Un Indic nommé Merah, Mohamed Merah
Depuis plusieurs jours, les soupçons vont bon train quant aux relations entre Mohamed Merah et les services de renseignement français.
Car après coup, les zones d’ombres du massacre de Toulouse ne cessent de tracasser les esprits d’autant que nous sommes en pleine période électorale.
Prenons l’hypothèse (de moins en moins farfelue) que Mohamed Merah était un indic. Ceci permet de justifier beaucoup de faits insolites vus ou connus, avant ou pendant son arrestation.
Respect de la procédure
Lors de l’arrestation du terroriste, tout le monde a pu constater l’omniprésence de Claude Guéant, transformé en 24h de ministre de l’intérieur en vulgaire reporter. Une anomalie totale, et même une violation du code de procédure pénale, puisque c’est au procureur de la république ou au juge suivant l’enquête d’informer les médias. Le ministre n’étant pas un officier judiciaire, en plus de ne pas faire son travail, commet une faute grave.
Sauf que cette présence de Claude Guéant peut s’expliquer par sa nécessité d’être sur les lieux même pour communiquer avec l’indic devenu fou. Restant à Paris, la communication n’aurait été que plus compliquée.
L’hyper-médiatisation du ministre n’aurait été alors qu’un paravent pour justifier sa présence.
Mise en scène ou réelle utilité
Au total, le quartier de Mohamed Merah était cerné par près de 300 policiers. Cela ne fait-il pas un peu beaucoup pour un seul homme…sans otage ?
Si Merah est un indic, voire plus, il connait les us et coutumes du RAID. Ce déploiement de force trouve donc ici toute sa justification.
Pour rappel : l’individu s’était retranché dans sa salle de bains, à l’abri des explosions détonantes comme des éventuels gaz.
Négociation
Vous en avez vus beaucoup des fugitifs sans otage auquel on donne plus de 24h pour se rendre ? Il n’y a qu’en France !
Si Merah était un indic, soit l’intéressé avait d’autres choses à mettre dans la balance (des informations gênantes ?), soit les autorités avaient encore un espoir de le raisonner.
Ce n’est pas pour rien qu’une source proche de l’enquête à l’AFP a expliqué que les négociations s’avéraient « longues et difficiles » car le jeune homme a un « caractère bien trempé ». Plus insolite, des pourparlers ont été interrompus parce que Mohamed Merah « était fatigué, qu’il voulait se reposer et qu’il voulait lire » selon cette même source.
Faire partie de « la maison » permet d’expliquer ce traitement de faveur, puisque la fatigue reste d’habitude un excellent atout pour tenter un assaut.
Un pedigree hors norme
Vendredi 23 mars : François Fillon, premier ministre français, déclare « Aucun élément permettant d’appréhender Mohamed Merah » n’existait avant ses attentats.
Jeudi 22 mars : Alain Juppé déclare qu’il n’a « personnellement aucune raison de penser qu’il y ait eu une faille » puis à 9h52 « Je comprends qu’on puisse se poser la question de savoir s’il y a eu une faille ou pas. Comme je ne sais pas s’il y a eu une faille, je ne peux pas vous dire quel genre de faille mais il faut faire la clarté là-dessus »
Mercredi 21 mars : Le ministre de la Défense a assuré sur RTL que le suspect « ne s’était en rien signalé, d’une façon ou d’une autre », a précisé Gérard Longuet.
1 mensonge et 3 menteurs, ni plus, ni moins.
L’individu tué avait voyagé dans divers pays sensibles comme le Pakistan et l’Afghanistan. En raison de ces « voyages », il avait été interrogé à plusieurs reprises par la DCRI, lui le jeune de banlieue, délinquant multi-récidiviste, caricature de la racaille de banlieue au chômage, tête brulée, embrigadée pour devenir un dangereux terroriste comme le précise Claude Guéant :
« C’était quelqu’un qui était suivi, il avait même été convoqué en novembre 2011 par un service régional de renseignement intérieur, afin qu’il explique de façon plus précise ce qu’il était allé faire en Afghanistan et au Pakistan »
Pire, dès le mercredi 21 mars, Le Télégramme a recueilli le témoignage d’une voisine qui ne décolère pas : « Je suis sidérée. Il a fallu que tous ces gens soient tués pour que Mohamed Merah soit enfin arrêté. C’est un énorme gâchis. » Elle affirme avoir « porté plainte contre Mohamed Merah deux fois » et « relancé à de très nombreuses reprises » les policiers de la « radicalité » de Merah, qui avait tenté « d’embrigader » son fils, il y a deux ans.
