UMP, MoDem : nous n’avons pas la même culture
« La pire des fractures est la fracture culturelle », dit François Bayrou. « La culture n’est pas un luxe qui vient après le nécessaire ». Elle doit, aux côtés de l’éducation et de la recherche, venir en priorité dans une « économie de la connaissance ». Autre ton, autre style : la « lettre de mission » du président Sarkozy à Christine Albanel, ministre de la Culture. M. Sarkozy officialise « l’obligation de résultats » dans les scènes subventionnées, autrement dit, il entend faire dépendre les subventions de l’applaudimètre !
Comme l’a dit François Bayrou, il faut refuser "l’abaissement de l’ambition culturelle pour tous" ("Au nom du Tiers-Etat"). Venu rencontrer les acteurs culturels au Festival d’Avignon 2006, il a confirmé que l’éducation, la recherche et la culture "relèvent davantage de l’être que de l’avoir" et doivent être prioritaires dans une "économie de la connaissance".
Mais les électeurs ont porté Sarkozy à la présidence. Le nouveau président, qui veille à tout régenter personnellement, a adressé une lettre de mission à chacun de ses ministres. L’omniprésident veut, dans le domaine de la culture comme ailleurs, faire de l’interventionnisme. La lettre de mission qu’il a adressée à
Christine Albanel est ponctuée d’injonctions ("vous ferez",
"vous nous proposerez", "nous vous demandons"). Ce qui est pour le moins un style inapproprié, et en tout cas très inhabituel, dans un secteur où la liberté de l’esprit est reine. "Le financement privé de la culture sera encouragé" : cela signifie-t-il que la politique culturelle dépendra des goûts des riches mécènes qui lui donneront l’orientation qu’ils souhaitent ? Le ton se fait même menaçant "Un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits, mais à ses résultats".
"On aurait aimé une lettre d’encouragement", regrette Jacques Blanc, directeur de la scène nationale Le Quartz, à Brest. "Les précédents présidents soutenaient les arts et la culture. Là, on a l’impression que M. Sarkozy installerait Bercy rue de Valois. Et qu’il serait le contrôleur budgétaire de la culture", ajoute François Le Pillouër, directeur du Théâtre national de Bretagne, à Rennes. Les moyens financiers seront réduits. Moins de fric pour les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain ), mais aussi pour les musées. Les économies ne suffisant pas, des recettes supplémentaires sont envisagées : la directive encourage la vente des oeuvres dans le domaine des arts plastiques.
Pour les spectacles vivants, il faut s’attendre à une restriction de la liberté d’expression et à des mises à l’index des artistes qui s’aviseront de conserver la liberté de parole qu’ils ont pris l’habitude d’avoir jusqu’à aujourd’hui. Ainsi le député UMP de Belfort, Damien Meslot, a-t-il dénoncé un éditorial de Benoît Lambert, metteur en scène associé du Granit de Belfort, pour ces mots "Le problème, évidemment, c’est l’élection de Sarkozy. Je sais que cet événement peut avoir des conséquences profondes, et probablement désastreuses, sur le cours de nos existences. Nous devrons sans doute modifier nos pratiques, nos manières de faire du théâtre." Ainsi dénoncé, l’auteur de ces propos est aussitôt réprimandé par la ministre de la Culture qui se dit choquée par l’édito du belfortain. "Un théâtre financé par l’Etat et les autres collectivités doit à son public le respect des choix et des opinions démocratiquement exprimés." Par cette phrase, Mme Albanel explique que la culture doit suivre l’inflexion politique du pays et s’y plier. L’Etat est UMP, la culture doit l’être aussi !
Nous sommes bien loin des propositions de la campagne de François Bayrou, pour qui l’art est sacré, multiple, et pour qui la place de l’artiste doit être valorisée : "L’art est héritage, il est également mouvement aussi faut-il aujourd’hui repréciser la place de l’artiste dans la société, accompagner la création et soutenir la diversité culturelle, questions essentielles soulevées de façon cruciale par la crise des intermittents non résolue aujourd’hui - et la loi sur les droits d’auteurs."
Mais aussi, pense-t-il, la culture ne saurait se soumettre à une fraction politique ni aux groupes monopolistiques ; elle doit vivre en liberté et doit aider à grandir : "La culture n’est pas le simple chapitre d’un programme politique, elle est la composante d’un projet pour une nation : de l’enfant à l’école au citoyen dans la cité". François Bayrou veut tout mettre en œuvre pour que la culture soit le lien et le bien communs.
Semer et récolter, loin de la sous-culture médiatique tapageuse des vedettes du show-business et des chaînes privées, enrichir notre civilisation en restant ouvert aux apports des autres cultures et à la liberté d’expression... Ce ne sera évidemment pas la politique qui sera menée dans les cinq prochaines années. Alors, patience !
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