Twitter à Mogadiscio

La modernité c’est comme l’eau. Elle s’infiltre partout, trouve toujours son chemin pour inonder là où on l’attend le moins. Les souvenirs, pas si lointains, que j’ai de Mogadiscio sont ceux d’une ville qui n’en est pas une, capitale d’un Etat qui n’en est pas non plus. En guise d’arrondissements, on parlait des quartiers étant sous le contrôle des uns et des autres, fractions multiples, changeantes et éphémères. Devantures fracassées, trous béants, rues et trottoirs inexistants jonchées de carcasses de voitures, arcades commerçantes de style turco baroque chancelantes, bâtiments administratifs écroulés, et j’en passe. Déjà, les prix de l’immobilier flambaient, immobilier imaginaire, en devenir, à reconstruire, à « retaper » ou à démolir, au choix.
Et voilà que j’apprends que le théâtre national, fantôme parmi les fantômes, donne des représentations auxquelles assiste le gouvernement symbolique et, moins inattendu, les représentants du comité olympique et de la fédération de foot. Moins inattendu par ce que les pratiques du comité international de foot sont bien connues : créer à l’infini des comités dans des pays minuscules ou des pays-fiction pour s’assurer leur vote en faveur du président bien aimé de la FIFA.
Attentat suicide, donc. D’une jeune femme paraît-il (on ramasse les miettes pour s’en assurer) revendiqué par les islamistes shebab sur leur compte twitter. Ca, c’est de la modernité : égalité des sexes et communication web instantanée. Pas de maisons, pas de rues, pas d’électricité mais Twitter. Pas de parlement, mais un président du comité national de la FIFA. Pas de police mais un théâtre. Pas d’armée ou de pays mais un gouvernement avec lequel on peut, enfin, traiter de sujets brûlants, dont la lutte contre la piraterie qui perturbe la pêche industrielle et le passage des vraquiers et des tankers, sujet oh combien primordial pour le futur de la Somalie, pardon, pour celui la « communauté internationale ».
Justement, au Mali, le jeune capitaine de la toute fraiche junte militaire qui a embastillé le gouvernement, jugé inefficace contre la montée de l’islamisme et la révolte touareg, en appelle à l’intervention de cette « communauté internationale » pour arrêter la « sédition sanguinaire » qui, depuis son accession au pouvoir, vient de conquérir la moitié du pays. Mais attention, il demande une « intervention sélective », pour chasser les fondamentalistes de Tombouctou et les Touaregs de leur désert. Pas question d’une intervention qui remettrait le gouvernement légitime en place. - Occupez vous des fondamentalistes comme vous le faites en Afghanistan dit-il. Mais justement, en Afghanistan, cette communauté internationale cherche comment quitter les lieux aux moindres frais. Après avoir unifié ce pays, éradiqué les talibans et la production d’opium, modernisé le pays, construit autoroutes et universités elle rêve de s’en aller avec le sentiment du travail bien fait. Comme en Libye.
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