Un an après, de retour sur l’Eyjafjallajökull
En avril 2010, un volcan islandais au nom imprononçable, l'Eyjafjallajökull, paralysait le secteur aérien européen. L'éruption de ce volcan du sud de l'Islande, recouvert par une calotte glaciaire éponyme de 78 kilomètres carré avait causé l'annulation de près de 100 000 vols à travers le continent. D'après la commission européenne, l'éruption avait couté près de 2 milliards d'euros aux compagnies européennes. Plus d'un après les évènements, quelle trace a laissé cette éruption en Islande ? Le secteur du tourisme a-t-il pâti de cet évènement aux conséquences planétaires ? Reportage.
Capitale la plus septentrionale du monde, Rekjavik concentre près de 60% de la population islandaise. Le reste du territoire n'est qu'un désert aux accents polaires, où l'immense richesse et diversité du paysage est un joyau qui se cultive. L'Islande est une terre hostile, colonisée tardivement (Ingolfr Arnason, arrivé en 874, est considéré comme le premier résident permanent de l'île) et où l'humanité est sans cesse confrontée à sa propre minorité vis à vis de la nature. Partout sur le territoire, des panneaux indiquent l'emplacement d'anciennes fermes ou habitations, dévastées par des coulées de laves ou emportées par les jökulhlaup (innondations particulièrement violentes liées à l'entrée en éruption de volcans sous-glaciaires qui entraîne la fonte partielle de la calotte glaciaire). L'Islande est un pays dont le monarque absolu est la nature. Cette dernière, cruelle et dévastatrice, affirme sans cesse sa présence sur ce territoire maléable, où les paysages évoluent au gré des années.
Le Gigjökull, langue glaciaire de l'Eyjafjallajökull
Ainsi, avant d'arriver à Þórsmörk - point de chute inévitable pour les randonneurs -, on se doit de franchir une vaste plaine, marquée par l'éruption de 2010 puisque le sol est recouvert d'une épaisse couche de cendres. Le ciel finissant par se lever, on aperçoit le Gigjökull (cf. photo), cette langue glaciaire rattachée au glacier de l'Eyjafjallajökull (le volcan et le glacier le recouvrant portent le même nom) et qui constitue une superbe "cascade de glace" de huit kilomètres carré. Seulement, lors de l'éruption, le paysage était tout autre. Le volcan avait provoqué une fonte des glaces et l'eau s'était déversée dans cette immense plaine via la langue glaciaire de Gigjökull ! Impossible aujourd'hui d'imaginer que l'eau recouvrait il y a seulement un an ce vaste désert !
Les stigmates de l'éruption de l'Eyjafjallajökull sur le territoire islandais sont à l'image de la situation observable près de Þórsmörk, c'est à dire rares. Seules les cendres sont encore visibles, et le fait d'en récolter est un passage obligé pour les touristes. Pourtant, si l'Eyjafjallajökull avait fait parlé de lui en Europe, il avait été tout aussi redoutable en Islande. Les fermes aux alentours avaient provisoirement fermées, plusieurs localités avaient été privées d'eau chaude et d'électricité et les jökulhlaup avaient endomagées un nombre conséquent d'infrastructures. Le panache volcanique s'était répandu à basse altitude, plongeant dans le noir des centaines d'habitants au beau milieu de la journée. Et les imposants glaciers qui dominent la région se sont retrouvés couverts d'un étrange panache noir (cf. photo).
Un glacier recouvert par la cendre de l'Eyjafjallajökull
Le tourisme avait également pâti de l'éruption qui avait provoqué l'annulation des réservations de voyages durant les vacances de Pâques. Pour l'AFP, un professionnel du tourisme local assurait ainsi avoir ses meilleures réservations pour le mois de mai... Mais personne n'a pu venir à cause des cendres.
Néanmoins, la faculté de savoir rebondir malgré les catastrophes naturelles en tout genre est inscrite dans le patrimoine génétique des islandais. C'est donc tout naturellement qu'ils ont su tirer profit de l'éruption. Ainsi, à Þorvaldseyri, un couple de fermiers évacués lors de l'éruption car prisonniers du panache noir, ont crée un visitor center dédié à l'éruption dans un ancien local de leur ferme. A l'intérieur, un film avec des images de l'éruption est diffusé et une boutique remplie d'objets dérivés a été aménagée.
Le visitor center de Þorvaldseyri
Les tee-shirts évoquant l'éruption sont également en vogue tout autour du pays. "Dont' mess with Iceland. We don't have cash but we've got ash" (Ne plaisante pas avec l'Islande. On a pas d'argent, mais on a de la cendre) est un slogan qui se dérive un peu partout, à la fois sur les mugs et les tee shirts. Et rares sont les journées où on ne voit pas un touriste affublé du tee shirt où le nom du volcan a été annoté en phonétique afin (enfin) de savoir prononcer ce nom qui nous paraît si barbare.
Des magnets, des livres photos sont également proposés aux touristes. Et les excursions au sommet du volcan connnaissent un regain d'intérêt. Excentricité parmi d'autres, un patissier basé à Rekjavik a conçu pour le plus grand plaisir du palet une patisserie originale, le "Chocolate Moutain", une réplique gourmande de l'Eyjafjallajökull où le caramel fait office de magma. En somme, l'Eyjafjallajökull a généré un véritable buisness.
En outre, contre tout attente, le nombre de touristes en Islande a bondi après l'éruption. Lors du premier semestre 2011, la fréquentation du pays a ainsi augmenté de 20% par rapport à 2010. Une conséquence de l'exposition soudaine du pays, peu habitué à faire la une des journaux. Localement, on explique également ce boom du tourisme par l'intérêt croissant des volcanogues amateurs, venus en Islande en pélerinage. Le secteur touristique a donc bénéficié d'une juste compensation des pertes économiques engendrées par l'éruption de 2010. Mais l'Islande a conscience de bénéficier d'un phénomène éphémère car la mémoire collective va progressivement reléguer aux oubliettes l'Eyjafjallajökull.
Débris de la route n°1 endommagée lors d'un jökulhlaup en 1996
Mais d'ici là, la menace d'une nouvelle entrée en éruption d'un volcan capable de perturber le trafic aérien est tout à fait plausible. Le 6 juillet dernier, des géologues islandais annonçaient l'entrée en éruption imminente de l'Hekla, celui-la même qui constituait d'après la légende populaire l'entrée des Enfers et qui était d'après Jules Verne en connexion directe avec l'Etna. Néanmoins, le mode d'éruption de ce colosse - alternance entre mode explosif avec projections de téphras et de cendres puis mode effusif - laisse à penser que les conséquences seront moindres qu'en 2010.
En revanche, le Katla, voisin de l'Eyjafjallajökull et recouvert par le glacier Myrdalsjökull, constitue une menace bien plus sérieuse. Ses éruptions ont par trois fois fait suite à celles de l'Eyjafjallajökull et le mode d'éruption est le même que son terrible voisin. Et l'imminence de son éruption ne fait aucun doute après une fausse alerte le 9 juillet dernier et un sommeil qui dure depuis 80 vingt ans : un record. Une chose est sûre, l'Islande n'a pas fini de faire parler d'elle...
Retrouvez ce billet dans son contexte original sur http://offensif.net
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