turquie.
Actuellement, l’autre moitie des turcs haïssent Israël, détestent les juifs, parce qu’ils se considèrent musulmans avant d’être turcs. Ce processus s’est emballé depuis 2003, l’arrivée au pouvoir d’AKP et le premier ministre Erdogan est un héros palestinien, depuis qu’il a fustige Simon Perès, à Davos en 2009.
Mais ces motifs ne sont pas suffisants pour expliquer le fossé qui se creuse entre La Turquie et Israël.
Après l’assaut des bateaux humanitaires, même les partis de l’opposition qui ne partagent pas les sensibilités pro palestiniennes, ainsi que l’armée ont fait bloc derrière le gouvernement, parce qu’il y a autre chose :
La Turquie soupçonne Israël de nourrir, soutenir et armer secrètement les kurdes rebelles du PKK. Tandis que l’Iran porte les mêmes soupçons a propos de rebelles kurdes du PJAK qui opèrent sur son sol.
Ceci explique en partie, pourquoi Mr. Erdogan prend aussi la défense de l’Iran sur la scène internationale.
Certains politiques et analystes turcs, trouvent suspect que dans la nuit du dimanche 30 Mai, l’assaut du PKK à la base maritime d’Iskenderun (6 morts, 14 blesses) soit parallèle a l’assaut en mer du Tsahal au bateau Mavi Marmara (9 morts, nombre inconnu de blesses).
Hier soir, l’armée iranienne a violé la frontière du nord de l’Irak. Depuis, elle pilonne les périphéries du Kurdistan, cherchant à atteindre les bases du PJAK.
“Les jours à venir sont enceintes à des choses”, comme diraient les sépharades du Bosphore.