Ukraine & Crimée : Les « médias » occidentaux aux ordres ?
« Les Russes mettent du temps à monter en selle, mais ensuite, ils chevauchent très vite. »
« Lorsque la Russie est menacée, elle ne s’énerve pas, elle se concentre. »
Proverbes russes
Cet article est consacré aux enjeux géopolitiques des événements de Crimée, et notamment au recul de l’impérialisme américain face à de nouvelles puissances régionales et mondiales, résurgentes ou émergentes, qui résistent au modèle politique, économique et culturel occidental de plus en plus ouvertement, et avec de plus en plus de succès.
Le traitement de ces événements en Occident est un révélateur de la crise de confiance entre les populations du monde occidental et leurs gouvernements & médias respectifs, qui sont aujourd’hui moins fiables que la presse soviétique elle-même dans ses jours les plus sombres, mais dont l’hégémonie est aujourd'hui disputée par Internet.
Les réalités et enjeux réels de la situation en Crimée ne transparaissent nullement dans les principaux médias occidentaux, qui reprennent docilement la propagande des élites politiques et noient ces événements dans un halo ténébreux de nouvel Anschluss, ou de restauration de l’Empire Soviétique. Comme le souligne encore Le Saqr,
« Dans les heures qui suivirent le discours de Poutine, j’ai été étonné de voir la déconnexion totale entre ce que je venais d’entendre, la réaction des populations en Russie, et la façon dont les médias officiels occidentaux rapportaient l’événement. Les personnalités politiques russes comparaient ce qui venait de se passer à la victoire contre l’Allemagne nazie en 1945, et elles ont répété maintes et maintes fois que ce qui venait d’avoir lieu créerait un nouvel ordre mondial et que la nature du système des relations internationales avait été changée pour toujours. Et pourtant, les grands médias occidentaux n’ont parlé que du faste de la cérémonie et de la manière dont Poutine avait justifié l’annexion de la Crimée par la Russie. Ont-ils écouté un discours différent ?! »
MERCI, MEDIAS DOMINANTS !
Nous ne pourrions pas contrôler le peuple sans vous.
Un message du Ministère de la Sécurité Intérieure
Il y a certes un divorce prononcé entre les médias occidentaux traditionnels et la réalité : Paul Craig Roberts parle à ce sujet de « presstitution » (néologisme transparent qu’on pourrait remplacer par « journalopes »), tandis qu’Andre Veltchek parle d’un véritable « endoctrinement de l’Ouest ». En effet, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, non seulement les médias actuels « mainstream » sont-ils bien moins libres et bien moins informatifs & objectifs que leurs équivalents « orientaux » (Russia Today, Press TV, Telesur…), mais ils ont atteint un degré de désinformation peut-être sans précédent dans l’histoire. Il est intéressant de reproduire ici encore l’analyse du Saqr, lui-même analyste militaire d’origine russe ayant vécu en Europe occidentale puis aux Etats-Unis, et qui faisait partie du cortège des « idéalistes endoctrinés & militants » durant la guerre froide :
« Pendant une longue période de ma vie, comme beaucoup d’autres analystes militaires, j’ai gagné ma vie, entre autres choses, par la lecture quotidienne de la presse soviétique. Non seulement la Pravda ou Izvestia, mais également des journaux encore plus ennuyeux ou spécialisés, des magazines, des revues, etc. J’écoutais la radio soviétique aussi souvent que je le pouvais, et je n’ai jamais manqué une occasion de regarder la télévision soviétique, en particulier les émissions d’informations. À l’époque, j’étais jeune, très naïf et très bête, et je croyais sincèrement que l’Union soviétique était une menace mortelle pour l’Europe occidentale et que la seule chose qui se dressait entre eux, les communistes malfaisants, et nous, le monde libre, était la puissance militaire de l’OTAN. En regardant ce que j’étais à cette époque et la crasse absolue que j’avais alors dans le cerveau, je me sens gêné et, franchement, honteux de ma crédulité totale. Mais à l’époque, j’étais un soldat dévoué de la guerre froide dont la devise était « connais ton ennemi ». Et je connaissais bien mon « ennemi », vraiment très bien. Je voulais expliquer tout ce qui précède avant de déclarer ce qui suit :
