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Un historien dans l’Algérie en guerre.

Paul-Albert Février : Un historien dans l’Algérie en guerre. Un engagement chrétien, 1959-1962

C’est sous ce titre que l’historien Jean-Marie Guillon vient de publier aux éditions du CERF un livre consacré à cette part de la vie de l’archéologue et historien Paul-Albert Février, décédé en 1991.

Le livre, préfacé par Pierre Vidal-Naquet, est avant tout la présentation de textes écrits par Paul-Albert Février durant son séjour en Algérie, d’abord comme appelé (1959-1960) puis comme archéologue (1960-1962). Il est donc témoin d’abord de certains aspects de la guerre, puis du passage à l’indépendance de l’Algérie. Ce qui rend son témoignage particulier, c’est la conjonction rare de trois éléments : tout d’abord, un service militaire tardif (sursitaire, il a presque 29 ans quand il débarque en Algérie) : il est donc plus mûr que les autres appelés ; ensuite, bien que presque sans grade, il est un intellectuel déjà reconnu qui est passé par l’Ecole des Chartes et l’Ecole française de Rome, et il maîtrise l’analyse historique. Enfin, le hasard des affectations militaires le place dans un CTT (centre de transit et de triage) à Colbert. C’est, comme son nom l’indique, un lieu où sont amenés les prisonniers, les suspects arrêtés pour une première évaluation de leur implication dans la lutte des Algériens pour leur indépendance. Mais, comme son nom ne l’indique pas, c’est un lieu où les interrogatoires sont musclés, et la torture, une pratique courante.

Devant ces comportements qu’il réprouve, dans la solitude de celui qui voit et surtout entend tout, Paul-Albert va écrire. Cet ouvrage nous livre trois types de textes : d’abord les lettres à ses parents et à ses amis, puis des extraits de son journal de bord où son regard sur l’humanité souffrante entre en résonance avec ses nombreuses lectures qui le portent à s’interroger sur l’homme et l’humanité ; enfin est reproduit le rapport qu’à l’issue de son séjour à Colbert il envoie à la Croix-Rouge internationale.

Ce qui ressort de ce témoignage est double : d’abord, la réalité de la torture comme pratique courante, dégradante et terrifiante dans un CTT ordinaire de l’armée française en Algérie. D’autre part, la difficulté pour un « juste » de vivre dans un monde en contradiction avec les principes de la République et plus généralement, avec les principes énoncés dans les différentes déclarations sur les droits de l’homme. C’est sa foi profonde de chrétien qui va lui permettre de trouver sa voie : s’appuyant sur les Evangiles, sur l’exemple et l’enseignement de Jésus quand il parle des abandonnés et des meurtris, le soir il soigne. Il soigne et soulage autant qu’il le peut le mal que ses camarades font dans la journée. Dans son action il est aidé par sa famille et ses amis, qui lui font parvenir de France les médicaments qu’il leur demande. Il obtient aussi quelques améliorations dans les conditions de vie des détenus et, épluchant les dossiers dont il a la charge, obtient des libérations de prisonniers, parfois tout simplement oubliés car non enregistrés ; enfin, il témoigne, par son rapport à la Croix-Rouge.

De ce livre simple et direct émerge une personnalité à la fois forte et compatissante qui nous rappelle que, dans ce genre de situation, contrairement à ce que beaucoup voudraient nous faire croire, l’homme, l’individu, a toujours la possibilité de faire des choix. Certains sont si honorables qu’ils nous interrogent au plus profond : qu’aurions-nous fait à sa place ?


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