L’homme étant inclus dans l’univers, il serait étonnant qu’il en soit totalement différent. Il y a donc probablement de la matière, de la gravitation, de la nébuleuse et du trou noir en lui.
L’homme étant Terrien, il serait étonnant qu’il n’y ait pas de la Terre en lui. Il tient donc probablement du volcan, de la mer, de la pluie, des nuages et des vents.
L’homme étant de surcroît animal, il y a probablement du tuyau en lui.
Et s’il tient du tuyau il est fort probable qu’il soit tuyauteur et finisse par créer des usines à gaz.
Le lombric est un tuyau vivant. Ce tuyau est capable de se faufiler dans le sol humide, d’introduire de la terre à son extrémité avant et d’en ressortir un résidu à son extrémité arrière. Le ver vit pour et par le transit de produits terreux dans l’intérieur de son tuyau, étant entendu que lors de ce transfert, il y prélève quelque chose au passage. Le prélèvement au passage, c’est là tout l’intérêt de la manoeuvre.
Le rat est aussi un tuyau vivant. Il vit pour et par le même principe que celui du lombric.
L’homme aussi.
Attendons-nous à ce que le roi des tuyaux, parce qu’il est doté de mains et d’un cerveau assez créatif, parce qu’il se reproduit en enfilant un tube dans un autre, en vienne à fabriquer des tuyauteries.
Un verre c’est un tube fermé à un bout. Une boîte c’est un tube fermé à un bout et operculé à l’autre. Tuber, entuber, mettre en boîte, emboîter, boucher, déboucher, emboucher, operculer, culoter, déculotter, capoter, enculer, sera le credo de l’homme, j’imagine.
Comme il vit pour et par un transit biologique, il sera probablement transiteur, placeur, déplaceur, porteur, transporteur, transféreur.
Comme il lui faut soit aller vers la nourriture soit amener la nourriture à sa bouche, il sera probablement brasseur, embrasseur, attrapeur, capteur, frappeur, chasseur, coureur, sauteur, voleur, marcheur, prédateur, mobile, voyageur.
Comme il se nourrit de tubes vivants, il sera forcément manipulateur, piégeur, attrapeur, tueur, dévoreur, troueur, perceur, coupeur, découpeur, mordeur, broyeur, mâcheur, lécheur, suceur, pompeur, gaveur, déchiqueteur, piqueur, trancheur, j’imagine
La vie biologique d’une hydre ou d’un homme comprendrait donc un certain nombre d’actions volontaires plutôt visibles car externes à son tuyau naturel et un certain nombre d’actions involontaires qui se passent à l’intérieur de son tuyau. Ce qui se passe dans son tuyau échappant à sa vue et à sa conscience, l’homme constate le principe de l’invisible, du secret naturel.
Comme pour tuer un autre tuyau qui s’en défend, chacun doit le prendre par surprise, il lui faut dissimuler ses intentions. L’homme apprend ainsi à fabriquer du secret et à en jouer.
Face aux secrets naturels et fabriqués des autres, chaque homme-tuyau va s’employer d’une part à perfectionner son art du secret et d’autre part à percer celui des autres.
En bon prométhéen, il fabriquera donc de la tuyauterie à la fois attirante, profitable et bourrée de secrets.
Une caravane de Touaregs transportant des plaques de sel à l’aide de dromadaires, d’un point A à un point B, constitue un transport en tuyau rampant. Un train de marchandises est aussi un tube qui transporte et déplace en rampant. Un tuyau d’arrosage, un pipe-line, une gaine de ventilation, une cheminée, ce sont des tuyaux qui transportent quelque chose.
Un moteur de voiture c’est une machine faite de tubes, de vannes, de clapets, de robinets, comme dans un tube digestif, comme dans un appareil respiratoire. Il y a des produits qui entrent à un bout, puis un prélèvement puis des résidus qui ressortent à l’autre bout, le tout de manière plus ou moins séquencée, plus ou moins continue, bruyante et fumante.
Un RER c’est un tube en acier et verre qui déplace des hommes-tuyaux en viande dans un tuyau en béton et acier. Un bateau, un sous-marin, un avion, une voiture, une route, sont aussi des tubes ou boîtes déplaçant des hommes-tubes.
Là aussi les mouvements vont de saccadés, péristaltiques, discontinus à continus selon les cas et les périodes d’observation.
En utilisant des miroirs pour envoyer les rayons du Soleil sur des navires ennemis, Archimède avait inventé le tube à lumière dont la lunette, le télescope sont des variantes.
Une pile c’est du courant électrique en boîte, et un câble est un conduit électrique. Un standard téléphonique c’est une gare de triage pour tubes électriques et un commutateur de télécoms en câbles optiques c’est une usine à gaz de lumières, de courants électriques, le tout mis en boîte, en tubes et en robinets.
Une toile d’araignée c’est un réseau de câbles et le Net aussi.
Pour qu’une banane aille de Guadeloupe à notre table, comme elle n’a pas de jambes, c’est l’homme-tube qui se charge de son déplacement en créant une usine à gaz de logistique dont le magasin est le débouché. Le consommateur va réaliser la partie suivante de la tuyauterie en amenant la banane du magasin à son domicile en utilisant sa voiture-tuyau. Puis, ce qui restera de la banane une fois mangée, à savoir le pochon, la peau, le pipi, la sueur et le caca, tout ça sera également déplacé vers d’autres endroits via une autre série de tuyauteries.