Le frère du tueur présumé avait été surveillé par la DST – Abdelkader Merah, grand-frère du tueur présumé – était relié à la « Filière de Toulouse », une filière de recrutement et d’acheminement de volontaires à la guerre sainte en Irak.
Plus qu’un simple touriste, Mohamed Merah aurait été détenu en Afghanistan pour avoir posé des bombes à Kandahar. Arrêté en décembre 2007 et condamné à 3 ans de prison, il a pu s’évader grâce à une intervention commando menée en juin 2008 par des talibans qui avait permis l’évasion d’un millier de détenus, selon Ghulam Faruq, directeur des prisons de Kandahar.
Il n’y a pas 50 manières de rester en liberté malgré un tel pedigree : fournir des informations à la DCRI, voire jouer les taupes occasionnelles, pour justifier une impunité totale.
Une mort étrange
Officiellement, l’individu est mort d’une balle dans la tête en tentant de s’échapper de son appartement.
Officiellement toujours, le corps de la victime a été criblé de balle.
Deux versions officielles… contradictoires. Alors messieurs du RAID, du ministère, pourquoi mentir ?
Une source sûre
Curieusement l’hypothèse de l’indic, aussi fumeuse que celles d’un complot, trouve son meilleur argument dans les propos tenus par Mr Squarcini, le directeur central du renseignement intérieur, en personne ! Celui-ci explique aux journalistes du journal Le Monde que Mohamed Merah avait un contact à la DCRI et qu’il aurait dit à ce policier : « De toute façon, je devais t’appeler pour te dire que j’avais des tuyaux à te donner, mais en fait, j’allais te fumer. »
Mr Squarcini confirme également tous les voyages précédemment cités de Merah, en rajoutant même la Turquie, la Syrie, la Jordanie, et même Israël !
Ce qui n’empêche pas Mr Squarcini d’oser dire, pour rassurer l’auditoire, que Merah n’était « ni un indic de la DCRI ni d’autres services français ou étrangers ».
Récapitulons : L’individu donne des informations à la DCRI à ses retours de « voyage », possède un (voire plusieurs ?) numéros de téléphone d’agents de la DCRI, peut passer en touriste dans plusieurs pays du Moyen-Orient, et dans des pays foyers de l’islamisme le plus radical, le tout sans aucun souci.
Mais il n’est pas un indic.
Ce doute légitime est partagé par un certain Yves Bonnet, ex-patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST) dans les colonnes de La Dépêche du Midi :
« Ce qui interpelle, quand même, c’est qu’il était connu de la DCRI non pas spécialement parce qu’il était islamiste, mais parce qu’il avait un correspondant au renseignement intérieur » [...] « Or, ajoute-t-il, avoir un correspondant, ce n’est pas tout à fait innocent. »
De deux choses, l’une :
- Soit Mohamed Merah n’a pas de lien avec la DCRI, et la pierre angulaire du Sarkozism, la sécurité et la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme, s’écroule d’un bloc ! Fiasco des services de renseignements, Fiasco du RAID.
- Soit Mohamed Merah s’avère effectivement être un indic de la DCRI (ce qui permet d’expliquer l’absence d’arrestation, la longue négociation) et nous sommes alors en présence d’un scandale d’Etat.
Dans les deux cas, Mr Guéant, Mr Squarcini et Mr Péchenard aurait dû présenter leur démission sur le champ.
En tout état de cause, quelle que soit la thèse soutenue, nous avons pu constater plusieurs faits incontestables.
