Un Centenaire de 96 ans, aurions-nous inversé la courbe du temps ?

Donc en ce 11 novembre nous avons célébré le centenaire …. Mais le centenaire de quoi ?
Il y a cent ans, jour pour jour, c’était le 11 novembre 1914, la boucherie avait juste 3 mois d’existence, il lui restait encore 48 mois de « fonctionnement » pour terminer un massacre qui aboutit à des millions de morts, civils et militaires ; alors not’ bon président a célébré quoi en ce 11 novembre 2014 ? Les 300.000 premières victimes ?
En être arrivé à utiliser l’histoire et à la manipuler pour faire encore croire qu’on existe ; quelle honte et quelle misère !
Le 11 novembre 1914 mes deux grand pères, Jacques Marius Luçon et Georges Auguste Bizet se portaient (encore) bien, le premier était militaire de carrière, engagé dans la marine à 15 ans, et le second vivait à Boulogne Billancourt, fils de petits patrons blanchisseurs et grand cavaleur.
Je vais donc commencer juste en parlant un peu des ces deux hommes-là, ces français de base que rien ne destinait à passer 4 années de leur vie dans des tranchées et des trous pour continuer ensuite leur vie comme estropiés.
Jacques Marius Luçon, orléanais et fils de vignerons et de tonneliers, était dans la marine de guerre ; qu’à cela ne tienne, on avait besoin d’hommes pour aller du côté du Chemin des Dames et de Verdun, il est reversé dans les troupes au sol. Blessé à la hanche, il est récupéré par un « camarade » qui va le ramener sur son dos, les deux se retrouveront ensuite régulièrement, jusqu’à la mort de ce camarade, un solide paysan de Champagne. Rétabli tant que faire se peut par le Docteur Chevalier, lui aussi orléanais et dont le fils deviendra Maire d’Orléans puis finira abattu par son épouse pour cause d’adultère, je ne l’ai connu qu’avec cette « fistule », avec une canne, du lever jusqu’au coucher. Il boitait bas ! Il ne riait pas souvent, je crois qu’il a bien conscientisé que sa vie a été totalement transformée par cette guerre et cette blessure, il était devenu handicapé, mais était aussi patriote et sympathisant communiste. Il s’est même permis « le luxe » de participer à la résistance française durant la guerre 39-45 notamment en cachant des israélites et en militant au sein du réseau Combat. Mon grand-père est mort quand j’avais 14 ans, je n’ai pas eu le temps ni l’occasion de comprendre, en son temps, ce qu’il a vécu, fait et subi. Il ne parlait pas de la guerre. Mon meilleur souvenir de lui c’est quand De Gaulle a foutu les ricains à la porte de mon pays, j’étais gamin, il a réuni la famille, sorti le champagne et tout le monde a chanté la Marseillaise, il était ce jour-là heureux et souriant : il n’y avait plus de troupes étrangères sur notre sol !
Georges Auguste Bizet, parisien, originaire de Méru, était fils de blanchisseurs et la guerre ne l’a pas réclamé tout de suite ; le premier de ses frères, Gabriel, l’ainé, a été appelé, il a donc confié sa fiancée Marie-Léonie Guittard, employée dans la blanchisserie et orpheline, à mon grand père. Quand Gabriel est revenu, intact, à la fin de la guerre, Georges avait épousé Marie-Léonie entre temps, mais lui aussi avait été mobilisé ; il est même parti « tuer du boche », versé dans les zouaves (voir cette photo où il a le sourire des futurs vainqueurs) ; et puis lui aussi va « se faire » le Chemin des Dames, Verdun, on pourrait presque dire « la voie royale » ; un obus qui explose et il s’est retrouvé avec des éclats dans le crâne, direction l’hôpital militaire (la seconde photo est criante du changement survenu). De retour il va terminer sa vie en vivant avec Marie-Léonie et leurs 3 enfants, nés en 1918, 1920 et 1922, dans des conditions difficiles voire misérables. Leur aîné, Pierre, va mourir d’une appendicite mal soignée en 1925 ; quand on était pauvre l’hôpital ne se pressait pas, même à Boulogne Billancourt, là où ils vivaient. Les deux autres, Suzanne (ma mère) et Simone, deviendront pupilles de la nation, mon grand-père ayant obtenu la distinction de Chevalier de la Légion d’Honneur, et ayant été déclaré handicapé à 100%, article 15. Parti combattre, celui qui aurait pu avoir une vie de petit commerçant tranquille et gagnant correctement sa vie l’a vu transformée de fond en comble. Il me parlera souvent de cette « grande guerre », des doses d’éther qu’on leur donnait à boire avant de monter à l’assaut, de la boucherie au quotidien, et de cet obus qui explose près de lui, met son casque en bouillie. Il décèdera à l’âge de 93 ans, avec toujours ces éclats d’obus et de casque dans le crane, lesquels faisaient que parfois sa langue se bloquait et l’empêchait de parler et qu’il n’entendait plus que d’une seule oreille. La guerre et la mort de son fils en ont fait un anticlérical, à chaque occasion il ne manquait pas de « bouffer du curé », et appelait les allemands « les boches ».
Alors pourquoi avoir célébré le centenaire de la guerre de 14-18 un 11 novembre 2014 ?
