Ukraine Les sanctions et la révolution monétaire
Ce texte fait suite à celui consacré à « l’économie virtuelle contre économie réelle ». Ukraine : Economie virtuelle contre Economie réelle - AgoraVox le média citoyen
Dans l'affrontement Ouest/Est la partie militaire, en Ukraine, au Moyen Orient et en Extrême Orient ne constitue qu'une part mineure. Le coeur de la bataille se situe au niveau économique où l'empire anglo saxon cherche à la fois à maintenir son hégémonie sur le monde et à faire s'écrouler l'économie russe dans le but de renverser V Pourine et de fracturer la Russie afin de mettre la main sur ses richesses. Sur le fond comme on l'a vu c'est la lutte d'une économie virtuelle contre une économie réelle. Wall Street et La City, soit le coeur du capitalisme financier qui développent cette économie "virtuelle", ont peu de chance de l'emporter étant donné la loi de la réalité. La bataille de l'OTAN contre la Russie en Ukraine a été déclenchée trop tard. L' économie "réelle" qui a repris son développement en Russie à partir des années 2000, a permis à ce pays de se doter d'un armement moderne efficace et de constituer des chaines de production performante dans ce domaine. Les forces russes et alliées sont en train gagner la bataille décisive de Bakhmut en Ukraine. Avec les réflexions sur la première frappe atomique qui se développent outre atlantique nous ne sommes néanmoins pas à l'abri d'une catastrophe nucléaire.
Pourquoi dit-on économie virtuelle ? Parce qu’elle est basée sur le Dollar dont la valeur est complètement virtuelle et parce que dans ce cadre économique les investissements et les opérations financières concernent très peu l’économie réelle.
Le Dollar a été imposé (y compris avec l’arme nucléaire à Hiroshima/Nagasaki il ne faut pas l’oublier) comme monnaie de réserve et d’échanges au moment de la domination économique et militaire sans partage des USA sur le monde occidental. Ce statut ainsi que les prêts du FMI et leurs contraintes qui obligent les pays emprunteurs à brader leurs richesses, dans le contexte du « libre » échange instauré par le néo libéralisme, permettent ainsi aux USA de lier le Dollar à des valeurs réelles, - Pétrole (on parle alors de pétrodollars) , matières premières, marchandises...-. Et finalement de faire financer leur dette par le monde entier. Le Dollar est donc aussi un pilier du néo libéralisme.
Fatalement le passage à un monde multipolaire remet en cause ce mécanisme avantageux et le statut du Dollar.
La question monétaire est le défi ultime de cette confrontation létale pour beaucoup de gens, pas seulement dans les zones de conflits armés.
Les sanctions économiques et financières
Au moment où le monde tend vers la multipolarité l’occident affaibli a mis en place des sanctions économiques, ainsi que l’exclusion du mécanisme de gestions des échanges commerciaux Swift, des cartes bancaires, à l’égard de la Russie. A cela s’est ajouté la confiscation d’avoirs. Cette dernière mesure concerne des pays ciblés, Iran, Venezuela et maintenant la Russie, mais elle s’adresse aussi à tous les pays qui auraient des velléités d’indépendance et de sortie du néo libéralisme.
Tout cela a rendu obligatoire la réaction des pays de la résistance à l’impérialisme anglo saxon, d’autant que l’affrontement Ouest/Est se déroule principalement sur le terrain économique.
En route vers l’indépendance économique et monétaire
La première réaction aux sanctions a été de se passer du dollar pour les échanges entre pays sanctionnés et non alignés. Les monnaies nationales sont utilisées ou bien il s’agit tout simplement de troc. Cela a commencé avec l’Iran et la Russie et puis cela s’est étendu. Ces jours ci la Chine et le Brésil viennent de conclure un accord pour l’utilisation du Yuan et du Real dans leurs échanges commerciaux dont la valeur globale exprimée en dollars est de l’ordre de 150 milliards.
D’une manière étonnante quand on connaît l’emprise que les USA exerçaient sur ces nations, le groupe des pays du sud est asiatique, - Indonésie, Thaïlande, Vietnam... -, a entamé des discussions afin de totalement abandonner Dollars, Euros, Livres, et Yens dans leurs transactions financières et commerciales.
Plus étonnant encore on apprend que la Chine et Total énergie commercent en Yuans pour des livraisons de gaz naturel liquéfié
Aujourd’hui d’importants pays sont concernés : La Russie, l’Inde, le Pakistan et même l’Arabie Saoudite.... Une bonne partie du pétrole se commercialise maintenant hors dollar ce qui met à mal le pétro dollar. Le montant de ce type d’échanges hors dollars se monte maintenant à l’équivalent de plusieurs centaines de milliards de dollars.
