Un gouvernement anémique
La social-démocratie a toujours préféré la certitude de flotter en reculant au risque de couler en avançant. C'est la devise du réformisme flageolant. Et la définition du manque de courage. Notre gouvernement nous en donne une triste illustration.
A force de naviguer sans boussole dans la mer agitée de l'économie internationale, nous sommes au bord du naufrage. Le navire français prend l'eau de toutes parts. Et que décide son commandement en ce moment critique ? Il fait jeter par dessus bord les possessions de ses passagers à la place d'une cargaison inutile et continue imperturbablement sa route au lieu d'entamer une sérieuse remise en état.
L'image n'est pas loin de la réalité. La cargaison dont le poids fait gîter le bâtiment national et menace sa survie est la dette. Mais ça, personne n'ose y toucher. C'est pourtant d'elle qu'il est urgent de se débarrasser pour permettre à la barque de se redresser.
Cela veut dire concrètement s'attaquer au pouvoir des banques, en nationaliser quelques-unes pour rétablir le pouvoir de l'Etat, abroger la loi de 1973 qui nous interdit de fabriquer notre propre monnaie, refuser de servir les scandaleux intérêts de nos emprunts et revoir la composition même de la dette de façon à en éliminer les éléments irrecevables.
C'est une partie de la sérieuse remise en état nécessaire. Mais c'est un gigantesque tabou. Personne de responsable n'en dit un mot. D'autres pays ont porté avec succès des coups à la domination financière, pas la France. Nous, nous préférons sommeiller dans la mendicité.
Une dépendance qui a ses limites. Nous sommes bétonnés dans le système néolibéral américain, fondé sur les emprunts, mais on ne peut pas constamment creuser un nouveau trou pour boucher le précédent.
Il faut à un certain moment trouver soi-même de l'argent. C'est là qu'intervient la soi-disant rigueur.
Le malheur est qu'on ne prend pas l'argent où il est. C'est-à-dire dans l'imposition de la richesse. Une fiscalité plus dure pour les immenses fortunes. Une taxation réelle des transactions internationales. La participation au Trésor public du marché de l'art. Tout ce qui constituerait une rigueur plus juste et plus efficace est plongé dans le silence. Aucun de nos ectoplasmes actuels n'a l'audace d'évoquer la moindre atteinte à la minorité des possédants. C'est pourtant tout cela qui devrait aussi faire partie de la remise en état.
Enfin, pour compléter ce tableau de servilité, les prétendues "économies" ne touchent pas l'essentiel. Qui propose de réduire les dépenses des aventures militaires ? Le coût de l'intégration à l'OTAN ? Le prix à payer pour la fiction de l'Europe ? Des centaines de millions sont dilapidés dans les ingérences voulues par l'hégémonie de Washington, les expéditions néocoloniales de la nostalgie de l'empire, ou les fastes de l'entretien de la bureaucratie bruxelloise.
Il faut paraît-il trouver 50 milliards. Mais pour quoi faire ? Pour qui ? Pour payer les intérêts de la dette, renflouer des banques, augmenter les budgets des armées ? On peut se poser la question. De toute façon, ce qui choque, c'est la réponse.
Au lieu de mettre fin aux gaspillages, on préfère se rabattre sur le plan d'austérité, c'est-à-dire faire payer le peuple. On ne conteste pas la dette, on ne s'affranchit pas des banques, on ne prend rien aux riches, on ne diminue pas les excentricités internationales. Ce qui permettrait sans doute de récolter plus équitablement les fameux 50 milliards. Non. On a recours au gel des prestations sociales. A l'essorage du contribuable. A la baisse du pouvoir d'achat. Aux mesures classiques d'un capitalisme inféodé à Wall Street, à la City, à la Maison Blanche et à Bruxelles. Pour alléger le navire, on jette par dessus bord les possessions des passagers. Tout baigne. On sauve comme ça la cargaison.
Le comique de l'histoire est que cette politique réactionnaire de la social-démocratie suscite une petite fronde de "gauche". Mais c'est une gauche très dans le ton de l'ensemble. On ne met pas en question la politique du gouvernement. On n'évoque aucun des points de la sérieuse remise en état décrite ci-dessus. On ne dénonce pas l'étranglement populaire par l'austérité. On se contente de marmonner : "Euh… cinquante milliards, c'est pas un peu beaucoup ? On peut pas ramener ça à 35 ?"
Navrant. Dire qu'on croyait que la mission de l'Etat était de faire la guerre à la pauvreté, pas aux pauvres…
Louis DALMAS.
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