Ukraine, jour 5
C'est un phénomène remarquable de notre époque : plus il y a de médias, moins il y a d'informations. La presse ne fait aucun travail d'analyse, et préfère laisser le public dans le brouillard. Ceci n'est pas propre au conflit actuel en Ukraine. Malgré une quantité gigantesque de matériel photographique et vidéo disponible, les médias montrent tous systématiquement les mêmes images, et se contentent de commenter les propos des dirigeants, sans aucune analyse critique. Vous pouvez passer vos journées devant les chaines « d'information continue », vous n'apprendrez à peu près rien.
Première chose remarquable, on ne montre jamais de cartes. C'est un très bon indicateur d'enfumage, représentatif de la volonté de laisser le spectateur dans l'ignorance. Pas de compte-rendu synthétique des événements, pas d'analyse de la situation sur le terrain, fût-elle, c'est bien normal, approximative.
Rien de révolutionnaire dans la conduite des opérations. Le schéma de l'invasion suit la doctrine soviétique développée depuis les années 1970.
L'opération a commencé par la destruction de la grille de défense antiaérienne ukrainienne, c'est-à-dire les installations radars et systèmes de missiles à longue portée, qui servent à la coordination des matériels. Ceci ne signifie pas que les troupes ukrainiennes ne disposent plus de moyens antiaériens, mais interdit un usage efficace. Les systèmes de missile S-300, principaux éléments de cette grille, ont été globalement détruits. Un certain nombre de systèmes mobiles BUK-M1 de portée intermédiaire subsistent, mais ne peuvent opérer que de manière opportuniste. Ces systèmes sont compromis dès qu'ils activent leur radar, du fait des capacités d'écoute russes. Les systèmes antiaériens à guidage infrarouge sont toujours présents sur le terrain, et restent une menace, essentiellement contre les hélicoptères. Qu'ils soient américains (Stinger) ou d'origine soviétique (Igla), leur efficacité reste limitée contre des appareils pourvus de systèmes de contre-mesures, ce qui est le cas des matériels russes engagés. Les nombreux canons antiaériens de 23 mm dont dispose l'armée ukrainienne n'ont qu'un rôle symbolique.
S-300 ukrainien.
Système BUK-M1, détruit pendant son transport.
En parallèle de la destruction des moyens de coordination antiaériens, les centres de commandement et de communication ont été détruits, ainsi que les dépôts de carburant et de munitions. Le commandement ukrainien avait très probablement anticipé ces attaques, en disséminant ses réserves sur le territoire. Cependant, cela induit une complexité logistique et des stocks disponibles limités. Les unités motorisées ukrainiennes ne pourront plus être ravitaillées en carburant dans peu de temps.
Les aérodromes militaires ont été frappés durant la première phase. Il subsiste sans doute quelques appareils. Le 28 février, le ministère de la défense russe a annoncé la suprématie aérienne complète au-dessus du territoire.
Situation le 28 février 2022 au matin.
L'opération terrestre qui a suivi la première phase est partie de quatre points, de la Biélorussie au Nord, avec pour objectif principal Kiev. De la région de Belgorod à l'Est, sur Kharkov, du Donbass au Sud-Est, et de la Crimée au Sud.
Le groupe Nord a progressé sur les deux rives du Dniepr. Il a été précédé par un assaut héliporté sur l'aérodrome de Gostomel, à quelques kilomètres au Nord de Kiev, impliquant plus de 200 appareils. Les troupes héliportées ont sécurisé le périmètre jusqu'à l'arrivée des troupes terrestres, environ 24 heures plus tard. A l'heure où j'écris, Kiev n'est pas encerclé, le Sud de la ville est délibérément laissé libre pour l'évacuation des civils. Le Nord, l'Est et l'Ouest de la ville sont cependant sous contrôle russe.
Opération héliportée à destination des faubourgs de Kiev. Malgré le tir de deux missiles sol-air portatifs, clairement audible, aucun résultat tangible.
La zone de pénétration à l'Est s'est ramifiée en deux branches. Au Nord, sur l'axe Sumy-Kiev, visant l'encerclement de la région autour de Konotop. Au Sud, une branche a contourné Kharkov, pour initier l'encerclement des troupes du front du Donbass. La ville de Kharkov est toujours le lieu de combats. Les forces russes y progressent lentement depuis le Nord. Etant donné la taille de la ville et la complexité des opérations en milieu urbain, il faudra probablement plusieurs jours aux Russes pour y établir le contrôle.
Sur le front du Donbass, les forces des républiques autonomes aidés par l'armée russe progressent village par village. C'est probablement la zone la plus fortifiée du pays. Les progrès sont lents mais certains. Elles progressent également vers l'Ouest, le long de la côte de la mer d'Azov. La jonction avec le groupe Sud est imminente, si ce n'est déjà réalisé. L'encerclement par le Nord va probablement obliger les troupes ukrainiennes à se replier sous peine d'anéantissement.
Le groupe Sud est ramifié sur trois axes. L'un se dirige vers l'Ouest en direction d'Odessa. Une forte résistance a été signalée à Kherson. La ville est en cours d'encerclement par une manoeuvre plus au Nord. Une autre branche se dirige sur Zaporizhzhya, au Nord. La grande centrale nucléaire qui se trouve à proximité est sous contrôle russe. A l'Est, la ville côtière de Mariupol est d'ores et déjà en état de siège.
Dans les prochains jours, les différents groupes devraient se rejoindre pour compléter l'encerclement des force ukrainiennes.
