Un éditeur bénévole…
Jean Mourot, ancien instituteur syndicaliste a toujours aimé l'écriture. Aujourd’hui, non seulement il continue à écrire mais il a créé une association uniquement tournée vers l’édition bénévole des livres de ses amis.
Je l'ai connu il y a 50 ans à l'École Émancipée, cette « vieille » tendance syndicale enseignante. Il était comme moi, instituteur. Dessinateur de talent, amoureux des lettres, il a participé à la rédaction de cette revue historique créée en 1910 à laquelle il livrait régulièrement ses caricatures.
Très souvent il reprenait mes articles pour y rajouter un chapeau et leur donner une allure plus journalistique. J'étais « activiste » et je n'avais pas beaucoup de temps pour peaufiner mes écrits ; lui avait décidé de consacrer son temps libre et son talent à faire en sorte à « professionnaliser » cette revue.
Je l'en remercie encore.
Nous nous sommes perdus de vue pendant quelques années quand il a pris sa retraite alors que je m’engageais dans l'animation et la formation d'animateurs. Nous restions toutefois en contact.
En cessant mes activités professionnelles, j'ai décidé de passer du syndicalisme actif au militantisme social. J'ai laissé ma plume pour me pencher sur le clavier et j'ai commencé à écrire quelques chroniques de lecture avant de me lancer dans l'écriture de livres. Bien évidemment je me suis tourné vers mon camarade Jean Mourot pour qu'il m'aide.
Jean, retraité, s’était engagé dans la vie locale et, accessoirement, publiait des livres pour raconter sa vie. À 88 ans, il continue d’écrire et propose ses services gratuits pour accompagner ses amis et les amis de ses amis désirant publier leurs livres. Il les aide en apportant ses conseils, en proposant parfois des corrections et en mettant le texte en page avant de l’envoyer, avec un référencement ISBN, à un imprimeur pratiquant l’impression à la demande et la vente en ligne.
On dit que quand un homme d'expérience et de culture décède c'est une bibliothèque qui brûle ! Grâce à Jean, tout peut être préservé. Et des auteurs inconnus peuvent accéder à la publication.
J'ai convaincu un de mes camarades d'école normale, André Labeur de publier le livre qu'il avait commencé à publier en ligne. Il m'a écouté ; le livre est sorti grâce à lui et il a été diffusé1.
André Labeur est décédé en 2020 mais il laisse un conte philosophique, en plus de toutes les chansons qu'il a écrites et composées.
J'ai fait connaître Agoravox à Jean. Il y publie de temps en temps un article et regrette que, du débat, certains passent trop souvent au dénigrement, voire à l'insulte.
***
Ce matin je viens de recevoir le dernier livre édité par ses soins à partir d'un cahier trouvé dans une vieille valise poussiéreuse.
Ce texte, revu, corrigé et mis en pages est ainsi arrivé jusqu'à moi. C’est un de ces petits trésors enfouis qui méritent d'être sauvés.
La rédactrice pourrait s'appeler Cosette – c'est d'ailleurs le nom que lui donnent ses onze frères et sœurs, sans compter l'enfant que l'abominable père a eu avec l'une de ses filles qu’il a violée.
Le récit commence par une enfance malheureuse, sous l’autorité d’un père fainéant, alcoolique, violent et qui prend son plaisir ignoble avec l'une de ses filles. Ah ! si les frères et sœurs pouvaient au moins se soutenir et être solidaires ! Mais ce n'est pas le cas : il leur faut une souffre-douleur, ce sera Marie-Estelle !
Malgré l'adversité, le malheur, certains trouvent cependant parfois la force pour essayer de renaître. C'est le cas de cette jeune fille qui attend sa majorité, alors heureusement avancée à 18 ans, pour sortir de son enfer.
Elle rencontre un gentil garçon avec qui elle se construira une nouvelle vie. C'est à fois la résurrection et une retombée en enfer quand sa mère, devenue veuve et impotente, refuse de lui savoir gré de ce qu’elle fait pour elle, malgré les mauvais traitements qu’elle lui a infligés dans son enfance. S'agit-il du destin qui s'acharne ? Marie-Estelle aurait tellement voulu qu’on l’aime ! Mais Monsieur Madeleine tarde à venir la secourir…
La vie d'adulte va lui apporter un bref bonheur que brisera la maladie avant une renaissance tardive…
On ne ressort pas indemne d’une telle lecture.
Jean-François Chalot
« C'est peu dire que j'ai souffert ! »
récit de Marie-Estelle,
le Scorpion brun, mai 2023,108 pages, 10 €,thebookedition.com
1- /André Labeur, « La mine des cuivres » le Scorpion brun 2019, 186 pages, 10 € (thebookedition.com)
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