Twitter m’a (presque) tuer
Ou chronique de la censure ordinaire ...

Rassurez-vous : ce n’était que virtuel et temporaire. Une suspension limitée dans le temps et il est désormais échu. Les gazouillis auquel une conduite haineuse était imputée avaient une énorme tare : ils donnaient une information exacte. En substance que la majorité des victimes des agressions sexuelles commises par des prêtres sont de jeunes garçons, et que ces agressions en deviennent de facto homosexuelles en plus d’être pédophiles.
Si des puristes épris de précision sémantique avaient corrigé cette affirmation en disant qu’au vu de l’âge habituel des victimes, il vaudrait mieux parler d’éphébophilie plutôt que de pédophilie, un terrain d’entente aurait sans doute été trouvé, un correctif ajouté. Mais il est des personnes qui se soucient pas de ces nuances, elles sont simplement révulsées par le fait que l’on puisse trouver dans une même phrase « homosexuel » et « pédophile ». La levée de bouclier en meute indignée est garantie, avec signalement à Twitter, et affirmation de signalement à la justice et à la Dilcrah qui n’ont pas [encore] réagi. Elles ont sans doute d’autres chats à fouetter.
Appel de cette suspension temporaire avait été interjeté, mais la modération de Twitter a maintenu sa sanction sans donner aucune explication. Il y a une philosophie de la punition chez ce réseau social qui fleure bon le stalinisme des grands procès où l’autocritique jouait un rôle essentiel dans la pédagogie de la « justice ». Avant de voir restaurées les fonctionnalités du compte, il est indispensable que le fautif supprime lui-même le tweet incriminé – qui a déjà été rendu invisible aux autres depuis belle lurette. C’est donc un acte sans aucune portée publique, exigé sans doute pour que la culpabilité soit reconnue et la contrition soit complète. Raté !
Parmi la meute de délateurs, un s’est permis d’adresser un tweet injurieux, usant d’un « Pauvre con haineux » qui laisse peu de place à l’interprétation. Ce tweet a été signalé à la modération, qui n’a pas jugé bon de le trouver injurieux ou offensant. Deux poids, deux mesures.
Quelques conclusions sur cette très picrocholine escarmouche.
Que Twitter soit partial n’est pas un scoop. La bien-pensance y trouve un relai fidèle et zélé, un gardien du temple dévoué qui n’hésite pas à se couvrir de ridicule le cas échéant. Mais c’est pour la bonne cause !
Faut-il pour autant déserter Twitter qui sert si aveuglément la doxa bien-pensante, celle qui se campe si bien sur ses certitudes qu’elle en oublie même de penser ? Non, bien sûr. Le réseau social à l’oiseau bleu reste un lieu de débat où, parfois, on trouve des occasions formidables d’échanges, que ce soit avec des personnes proches de sa propre sensibilité ou avec des adversaires résolus mais respectueux de l’altérité et du débat. Le prix à payer, le risque à courir, c’est de croiser des oppositions qui ne respectent pas forcément l’éthique du débat, mais ce n’est pas spécifique aux réseaux dits sociaux. Et on ne déserte pas un champ de bataille, ce serait une trahison !
Faut-il cesser de dire ou d’écrire la vérité, faut-il user d’édulcorants divers dans nos paroles publiques pour passer sous le radar de la police de la pensée qui veille aux dissidences ? Soyons d’abord honnêtes : nous ne possédons pas la vérité, au mieux la cherchons nous sincèrement. Parfois, nous pouvons nous en approcher. C’est suffisant pour la proposer au monde, avec courage et humilité.
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