Les Banques locales sont évidemment parti prenantes dans ces échanges. Par exemple il s’agit de la Banque industrielle et commerciale de Chine et de la Banque BBM pour le Brésil pour le commerce entre ces deux pays.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser la Chine n’a pas du tout l’intention d’imposer le Yuan comme alternative au dollar tout simplement parce qu’elle n’envisage pas d’avoir une position dominante comme les USA et qu’elle ne veut pas subir le fardeau d’une monnaie de réserve sur son économie.
Il est clair qu’il faut aussi une alternative à Swift. La Russie et la Chine ont développé leur propre système de gestion bancaire des échanges commerciaux mais on en est pas encore à un système alternatif généralisé pour le système bancaire hors influence occidentale.
A moyen terme il est évident que cette partie indépendante du monde a besoin d’un système monétaire commun cohérent.
Les voies d’un système monétaire alternatif
Quand les échanges commerciaux et les investissements (notamment ceux de la Chine relatifs aux nouvelles routes de la soie ou bien pour d’autres motifs dans des pays comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, dans des pays africains... ) vont atteindre d’importants volumes financiers, le besoin d’un système monétaire commun en vigueur pour les pays concernés va être incontournable.
Deux principales réflexions sont actuellement menées sur ce plan.
__ L’une au sein de l’organisation de l’union économique des pays de l’Eurasie est placée sous l’autorité de l’économiste russe Sergey Glaziev.
__ L’autre a lieu en Chine.
L’idée dans ces deux réflexions est d’avoir une monnaie commune pour les échanges extérieurs et de conserver les monnaies locales pour les économies des pays concernés. La monnaie commune serait adossée à l’or ou bien à des valeurs universelles comme le prix du gaz naturel ou d’autres matières premières, métaux précieux... Il y a aussi l’évocation ( par Sergey Glaziev) d’un panier constitué des monnaies locales concernées dans des proportions relatives à la taille des économies respectives sans doute. C’est pourquoi des analystes financiers font référence à un Bretton Woods III. La distinction entre Banque de dépôts et Banque commerciale, - Glass Steagall aboli par Clinton en 1999 -, se ferait naturellement puisque c’est déjà le cas dans les échanges commerciaux en monnaies locales.
* C’est un retour d’avant ce capitalisme financier basé sur le néo libéralisme.
Sergey Glaziev a souligné les difficultés pratiques et politiques à surmonter afin d’installer ce nouveau système. Il a notamment indiqué que la Russie ne pouvait être le moteur dans cette installation. A son avis la Russie doit d’abord réorienter sa Banque centrale et ses Banques commerciales. En ce qui concerne la Banque centrale il s’agit de réorienter et de réorganiser la gestion des avoirs de l’Etat russe. Pour les Banques commerciales c’est la prise en main de la gestion des investissements et du crédit, qui doit être modernisé, en Russie, pour remplacer les investissements d’origine étrangère.
Trois principales organisations regroupent les pays que l’on peut qualifiés de non alignés, mais qui le sont à des degrés divers. La Coopération de Shangaï, SCO, vers laquelle l’Arabie Saoudite vient de se tourner, L’Union économique de l’Eurasie autour de la Russie, EAEU, et les BRICS +. Chez toutes la question de la monnaie est en discussions, mais il semble que les BRICS+ soient les plus avancés dans ce domaine.
Quand on voit le poids économique, qui va en croissant, et démographique de ces pays du monde alternatif on se dit que l’avenir est là.
La crise du système monétaire du monde occidental
Ces vingt dernières années l’ ‘accumulation du capital’ s’est envolée avec les Quantative Easings qui ont artificiellement alimenté les marchés et gonflé les dividendes ainsi que créé des bulles financières (mortgages, assurances..) énormes. A travers le poids qui est devenu majeur du marché des produits dérivés la finance s’est aussi enfoncée dans des paradis artificiels bâtis sur des produits fragiles. Tout cela était garanti par des Bonds émis par la Fed et autres. Ces Bonds constituent ainsi une part importante des avoirs des Banques et ont un poids déterminant dans les bilans financiers de celles-ci. Comme l’a souligné Michael Hudson la santé de ce système capitaliste n’est pas liée aux marchés des actions.., mais au marché des Bonds.
Mais à la suite de l’épisode COVID, de la crise énergétique et de la saturation du procédé lui-même qui est par nature inflationniste, l’inflation est survenue. C’est un élément économique mortel pour ce système financier. Il faut se souvenir que la lutte contre l’inflation est l’objectif premier et unique de la BCE. Une des conséquences de l’inflation, outre l’effet sur l’économie réelle avec la baisse de la consommation intérieure notamment, est de faire baisser la valeur des Bonds.
L’inflation est un cancer qui ronge le capitalisme financier.
Et cela peut mener à une situation désespérée susceptible de déboucher sur une apocalypse nucléaire.
JMB 2 avril 2023
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