Un karcher oublié
Dans son propre appartement toulousain de 28m², Mohamed Merah possédait un véritable arsenal : kalachnikov, pistolets et ses deux véhicules loués renfermaient plusieurs pistolets-mitrailleurs et plusieurs pistolets automatiques.
Mohamed Merah a pu tenir tête aux assauts répétés du RAID.
Nicolas Sarkozy avait pourtant promis de passer le « kärcher » dans les villes et banlieues de « non-droit ». On se souvient toutes et tous du célèbre « Vous voulez qu’on vous débarrasse de cette racaille, madame ? » proféré en octobre 2005, à Argenteuil (Val-d’Oise)
Force est de constater, que tout ceci n’a été que promesse, provocation et pure fumisterie puisque 5 ans plus tard, un tel drame et une telle résistance n’auraient jamais pu se produire.
Le fiasco du plan vigipirate
Lors de la tuerie dans l’école juive, les autorités avaient activé le plan « vigipirate rouge ».
Malheureusement pour les victimes et leurs proches, ce plan au nom aussi pompeux soit-il ne comprend pas la mise en place d’un policier – même municipal – en face des écoles.
De la même manière, ce plan ne prévoit pas non plus de renfort de police (un poste non-remplacé sur deux pour rappel, économies !) puisque le terroriste a pu perpétrer ses actes, poursuivre une élève, la tuer, sortir de l’école tranquillement et traverser Toulouse pour rejoindre son domicile.
- source image rtl
Une récupération politique immonde
Dès le Jeudi 22 mars, à 16h26 pour être exact, le « cover » de la page Facebook du chef de l’Etat a été modifiée par un slogan : « Face à la froide sauvagerie d’un homme, la France rassemblée a donné ces derniers jours une magnifique image de dignité. »
Ou comment donner l’illusion d’un peuple uni derrière son président…
Dès le Mercredi 21 mars, à 9h19, Jean-François Copé rendait hommage mercredi à l’action de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant dans la gestion des tueries de Toulouse et Montauban, saluant « une opération conduite de manière très remarquable ».
L’expert langue de bois UMP, parfaitement amoral, a même récidivé pendant que les membres du RAID tentait de raisonner, au péril de leur vie, le forcené (ou l’indic ?). D’où la question de Mr Bourdin : « Vous faisiez quoi à 11h37 hier ? »
Bourdin 2012 : Jean-François Copé par BFMTV
Quant à Frédéric Lefebvre, notre expert Tourisme, docteur-ès rabattage de vote d'expatriés français, après les meurtres des enfants juifs, a cru bon d'écrire sur son blog : "aujourd'hui je suis juif" On imagine aisément que les électrices et électeurs de cette confession ne seront pas dupes de ces si basses intentions purement électoralistes.
Des propositions de réformes aussi liberticides qu'émotionnelles Jeudi 22 mars, dès le début d'après midi, Nicolas Sarkozy promet des mesures législatives, en forme d'aveu d'échec. Encore des mesures dans l'urgence, sous le coup de l'émotion, un classique en Sarkozia. Un drame, une loi, une de plus. Ici, justement, contre le terrorisme, l'ancienne juge Eva Joly confirme même que l'arsenal législatif actuel est amplement suffisant et très adapté. Encore faut-il se donner les moyens humains, matériels et financiers de les mettre en application ! La parodie de président annonce pourtant de "nouveaux" délits comme « l'apologie du terrorisme » ou « l'appel à la haine et à la violence ». Nouveaux ? Pas du tout car selon le Midi Libre, ces délits s'avèrent « déjà condamnés par un grand nombre de loi, parmi lesquelles la loi de 1881 (art. 23 et 24 al. 8), les lois de 1986, 1996 et, peu après les attentats de Madrid et Londres la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006, et enfin la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, dite "Loppsi II" ». Le plan com' UMP ne suffit pas à masquer l'incompétence.