Eh bien c’est tout simple : quand on n’a plus rien à proposer, quand on sait que le 11 novembre 2018 on sera probablement passé aux oubliettes comme le pire président après Sarkozy, on essaye de rester devant en manipulant l’histoire, en jouant avec les dates, en faisant du politico-médiatique … mais toucher à la « Grande Guerre » est une ignominie.
Je n’aime pas particulièrement citer les hommes politiques actuels mais quand Jean-Luc Mélenchon dit que l’actuel président a « rikikifié » la fonction présidentielle, il est tendre. Hollande et son prédécesseur l’ont transformée en un cirque immonde, entourés de gens insalubres, d’une clique de courtisans corrompus et se croyant intouchables. Depuis que Henri Emmanuelli, refusant de répondre au Juge Van Ruymbecke dans une sombre affaire de frégates, a permis au Parlement de déclencher diverses modifications (par exemple « ces gens-là » ne sont plus déclarés inculpés mais ils sont « mis en examen »), nous élisons des membres d’un clan, d’une clique, d’une ligue, des intouchables … mais ces intouchables-là gouvernent et se gobergent, allergiques à l’administration, cumulant les comptes à l’étranger et les fonctions multiples.
Et comme ils ne doutent de rien, présidents en tête, nous avons Sarkozy, descendant de gens qui ont combattu contre nos ancêtres durant les guerres de 14-18 et de 39-45, qui invite Merkel à célébrer l’armistice de 14-18, et Hollande qui nous invente le centenaire de 96 ans !
Des voleurs d’histoire et d’images
Sarkozy et Hollande citent Jean-Jaurès, celui qui a été comme par hasard abattu juste avant la déclaration de guerre, lui le pacifiste et qui ne voulait pas de guerre entre ouvriers des pays européens.
L’histoire se joue aussi à l’étranger puisque l’assassin de Jean-Jaurès (pas le commanditaire de l’assassinat, au fait qui était ce commanditaire ?), sera jugé en France par un tribunal et déclaré non coupable de ce crime après la guerre, mais finira fusillé par les républicains espagnols, à Ibiza. Double pied de nez de l’histoire puisque le grand père de Manuel Valss, qui soutenait les franquistes contre les républicains se réclame de Jean-Jaurès lui aussi. Va-t-il bientôt renier son grand-père et ses origines ou bien n’est-ce pas tout simplement la méthode bien connue de nos hommes politiques, l’arrivisme dans toute sa splendeur ?
On peut attendre de leur part, après cette superbe déclaration d’une imbécilité sans nom « Jaurès aurait soutenu le pacte de responsabilité », des affirmations du style :
-Jaurès aurait soutenu les bombardements sur la Libye ;
-Jaurès aurait baissé le SMIC ;
-Jaurès aurait été ami avec les fascistes ukrainiens ;
-Jaurès serait allé à Tombouctou se faire offrir un dromadaire ;
-Jaurès n’aurait pas tenu compte du référendum de 2005 et aurait signé Lisbonne
-Jaurès aurait prolongé Fessenheim ;
-Jaurès aurait augmenté les impôts des pauvres pour aider les grands patrons ;
-Jaurès aurait rétabli la peine de mort pour les manifestants ;
-Jaurès n’aurait pas vendu des porte-hélicoptères aux russes ;
-Jaurès aurait soutenu le projet d’aéroport Notre-Dame des Landes ;
-Jaurès aurait choisi Manuel Valss comme 1er ministre ;
-Jaurès aurait été contre la création d’un Etat palestinien ;
-Jaurès aurait été de droite, de nos jours …
Ils vont nous bassiner avec Jean-Jaurès jusqu’au moment ou ces magnifiques dirigeants dont nous nous affublons depuis plus de 40 ans découvriront cette analyse de Jean-Jaurès sur les juifs, et le déclareront antisémite, avec la bénédiction et sous pression de la diaspora concernée ! Dès lors Jean-Jaurès sera rayé des livres d’histoire, des discours des dirigeants, traité comme Louis-Ferdinand Céline ou Dieudonné. Le délit d’opinion serait à géométrie variable, dans notre République ?
Je cite le Grand Jaurès : « Dans les villes, ce qui exaspère le gros de la population française contre les Juifs, c’est que, par l’usure, par l’infatigable activité commerciale et par l’abus des influences politiques, ils accaparent peu à peu la fortune, le commerce, les emplois lucratifs, les fonctions administratives, la puissance publique . [...] En France, l’influence politique des Juifs est énorme mais elle est, si je puis dire, indirecte. Elle ne s’exerce pas par la puissance du nombre, mais par la puissance de l’argent. Ils tiennent une grande partie de la presse, les grandes institutions financières, et, quand ils n’ont pu agir sur les électeurs, ils agissent sur les élus. Ici (en Algérie), ils ont, en plus d’un point, la double force de l’argent et du nombre. » Jean Jaurès, 1898 1er mai, La Dépêche
Ils en pensent quoi, Sarkozy, Valss et Hollande, de cette analyse du grand Jaurès ? Ah oui, j’oubliais, ils ont aussi dans leur musette Charles de Gaulle, car ils sont tous devenus aussi gaullistes, ils adorent Guy Môquet car ils aiment les pacifistes partisans du pacte Ribbentrop-Molotov !
Allez, rendez-vous le 11 novembre 2018, on célébrera le centenaire avec comme Gauleiter Manuel Valss et invité d’honneur le Feld Marechal Poroshenko.
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