Un burkini pour mon PC
Est-ce qu'un jour lointain quelqu'un qui n'aura pas relu pas la presse de cet été 2016, se souviendra de la polémique du burkini sur les plages ?
Pas davantage qu'aujourd'hui on se souvient du scandale du bikini inventé il y a 70 ans ?
Une bombe. C'est comme ça qu'était considéré le bikini, présenté pour la première fois à la piscine Molitor de Paris le 5 juillet 1946 par son créateur Louis Réard. Choquant, scandaleux, il est arboré par Micheline Bernardini, une danseuse nue du Casino de Paris car aucun "vrai" mannequin ne voulait le porter.
On est loin du succès du premier "Gendarme à St-Tropez" provoqué en partie par la douce excitation de tabou que suscitait la chasse aux nudistes, en transgression de la pudibonderie des années 60.
Depuis, tout a été chamboulé.
Cette obsession à chasser tout voile qui cache la peau a conduit de braves employés municipaux de Vence, près de Nice, à agir.
Débat sur le burkini : une femme sortie de l'eau d'une piscine de Vence, près de Nice, à cause d'un paréo
... La femme de 36 ans, qui portait un maillot deux pièces lors de sa baignade dans cette piscine vençoise en début de semaine, avait choisi de se couvrir aussi d'un paréo en lycra "parce qu'elle fait apparemment des complexes à la suite de la mise au monde de trois enfants", indique le quotidien régional Nice-Matin.
Est-ce l'influence russe des années 80 avec le mot à la mode transparence (glasnost) qui exige que chacun se dénude ?
Dans les années 90 nous avons été envahis par les immeubles aux façades de verre qui dévoilent les occupants des bureaux.
Dans les années 2000, nous étions au vu et à l'entendu de nos collègues en étant parqués dans des open-space, ce lieu de travail sans cloison qui viole l'intimité et étouffe l'individualité.
La personne ne suffit plus à la curiosité.
Il faut observer la personnalité.
La télé-réalité est arrivée en diffusant des filles si belles mais affublées de cerveaux bien loin des prix Nobel. Il y avait peu à observer. Peu de monde. Peu de personnalité.
Aujourd'hui, on veut observer tout le monde et sonder les coeurs et les reins au nom de la sécurité ou des intérêts financiers.
Rêvons un peu.
Imaginons qu’un éditeur de logiciels invente un système d’exploitation (« OS » pour les anglophiles) et qu’il réussisse à le répandre à travers la planète.
Les particuliers adoptent ce système en majorité. Mais aussi les entreprises et les administrations.
Chacun lui confie son jardin secret et ses données confidentielles, et aussi des éléments de sécurité.
Imaginons que les états lui donnent un coup de main en pénalisant pendant des années la vente d’ordinateurs sans système d’exploitation installé, malgré l’envie d’utilisateurs avertis qui veulent bénéficier d’un logiciel libre, non commercial et non intrusif, comme UNIX et ses diverses déclinaisons « Ubuntu », « Fedora », « Magela », « Opensuse », etc.
Ces pauvres utilisateurs avertis doivent acheter le logiciel privé quitte à le désinstaller.
Imaginons qu’au fil des décennies le logiciel soit proposé avec de nouveaux apports, comme un traitement de texte, un classeur, un présentateur de diapositives, etc. Ce logiciel devient de plus en plus présent et pesant. Et de plus en plus onéreux. Les clients achètent tout, alors qu’ils auraient pu se tourner vers du libre gratuit comme LibreOffice ou OpenOffice ou l'un des choix de framasoft. La firme devient de plus en plus importante et voit son fondateur devenir l’homme le plus riche du monde.
Arrêtons-nous un instant.
Il y a 40 ans cette histoire n’aurait jamais pu être racontée. Les auditeurs l’aurait trouvée inimaginable. Même les auteurs de science fiction aurait soupiré de consternation devant un tel délire.
Reprenons notre délire.
Les ordinateurs se connectent tous dans un immense maillage, que nous appelons web. Et là, ça se complique, car si, vous, vous pouvez vous connecter à une multitude de machines, en contrepartie une multitude de machines peuvent se connecter à la vôtre, venir la fouiller, y pondre des œufs électroniques comme un vulgaire coucou, l’utiliser à votre insu pour en envoyer des messages ou récupérer des informations.
Je vous entends maugréer « On est au courant. Ce sont des virus, des spywares et autres malwares. Il faut se protéger avec un bon antivirus complété d’un bon antiware. ».
Ça ne ne suffit pas. Plusieurs éditeurs aspirent à vous connaître intimement et donc aspirent vos données personnelles. Timides comme ils sont, ils n’osent pas vous prévenir et agissent en catimini.