Le sel, le fer, le charbon, l’étain, l’argile le marbre, l’eau, le bois, ont été déplacés depuis la nuit des temps, par des chemins, dans des tuyauteries et des boîtes. L’or aussi, l’argent aussi.
Dans tous ces déplacements de produits ou valeurs via de la tuyauterie qu’on appelle commerce, il faut de la visibilité pour attirer le chaland et du secret sur le profit.
Dans l’Hymalaya, des habitants d’un village, ayant l’habitude d’effectuer des transports de marchandises avec une autre vallée, développent une langue comprise de leur seul petit groupe caravanier. Le commerce est un jeu de secrets. Le reste aussi.
L’art du commerçant et par extension de l’entreprise, consiste à faire voir la partie externe de son tube, parfaitement cosmétisée et attirante, mais à cacher sa partie interne, les secrets de son usine à gaz.
Vous êtes grands et avertis, il est donc inutile de vous démontrer que le système financier est la plus énorme des usines à gaz et que Clearstream (« courant limpide », carrément !) est un de ses méta systèmes d’aiguillage.
Posons que Clearstream fasse travailler directement 2000 personnes et indirectement 8000 personnes (nettoyage, gardiennage, construction d’immeuble, bouffe, informatique...). Ca ferait disons 10 000 Luxembourgeois natifs tirant profit de cette gare de triage financière. Ajoutons les conjoints, les enfants, les papys et mamys de ces personnes, ça fait 200 000 Luxembourgeois qui ont intérêt à protéger le secret de cette entreprise de clearing.
La population luxembourgeoise native est de 200 000 personnes. C’est donc toute une population, toute une classe politique, à quelques exceptions près, qui gagne à ce que Clearstream perdure et passe pour être clean alors que son seul objectif est de prélever.
Les autres pays européens ne sont pas aussi entièrement banquistes que le Luxembourg, mais dans chacun d’eux, il y a forcément la classe dirigeante qui participe au jeu d’entubage de la finance.
J’ai commencé par dire que l’usine à gaz, la séduction et le secret étaient intrinsèques aussi bien au ver de terre qu’à l’homme, que c’est dans leur nature. Et maintenant, je dis que les énormes usines à gaz artificielles nous minent et nous ruinent.
Alors nous avons à réfléchir sur les deux options principales qui s’offrent à nous, entre lesquelles on cherchera le meilleur compromis.
La première option consiste à laisser jouer l’entubage naturel et dans ce cas, il est évident que jamais, jamais les gouvernement n’assainiront la pompe à finances. Au contraire, ils participeront de plus en plus à protéger ses secrets qui sont devenus de toutes manières imbitables depuis que la tuyauterie informatique a été incorporée à la tuyauterie bancaire. Cette option, pour naturelle et logique qu’elle soit, va forcément nous pourrir de plus en plus la vie et nous pousser davantage au désespoir.
L’autre option consiste à réclamer la transparence des tuyaux. Mais en ce cas, il faut forcément commencer par accepter de montrer ce qu’on a nous-mêmes dans nos tripes. Il nous faudrait renoncer à notre anonymat, à nos petits secrets.
Des banques dans le genre de la Grameen bank, il y en a maintenant plus de mille. L’idéologie de leurs pères fondateurs est humaniste et irait à mettre en place des tuyaux simplissimes et presque transparents. Mais à cause de ce presque, de plus en plus de financiers peuvent en pervertir l’idéal originel.
La transparence totale ce serait quoi ? Les comptes de la banque, tous les mouvements d’argent, tous les salaires, toutes les dépenses, bref la totalité des comptes avec ce qui entre et ce qui sort, serait visible par n’importe qui sur Internet.
Vous et votre conjoint, vous pouvez, loin de chez vous, clavioter un code et accéder à tous vos mouvements d’argent sur vos comptes n’est-ce pas ? Et bien une banque transparente serait une banque où n’importe qui pourrait visiter la totalité des comptes et constater que tel jour elle a prêté 100$ à Gisèle, qu’un autre jour elle a versé un salaire de 1200 $ à son comptable, que tel jour monsieur Durant a injecté 2000$, que tel autre jour elle a payé tant d’électricité, etc...
Là, on verrait tout de suite si un gazier se gave le tube.
Mais il n’est pas possible de réclamer la transparence à une usine bancaire si l’on n’accepte pas d’être soi-même transparent.
Une boulangère qui veut cacher qu’elle a gagné 13 € sur une galette vendue 15 €, autorise automatiquement la tuyauterie bancaire à garder le secret sur des déplacements de 2 000 milliards de $. Elle autorise aussi automatiquement les mafia et toutes les crapuleries.
Interrogez-vous.
Si vous êtes disposé à montrer tous vos comptes à n’importe qui, nous pouvons créer la première banque transparente. Et in fine, même la politique devra être transparente.
Si vous n’y êtes pas disposé, les malhonnêtetés financières et politiques seront de plus en plus astronomiques et invasives.
Vouloir préserver ses petits secrets tout en exigeant des princes qu’ils soient transparents, c’est pratiquer le double langage. Ca conduit à la schizophrénie générale où personne n’avoue sa vérité et où chacun s’évertue à dénoncer l’autre.