En toute honnêteté et sincérité, je dois dire ici que la presse soviétique était beaucoup plus pluraliste, plus diversifiée et plus digne de confiance que les principaux médias occidentaux actuels. Certes, la presse soviétique passait tout simplement sous silence certains sujets, mais cela tend à montrer que contrairement aux grands médias occidentaux, ils ne se sentaient pas capables de mentir effrontément au point de nier catégoriquement et totalement les évidences. D’une part, le public soviétique était beaucoup mieux éduqué. Nous tous, y compris moi-même, avions l’habitude de nous moquer des leçons obligatoires de marxisme-léninisme dans les écoles soviétiques, mais nous avons négligé que n’importe quel cours de marxisme-léninisme à peu près décent abordait nécessairement des thèmes comme la dialectique, le matérialisme historique et l’économie, des notions qui vous forcent à penser et à réfléchir. Cela ne veut pas dire qu’on ne pouvait pas mentir au peuple soviétique – on pouvait et cela a été bien évidemment fait maintes fois – mais seulement que les mensonges devaient être au moins à moitié crédibles et présenter un scénario plausible. En revanche, pour un public élevé avec CNN, la BBC ou MTV, les mensonges n’ont pas même besoin de passer un test de bon sens élémentaire (comme l’a si bien illustrée la couverture médiatique par les médias occidentaux « mainstream » de la guerre d’Ossétie du Sud du 08.08.08 ou des événements en Ukraine) : la Doublepensée prédite par Orwell dans son livre 1984 est maintenant entièrement en vigueur, et le noir peut être appelé blanc et vice-versa sans le moindre problème. Je dirais même que, en comparaison, même les médias nazis Völkischer Beobachter contenaient plus d’informations que, par exemple, le New York Times, le Wall Street Journal ou la BBC, dont le niveau de mensonge éhonté ne peut être comparé qu’à, peut-être, celui du Der Stürmer.
J’ai remarqué pour la première fois ce niveau inégalé de mensonge pur et simple – un niveau absolument sans précédent – dans les grands médias occidentaux pendant la guerre USA / OTAN contre la Yougoslavie (Croatie, Bosnie, Kosovo), mais je pense que cela n’a fait qu’empirer depuis. En revanche, la presse russe moderne est très diversifiée, et le peuple russe peut aussi régulièrement voir le type de couverture que les événements actuels en Ukraine reçoivent dans la presse occidentale, ce qui le laisse stupéfait. Le peuple russe ne peut tout simplement pas comprendre comment cela est possible dans une société qui semble extérieurement avoir toutes les caractéristiques d’une société libre et pluraliste. Dans les mauvais jours de l’URSS, c’était tout simple : il y avait la censure d’Etat. Mais il n’y a pas de censure d’Etat à l’Ouest, il n’y a pas de Glavlit ni de Goskomizdat, et pourtant la presse occidentale est beaucoup plus monolithique et malhonnête que la presse de parti officielle de l’URSS elle-même.
‘‘Personne n’est plus désespérément asservi que ceux qui
croient faussement qu’ils sont libres.’’ Goethe
Cela n’est certes pas une nouveauté : qu’il s’agisse de l’Irak, de la Bosnie, de la Serbie – qui fête actuellement les 15 ans de l’agression de l’OTAN – de la Libye ou de la Syrie, les médias « mainstream » ont toujours fait résonner le seul son de cloche officiel, de manière éhontée, ignorant purement et simplement les réalités les plus aveuglantes. Car bien que les analyses susmentionnées concernent le monde anglo-saxon, la situation de la France est bien pire encore – que ce soit au niveau de l’incompétence et l’amateurisme homériques des élites ou de la propagande médiatique –, comme le remarquait avec humour Norman Finkelstein au sujet de la loi Gayssot, « impensable » aux Etats-Unis :
