L’Ukyo-e, littéralement "Image du Monde Flottant", est le nom donné au style pictural qui a régné en maitre sur le Japon de l’époque d’Edo (1603-1868). C’est le genre de peinture des estampes d’Hokusai et d’Hiroshige, entre autre qui ont deux caractéristiques spécifiques : la thématique est centrée sur les scènes de la vie quotidienne de la période d’Edo et la démocratisation de ces peintures dans les zones urbaines du fait de la production de masse à faible coût (les estampes étaient imprimées en série grâce à la xylographie, c’est à dire l’impression par bloc de bois).
Voici un exemple d’Ukyo-e, Kanabara en hiver par Hiroshige :
Le terme Ukyo est difficile à traduire, mais l’écrivain Asai Ryoi le définit de la manière suivante dans ses Contes du Monde Flottant :
"Vivre uniquement le moment présent,
se livrer tout entier à la contemplation
de la lune, de la neige, de la fleur de cerisier
et de la feuille d’érable... ne pas se laisser abattre
par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître
sur son visage, mais dériver comme une calebasse
sur la rivière, c’est ce qui s’appelle ukiyo."
Le terme Ukyo a également une signification bouddhiste à travers la notion d’impermanence (l’Anitya) de l’existence humaine et la mélancolie qui s’y rattache. Par extension, ce terme désignait également le monde des artistes itinérants et voyageurs japonais (acteurs de kabuki, geishas, courtisanes, marchands ambulants ou encore rônins) qui se déplaçaient régulièrement sur la route du Tokaido, qui est LE sujet récurrent dans l’art des estampes.
Vers la fin du XIXième siècle, l’ère Meiji ayant ouvert le Japon au reste du monde, les estampes d’Hokusai, Hiroshige ou encore Utamaro sont présentées au public lors de l’exposition universelle de Paris en 1878. De nombreux artistes comme Van Gogh, Monet, Gaugin, Manet ou encore Renoir se rendent à l’exposition pour contempler ces oeuvres. Ceux qui vont devenir les peintres impressionnistes sont fascinés par les estampes japonaises et vont pour certains jusqu’à copier trait pour trait certaines estampes. Le mouvement du japonisme est né ainsi d’un paradoxe : d’un art considéré comme populaire et léger au Japon, on est passé à une véritable mode puis enfin à l’un des courants majeur de l’histoire de la peinture, avec la grande influence qu’ont eu les estampes sur certains de nos plus grands peintres.
Voici un exemple de l’une de ces copies : à gauche l’original d’Hiroshige, à droite la copie de Vincent Van Gogh.
Les arts décoratifs, dont l’Art nouveau et son Ecole de Nancy, seront aussi fortement influencés par les artistes japonais. Les vases d’Emile Gallé font partis des plus beaux exemples de cette symbiose :
Certains artistes japonais contemporains puissent toujours leur inspiration dans les estampes du passé, comme Kaii Higashiyama ou encore Takashi Murakami dont l’influence manga provient elle aussi des estampes ( Hokusai fût le créateur des "images dérisoires" ou mangas)
Excellent article qui change un peu des préoccupations franco-françaises... « Kanabara » en hiver, cela veut-il dire de la neige, de la neige, et seulement de la neige ? Ou est-ce que le lien ne fonctionne pas ? Ou est-ce un précurseur du célèbre carré blanc ?