La société de sécurité Plixer a décortiqué les données que Windows 10 envoie à Microsoft. Le bilan est assez inquiétant. Et Redmond (= Microsoft) n’est pas le seul éditeur à aspirer, dans une certaine opacité, les données personnelles de ses utilisateurs.
Il y a donc des gens qui ne veulent pas être vus (vous dans votre salle de bains et ailleurs).
Il y a des gens qui regardent par le trou de la serrure.
Il y a aussi des gens qui recherchent l’existence de ces espions.
« Nous avons décidé d’enquêter sur plusieurs éditeurs et le résultat pour certains d’entre nous est un peu effrayant », annonce la société Plixer de Kennebunk (Maine) dans son rapport (dont l’accès nécessite de remplir un formulaire). Microsoft récupère des informations sur les contacts, l’agenda, le texte saisi, ainsi que les interactions tactiles, la localisation des données « et bien plus ». Autant de données que l’utilisateur n’aura d’autre choix que de laisser partir s’il veut profiter de Cortana, l’assistant vocal de Windows 10. … Ainsi, même une fois les options les plus protectrices de la vie privée activées, « une certaine forme de métadonnées était encore envoyée à Microsoft toutes les 5 minutes ». Lesquelles ? Difficile à dire puisque Microsoft les chiffre.
…
Rapprochons cela de l'achat par Microsoft, pour 26,2 milliards de dollars (23,3 milliards d’euros) en cash ou 196 dollars par action, du réseau Linkedin à la fois très populaire et très utilisé par les entreprises, selon lemondeinformatique.fr du 14 juin 2016.
C'est bien. Il pourra corriger lui-même les erreurs de nos CV.
Et avec son intelligence artificielle et son analyse prédictive, il pourra vous dire ce que vous allez faire, comme il avait prédit pour l’Euro 2016 que l’Allemagne éliminerait la France en demi-finale et deviendrait champion d’Europe en écrasant la Belgique.
Plixer s’est également intéressé aux pratiques de Plantronics et McAfee (aujourd’hui entre les mains d’Intel Security). Dans le premier cas, il s’avère que, lorsqu’ils sont connectés au Plantronics Hub, les casques audio du constructeur envoient des données chiffrées toutes les minutes vers les serveurs de la firme.
...
Plixer soupçonne l’envoi des numéros de téléphones appelés ou encore des données sur la qualité des appels. Mais sans certitude.
Dans le cas de McAfee, Plixer soupçonne l’éditeur d’antivirus de s’appuyer sur une URL ultra longue pour y dissimuler un message chiffré.
...
Et de conclure qu’il « est peut être temps pour nos gouvernements d’intervenir et de s’impliquer pour créer une législation qui empêche les entreprises de prendre d’excessives libertés dans l’exploitation de nos informations personnelles identifiables ».
Mais que peut le gouvernement ?
Il a tant et tant à faire !
Il doit étudier tellement de propositions !
- Celles que nous étiqueront d'étonnantes et de décalées :
Le premier (amendement) , le 843, déposé par Karine Berger et Valérie Rabault, est la énième tentative pour légiférer le lien hypertexte et le soumettre à un strict régime de fermeture et de droit d’auteur. On renverra au site NextInpact pour plus de précisions.
Cet amendement revient à interdire toute forme d’indexation (adieu YouTube, Facebook, Twitter, Google, etc.), la mort du web tel qu’on le connaît, le terminus d’un voyage infini dans les savoirs, la fin de la co-création…
- Celles que nous étiqueront de médiatiques et de circonstance : comme toutes ces propositions des candidats à la course à l'échalotte qui surenchérissent sur les dangers et veulent restreindre les libertés. Normal. Les électeurs sont en majorité des vieux qui connaissent moins internet par la pratique que par ce qu'en rapporte la télévision.
Alors ? Comment rester discret ? Comment garder un peu de dignité sans voir sa vie privée scrutée par un régime policier et par un monde mercantile ?
Est-ce une force historique qui depuis plus d'un demi siècle souffle nos habits ?
Est-ce la même force irrésistible qui veut inspecter nos esprits ?
Comment s'en protéger ?
Ce n'est pas la quadrature du net qui me rassure.
Qu'est-ce qui est le plus important et le plus critique ? Cacher ce sein que d'autres aimeraient voir ou l'exhiber de force ou à son insu ?
Qui est le plus dangereux ? Ce tissu qui protège notre enveloppe charnelle autant qu'à la Belle Epoque ou l'oeil invisible d'Asmodée, ce démon aux ailes de chauve-souris qui regarde l'intérieur des maisons en soulevant le toit ?
Comment préserver son intimité ?
Comment mettre un burkini sur son PC ?
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