Du côté des militaires ukrainiens, la résistance a été très variable. Certaines unités de l'armée régulière ont déposé les armes. D'autres ont opposé une forte résistance, notamment à l'entrée de Kharkov. Elles ont globalement réussi à ralentir la progression des colonnes russes en faisant sauter les ponts et en minant les routes. Plusieurs embuscades réussies ont été effectuées sur les arrières , des dizaines de véhicules logistiques russes ont été détruits. Des barrages d'artillerie ont visé des concentrations de blindé russes, avec un certain succès. Cependant leurs forces ont tendance à se fragmenter, il devient de plus en plus difficile de faire circuler des colonnes de véhicules du fait de l'absence de couverture aérienne. Les hélicoptères de combat russes rodent et interdisent le renforcement des positions. Beaucoup d'unités se sont retranchées dans les villes. Il est avéré qu'ils positionnent leur matériel dans des zones d'habitation ou des infrastructures civiles, écoles, bâtiments historiques, afin de complexifier les opérations russes. Les drones turcs Bayraktar sont systématiquement abattus avant de pouvoir opérer.
Blindé ukrainien stationné à proximité d'une école maternelle, à Mariupol.
Le bâtiment est parfaitement reconnaissable de par sa forme. « Ecole maternelle N°148 »
Matériel militaire ukrainien caché sous le bâtiment de l'opéra d'Odessa.
L'opéra d'Odessa.
Canons d'artillerie ukrainiens positionnées dans la cour d'une école, à l'Ouest de Kharkov.
De manière générale, la supériorité numérique et matérielle de l'armée russe ne laisse à l'armée ukrainienne que l'option de tactique de retardement ou de guérilla. Elle est menacée d'encerclement à peu près partout. Les lignes logistiques sont rompues, elle perd en mobilité chaque jour, et est contrainte de forcer l'adversaire au combat urbain. Le nombre de tués russes devrait rationnellement avoisiner les 400. Le nombre de tués ukrainiens, du fait de la supériorité de la puissance de feu russe, est au moins supérieur d'un facteur 7 à 10.
Du côté des civils ukrainiens, bien que l'opinion du pays soit fortement divisée entre pro-occidentaux et pro-russes, c'est la peur qui domine. Il est certain que personne n'est enthousiaste devant les destructions inévitables causées par une opération militaire. Tandis que certains attaquent les colonnes de véhicules russes au cocktail Molotov, d'autres fournissent la position des unités ukrainiennes et des zones d'embuscade. Le pays reste fortement divisé.
Le plus gros problème est l'anarchie qui s'installe dans les grandes villes. A Kiev, la décision insensée de distribuer des armes au tout-venant a rapidement tourné au désastre. La propagation de la rumeur de la présence de « saboteurs russes » fait que des bandes armées tirent sur tout ce qui leur parait suspect. Le pillage des magasins se généralise, tout comme les tirs fratricides. L'alimentation électrique et les télécommunications sont perturbées. Kharkov connait des pannes de chauffage, alors que la température est glaciale. Il devient difficile de trouver de la nourriture, les files d'attente s'allongent devant les magasins.
Pillage d'un kiosque à Kiev
Sur le front de la guerre de l'information, les bobards sont légion. Faux tweet de Russia Today, décompte de victimes fantaisistes, vidéos truquées ou mal légendées sont diffusées en masse. L'opération « casques blancs » qu'on a connue en Syrie, soit le montage de documents bidons devrait trouver son équivalent ukrainien d'ici peu. Du côté de la presse occidentale, l'opération médiatique est déjà un succès. Poutine vient opportunément d'effacer des consciences deux ans d'escroquerie covid, et de renforcement du totalitarisme en Occident, et son cortège de privations de libertés fondamentales, de reniement des protocoles de Nuremberg et autres chartes des droits de l'Homme. Les gouvernements européens instrumentalisent la guerre sans vergogne, tandis qu'ils en sont les premiers responsables.
Faux tweet du directeur de la banque centrale russe : « Nous ne savons plus comment payer les salaires »
Ça pourrait être votre grand-mère !
Repris en coeur par la presse européenne.
A condition que votre grand-mère aime se trimballer avec un fusil d'assaut
L'image d'une tour d'habitation endommagée tourne en boucle sur les médias occidentaux, qui prétendent qu'il s'agit du résultat d'un tir de missile russe. Or, l'analyse de ces images montre qu'il ne s'agit ni d'une roquette d'artillerie (leur moteur s'éteint à l'apogée de la trajectoire, elles ne laissent pas de fumée en retombant), ni d'un missile de croisière, pour la même raison (absence de fumée), ainsi que par la faiblesse des dégâts provoqués. L'Hypothèse la plus probable est qu'il s'agit d'un missile antiaérien ukrainien, probablement d'un système BUK, qui a raté sa cible, ou a été victime de brouillage.
Pour Biden et Macron, c'est une publicité électorale (mid-term, présidentielles), pour Boris Johnson, c'est une diversion opportune après les révélations concernant ses sauteries en période de confinement. Les promesses qu'ils envoient à l'Ukraine sont totalement délirantes, et ne seront probablement pas suivies d'effets. Les ukrainiens seront livrés à leur sort, c'est le « narratif » de nos régimes qu'ils cherchent à sauver. Ils se rachètent une conscience à bon marché après avoir semé le chaos dans le monde durant des décennies, en Yougoslavie, en Irak, en Libye, en Syrie etc.
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