• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Un dernier regard dans le rétroviseur.....

Un dernier regard dans le rétroviseur.....

Après avoir montré qu’il est des pays où l’on imagine et fait autrement, après avoir établi un point 0 de la situation, il est temps de donner un dernier coup d’œil dans le rétroviseur….

 De nombreux économistes, sûrement par facilité intellectuelle, nous ont présenté la récession de 2008-2009 comme étant identique en tout point à celle de 1929. Dans ce même temps, deux fossiles sont réapparus dans le biotope politique et économique malgré trente années de politique néo libérale qui pensaient les avoir à jamais fait disparaitre : Karl Marx et John Maynard Keynes. Lors des élections étatsuniennes, des voix s’élevèrent même pour conseiller à Barack Obama d’appliquer à nouveau des mesures fiscales comparables à celles prises par Franklin Delano Roosevelt dans le cadre du New Deal. Se servir de l’Histoire que les tenants de Friedrich Hayek et Milton Friedman, pauvres bouffons meurtriers, annonçaient également avoir fait disparaitre, sans examen critique consiste simplement à appliquer de vieux remèdes à une crise systémique qui répétons-le ne s’est jamais produit dans l’Histoire de l’humanité à cette échelle et à cette intensité. Ce serait comme tenter de guérir d’un cancer généralisé à grands coups de tisane de tilleul. L’effet placébo existe certes mais quand même….

Pour sortir et survivre à la crise de 1929, les adeptes du capitalisme n’ont pas seulement accepté la mise en place de l’impôt progressif ou les avancées sociales d’un front même populaire validant ainsi une certaine façon de faire payer les riches. Ces mesures leur ont seulement permis de gagner du temps pour préparer leur revanche : créer les conditions d’un second conflit à l’échelle mondiale avec près de 65 millions de morts tant civils que militaires, une Europe ravagée et deux bombes atomiques. Une façon comme une autre d’entrer dans le XX° siècle. Le procès des crimes commis par les capitalistes ne sera pas ouvert puisqu’on n’évoque que les crimes commis par les perdants. Le Tribunal International ne me démentira pas sur ce point.

L’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les successions sont mis en place aux Etats-Unis entre 1909 et 1916. Ils constituent le socle de l’impôt progressif. Les pouvoirs de taxation de l’Etat fédéral s’en trouvent renforcés certes mais le parti républicain s’attèlera à la diminution des taux dès les années 20. Le taux marginal supérieur de l‘impôt sur le revenu (Il s’agit du taux de la taxe payée sur le dernier euro du revenu des plus riches. Ce taux sera égal ou supérieur au taux de la taxe payée sur l’ensemble de son revenu puisque le taux d’imposition est plus faible pour les premiers euros de revenu que pour les euros de revenu subséquents) sera ramené de 77% en 1918 à 25% en 1925. Quand la crise économique éclate en 1929, le socle de ce qui constitue l’impôt progressif ne représente plus qu’un quart des revenus de l’Etat fédéral.

Là aussi c’est une constante libérale, un énième bégaiement. En 2002, l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) constituait la deuxième source de revenus de l’Etat. Dès 2007, cette recette a diminué de 400 millions d’euros au moins selon la loi de finance 2007. Une réduction qui s’explique majoritairement par la "Réforme du barème de l’impôt sur le revenu", qui a privé l’Etat de 3,9 milliards d’euros. En 2007, l’impôt sur le revenu n’a représenté que 21 % des recettes de l’Etat et 16 millions de personnes assujetties. Les mesures de bouclier fiscal sont philosophiquement identiques aux politiques suivies par les républicains étasuniens en 1925. Quand on me parle de Droite moderne !!!!!!

Mais l’Histoire continue de bégayer. En 1932, républicains et démocrates se joignent en une sorte de vision politique « d’union nationale » pour s’atteler aux principes de l’équilibre budgétaire. C’est Maastricht avant l’heure !!! Ils décident et votent une augmentation massive des impôts directs et indirects y compris sur la consommation pour réduire l’endettement des Etats-Unis.

En 1933, Roosevelt accède au pouvoir. Il préconise un nouveau système fiscal qui ne sera mis en place qu’à partir de 1935. L’augmentation des impôts portera alors sur les hauts revenus et sur les grosses successions au nom de quelques principes moraux et économiques dont la lutte contre les monopoles. Le Revenu Act de 1935 plus communément dénommé Wealth tax (Impôt sur la richesse) renforce les principes de la progressivité de l’impôt. Les taux supérieurs retrouveront leur seuil d’origine puisqu’ils seront portés à 79% tandis que celui de l’impôt sur les sociétés sera porté à 19% en 1938.