« Les Français ne sont pas normaux sur ces questions-là [politique, sionisme, etc.]. On ne peut pas en parler de manière rationnelle. […] Beaucoup de choses sont affreuses aux Etats-Unis, mais en ce qui concerne la liberté d’expression… il ne serait même pas concevable d’emprisonner quelqu’un pour négationnisme de l’Holocauste. C’est inconcevable aux Etats-Unis. C’est une loi insensée. Beaucoup de choses en France sont vraiment étranges. Le niveau ambiant de lâcheté et d’hypocrisie [en France] est tout simplement époustouflant. Que dire d’un pays qui considère BHL [Bernard Henri-Lévy] comme un philosophe ? Allez, franchement, ce n’est pas sérieux. Aux Etats-Unis, au moins, on ne prétend pas avoir de philosophes... Cette loi est ridicule. Chacun devrait avoir le droit de s’exprimer, et s’ils se trompent, montrez-leur en quoi ils se trompent mais l’Etat ne devrait pas décider de ce qui est vrai, cela devrait être du ressort de chaque individu. »
(Source)
On peut, entre mille autres exemples, se référer à cet article du Monde, qui peut rentrer dans les annales de la désinformation et de la partialité (cf. par exemple deux contre-analyses ici et ici) : au-delà du recours à l’antienne clintonienne du « viagra comme arme de guerre » malgré les objections du bon sens le plus élémentaire, il réussit en effet un tour de force exceptionnel, à savoir parler des atrocités du conflit syrien sans la moindre référence aux exactions des terroristes anti-Assad de l’internationale atlanto-wahhabite, qui sont pourtant revendiquées & documentées par des analyses et documents autrement plus convaincants que des témoignages anonymes invérifiables. De fait, le traitement réservé au conflit en Syrie, fermant les yeux sur la barbarie terroriste sectaire contre les Alaouites, Chiites et Chrétiens – et contre le peuple et les soldats syriens, très majoritairement sunnites et pro-Bachar –, ou aux événements de Crimée, présentant Bachar ou Poutine comme de nouveaux Hitler, confine parfois à la complicité & à l’apologie de crimes de guerres, jouant peut-être même un rôle actif dans le déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale, qui nécessiterait une certaine adhésion de l’opinion publique, et on pourrait souhaiter que les médias aient à rendre des comptes. Mais ce qui est nouveau, c’est que le public lui-même est de plus en plus incrédule face aux médias dominants, comme le montre le déclin des médias traditionnels (L’Humanité et Libération sauvés de la banqueroute par un Etat capitaliste, cela est ironique à plus d’un titre, démontrant que ces journaux ont autant respecté l’héritage de Jaurès et Sartre que la France celui de De Gaulle), la montée en puissance des sites d’information alternatifs et même les nombreux commentaires désabusés des « proxénètes » qui fréquentent encore, en toute connaissance de cause, les « presstituées » dont parlait Paul Craig Roberts – malgré toute une armée de trolls & cyber-soldats de l’Empire qui pullulent sous diverses formes, tantôt transparentes, tantôt un peu plus subtiles. En lisant ces commentaires qui restent malgré tout très majoritairement favorables à Poutine, et qui comparent son patriotisme et son charisme avec ceux de notre Flamby national (qui, selon une rumeur non étayée, aurait menacé de se rendre personnellement à la station de métro parisienne Crimée voire de la fermer sine die si la Russie ne se retirait pas immédiatement de l’ex-territoire ukrainien… ), on peut même se demander si François Hollande, avec ses 16% d’opinion favorable en France, pourrait y être élu face à une hypothétique candidature du Président russe... Le Saqr, commentant un sondage du journal britannique The Independent qui pose la question « Quel est votre leader favori à l’échelle mondiale ? » avec une teneur anti-russe manifeste, et dont le classement est tout de même sans appel (Poutine 82%, Merkel 8%, Obama 4%, Cameron 2%, Hollande 1%, Shinzo Abe 1%), conclut :
« Je deviens convaincu que la majorité de la population mondiale, épuisée et dégoûtée de son état d’asservissement à l'Empire Anglo-Sioniste, comprend aussi que la Russie est aujourd’hui le leader mondial de l’Axe de la Résistance à l’Empire (qui comprend, entre autres et sans ordre particulier, Xi Jinping, Ali Khamenei, Hassan Nasrallah, Evo Morales, Nicolas Maduro, Daniel Ortega, Bachar al-Assad, Rafael Correa, Alexandre Loukachenko, Serge Sarkissian, Raul Castro et Nursultan Nazarbayev…) et que s'il était possible d'organiser un sondage juste et objectif dans le monde entier, Poutine serait désigné comme le dirigeant le plus populaire au monde, avec une très grande marge… »
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