Twitter vire Trump
Fin de règne difficile pour Donald Trump. Voilà que Twitter, son réseau social favori, ferme son compte. Mais est-ce une victoire pour la démocratie ?
La nouvelle, vendredi 8 janvier, a surpris le monde entier : Twitter, le réseau social bien connu, le spécialiste du message politique en 280 signes, a décidé de supprimer le compte de Donald Trump, 45eme président des Etats-Unis encore en exercice. Motif : son appel à marcher sur le Capitole, deux jours avant, pour contester une élection présidentielle qu’il considère toujours comme usurpée. Ses supporters ne se le sont pas fait dire deux fois et on sait par quels débordements de violence s’est soldée cette manifestation, véritable coup de force contre la démocratie américaine. Rapidement Trump a changé son fusil d’épaule, appelant au calme ses partisans, soulignant même que c’étaient eux qui incarnaient l’ordre et la loi dans ce pays. Mais le mal était fait et il pèsera lourd sur le bilan de sa présidence. Considérant que le président américain était le principal responsable de cette flambée de violence populiste, les employés de Twitter ont donc demandé à leur patron, qui l’a acceptée, la fermeture pure et simple du compte de Donald Trump. Finies les petites phrases assassines que le locataire de la Maison Blanche se plaisait à offrir, chaque jour, à ses 88 millions de followers. Finie l’idylle présidentielle avec ce réseau social sans lequel – Trump l’a reconnu publiquement – il n’aurait jamais gagné l’élection de 2016.
Cette mesure, absolument inédite, prend d’ores et déjà l’allure d’un cas d’école. Car, reconnaissons-le, Trump n’est pas ce qu’on appelle un citoyen lambda. Et s’il peut être aussi brutalement censuré, on imagine alors ce que pèse le droit à l’expression des millions d’anonymes qui cherchent, eux aussi, à faire entendre leurs voix par les mêmes canaux. Quel recours peuvent-ils avoir face à un tel arbitraire
Oui la décision de Twitter soulève quelques questions graves. D’abord elle n’est pas vraiment courageuse, car elle arrive à l’extrême fin du mandat de Donald Trump. On dira certainement que celui-ci est allé trop loin, que c’est la goute d’eau qui a fait déborder le vase. Il n’en reste pas moins qu’elle aurait pu tomber plus tôt, par exemple lors des affrontements de Charlottesville en août 2017 - Trump n’ayant jamais condamné l’extrême-droite qui les avait déclenchés. Car il est relativement facile de se poser en défenseur des valeurs démocratiques face à un despote déjà à terre. Faut-il considérer Twitter comme l’un des nouveaux remparts contre la tentation autocratique qui taraude plus d’un dirigeant actuel ? Ce n’est pas si certain. Ou, au contraire, faut-il voir dans sa décision spectaculaire, une menace plus insidieuse contre la démocratie elle-même ? Car le pouvoir exorbitant acquis, ces dix dernières années, par les grands réseaux sociaux est en mesure de supplanter des décisions qui devraient toujours émaner de la justice et des états. Au bout du compte, c’est Twitter qui mériterait d’être recadré, comme d’ailleurs toutes les grandes entreprises qui prennent trop de libertés par rapport aux règles communes. C’est ce qui me semble ressortir de cette médiatique affaire.
Jacques Lucchesi
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