En parallèle, les services du Trésor étasunien mèneront une politique féroce de lutte contre la fraude fiscale. En 1937, des mesures sont prises pour réduire les niches fiscales. L’Histoire bégaie, bégaie…

Les effets de cette politique sont controversés. Certains y voient une politique symbolique avec un simple développement d’une rhétorique de redistribution inspirée des options keynésiennes du moment qui continueront à masquer les injustices du système de prélèvement (Les taxes sur la consommation comparables à notre TVA représentent entre 1/3 et ½ des revenus de l’Etat fédéral en 1930) ; l’impôt sur le revenu ne touchera qu’à peine 5 % des étatsuniens et l’élévation de la progressivité sera très largement compensée par la création de cotisations à taux proportionnel pour financer la nouvelle sécurité sociale. Un dispositif qui ressemble incroyablement à la couverture maladie universelle mise en place par Obama. Jusqu’en 2010, ce dispositif n’existait pas aux Etats-Unis, où environ 36 millions de citoyens n’ont pas d’assurance santé. A cela s’ajoutent les millions de personnes dont l’assurance ne couvre pas l’ensemble de leurs dépenses, dans un pays où les frais médicaux et pharmaceutiques déjà exorbitants continuent à s’envoler. La majorité des assurés (58,5% en 2008) bénéficient de polices souscrites par leur employeur mais ils courent le risque de se retrouver sans protection du jour au lendemain en cas de licenciement. Et en temps de crise… Un paradis, ce rêve américain !!!

D’autres, au contraire, y discernent un profond changement malgré ses effets modestes sur le court terme. Cette nouvelle politique fiscale aura au moins permis la reconnaissance morale de la progressivité.

Il faudra attendre le début de la seconde guerre mondiale pour assister à une vraie révolution fiscale aux Etats-Unis. La dimension patriotique et nationale, mâtinée de devoir et de sacrifice, permettra la mise en place massive à l’impôt progressif à partir de 1942 avec des taux marginaux supérieurs qui vont passer de 88% en 1942 à près de 94% en 1944 tandis que le nombre de contribuables passera de 4 millions en 1939 à plus de 42 millions en 1945 pour 140 millions d’habitants. L’impôt sur le revenu de masse voit ainsi le jour. Le prélèvement à la source sera imaginé dès 1943. Ces dispositifs perdureront jusqu’aux années 70, début de la révolution néolibérale et criminel avènement des Chicago’s boys.

Il est donc à espérer que les politiciens de tout poil et du moment fassent preuve d’imagination et n’attendent pas l’avènement d’un nouveau conflit mondial pour redécouvrir les bienfaits de la progressivité fiscale. Dans tous les cas, l’enjeu est d’ordre de la civilisation. Un secrétaire du Trésor de cette vieille époque déclarait que : « les impôts sont le prix à payer pour construire une société civilisée. Trop de citoyens veulent la civilisation au rabais. » Ce bégaiement là me va bien… Le rétroviseur à présent bien réglé : « Yallah !!! »….


Moyenne des avis sur cet article :  4.64/5   (11 votes)




Réagissez à l'article

1 réactions à cet article    


  •  C BARRATIER C BARRATIER 9 août 2010 17:22

    Très bien.
    Ce passé et son savoir faire sont très bien expliqués dans un film de Jean DRUON, Quelques choses de notre histoire (avec à l’écran le prétentieux Friedman et sa maffia du Mont Pèlerin). Et il y a Walter, Retour en résistance. Et le livre « les jours heureux » qui vient de sortir.......Comment faire connaître aux citoyens de ce pays ces outils d’information ? Ne comptons pas sur la télé !

    Ils étaient revenus en force avec PETAIN, chassés ils sont revenus dans un pétainisme toujours autant rétrograde. Ne les sous estimons pas. Ils restent dangereux.

    Ils ont trouvé leur point fort : faire peur. Et c’est vrai que des racailles les aident bien, hors de toute citoyenneté et de toute civilisation. Pas de cadeau à leur faire, ne les soutenons jamais, c’est à croire qu’ils sont payés pour affaiblir la République par les conséquences de leurs méfaits.

    Nous avons à agir sur deux fronts, donc, ces malfaiteurs désespérés sont les alliés naturels des réactionnaires qui nous ramènent au temps où n’existait pas le rétroviseur : avant les Lumières et la Révolution. L’image est bien choisie.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

chibani84


Voir ses articles







Palmarès