Pire, le p'tit nerveux propose que "Toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme, ou véhiculant des appels à la haine ou à la violence, sera puni pénalement". Si cette réforme passait, elle créerait alors un "big brother" de l'internet français, qui ferait basculer notre république, déjà bien mal lotie, dans une dictature pure et simple à l'instar du modèle chinois. D'où la levée de boucliers immédiate des internautes (à lire sur Numerama)
Des caméras de surveillance inutiles (ou presque) contre le terrorisme
Mettons-nous à la place des enquêteurs. Ils disposent de plusieurs milliers d'heures de vidéos, avec au maximum 1 semaine d'archives (faute de moyens techniques suffisants). Tout doit être décortiqué dans un minimum de temps, en parallèle des autres investigations en cours. Dans le cas Merah, les caméras n'auront été utiles qu'à échafauder des déductions pour déterminer le parcours le probable du tueur. Rien d'exploitable finalement ce qu'a même osé confirmer un certain Claude Guéant.
Dommage pour la politique sarkozienne prônant la télésurveillance tout azimut.
Récupération médiatique abjecte Jeudi 21 mars, en début d'après-midi, BFM TV puis le site web du journal "Le Point" puis Reuters ont annoncé l'arrestation de Mohamed Merah, grâce - à cause plutôt - d'une source policière, qui n'était pas directement en charge de l'enquête. Mais L'Elysée comme la DCRI ont démenti. Inutile ensuite de s'étonner de la vision médiocre des français (y compris des politiques) à l'égard du métier de journaliste. Indépendance et investigation !
Emotion et horreur verbale Si Marine Le Pen n'a pas hésité à dire que « L'homme qui a tué se considérait musulman avant d'être français » tout en affirmant refuser tout « amalgame » entre les Français musulmans et les fondamentalistes, Nicolas Sarkozy s'est enfoncé bien plus loin dans le racisme le plus immonde. Lundi 26 mars, le président d'honneur officieux du FN déclare en matinée aux micros de France Info que « Les amalgames n'ont aucun sens, je rappelle que deux de nos soldats étaient... comment dire... musulmans, en tout cas d'apparence, puisque l'un était catholique, mais d'apparence. Comme l'on dit : la diversité visible. Et ce serait particulièrement odieux cet amalgame ». Ces propos scandaleux provoquent la polémique, propos qui seront curieusement peu relayés dans les JT de 20h du soir.
Nicolas Sarkozy invité de France Info par FranceInfo
Colonna et Merah : 2 affaires d'Etat
Dernièrement pour justifier le fiasco du RAID et de la DCRI, ne reculant devant rien, Nicolas Sarkozy s'est cru bon de comparer le temps mis par la police sous Lionel Jospin pour arrêter un certain Yvan Colonna et la relative rapidité de l'investigation pour Mohamed Merah. Nicolas Sarkozy oublie au passage son piétinement de la présomption d'innocence à l'époque des faits...comme des troublantes relations de la famille Culioli - Sarkozy avec la famille... Colonna (à lire également Quand Jean Sarkozy jouait au foot avec Yvan Colonna) ! Les familles des victimes du préfet Erignac, des militaires comme des enfants juifs apprécieront certainement le tact de la comparaison.
Quant aux français, ils pourront se demander au moment de voter, si la sécurité des biens et des personnes s'est vraiment améliorée sous l'ère Sarkozienne ? Si le fameux karcher - tant promis - a été passé dans les banlieues ? Si le non-remplacement d'un fonctionnaire de police sur deux est un atout pour combattre la criminalité ? Si la droite dure et implacable avec les racailles a fait mieux que la gauche ? Certainement pas.
Sources : Les caméras myopes contre le terrorisme
Merah était-il un indic des renseignements français ?
Merah était-il un informateur des services de renseignements ?
Suivis en direct par 20minutes.fr : ici, là et là
Sarkozy évoque des musulmans d'apparence
Affaire Merah : Joly pense que Squarcini et Péchenard devraient démissionner
Merah était-il un indic des renseignements ?
Les images de l'appartement dévasté de Mohamed Merah
Bernard Squarcini : "Nous ne pouvions pas aller plus vite"
L'autopsie de Mohamed Merah révèle qu'il a été criblé de balles
Ce que la DCRI savait de Mohamed Merah Terrorisme : Sarkozy précise le calendrier
Joly : la législation anti-terroriste française, "très pointue", suffit
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