Un jeunisme qui fait vieux
D’abord, pour qui suit l’activité des médias, il y a un sentiment de saturation, une surabondance, presque une nausée. Où ne voit-on pas Bernard-Henri Lévy et Arielle Dombasle ? On les voit ensemble, on les voit séparément. Il pense, il écrit, elle se montre, elle joue, elle chante, elle parle de son chant et ne cesse de s’émerveiller d’elle-même. Le couple qu’elle forme avec BHL, c’est clair, est un cadeau fait à l’humanité. Une telle ingénuité dans la certitude d’être beaux et nécessaires mériterait presque un hommage. Par quel miracle Arielle est-elle tellement sollicitée ? D’où vient cette appétence infinie pour elle ? Je serais prêt à admirer l’energie et le pouvoir de son mari qui, se mettant à son service, accomplissent des prodiges de promotion, favorisent une exhibition à force épuisante mais trop c’est trop, tout de même. Cela manifeste que la retenue n’est pas le propre des journalistes et qu’ils sont toujours prêts à aller trop loin dès lors que, pour mille raisons, cet excès leur semble légitime.
Il n’est pas bienséant, paraît-il, dans un billet d’évoquer une personne, de l’analyser, voire de la critiquer. Mais lorsqu’elle est en permanence, et d’une manière surprenante, en pleine lumière, qu’elle vous inonde d’un éclat qui fait réfléchir, lorsqu’elle vous oblige à vous interroger sur les tréfonds de son humanité et sur les étranges chemins qu’elle emprunte pour oublier sa condition mortelle, on a le droit de se pencher sur son être en se demandant ce qui le meut.
Arielle Dombasle, en couverture de Paris-Match, est photographiée, très belle et les seins nus. Elle s’entretient longuement à l’intérieur avec Jean-Marie Rouart qui la questionne comme s’il attendait à chaque seconde, de sa bouche, une révélation essentielle sur notre monde, au-delà de sa passion pour elle-même. Quelle dilection il faut manifester pour soi, pour son corps, quelle curiosité inlassable on doit avoir pour lui, quelle angoisse doit vous étreindre à l’idée de vieillir pour que rien ne vous détourne d’un exhibitionnisme au fond gênant et, pour des êtres simples comme moi, un tantinet indécent ! Quel rapport de complaisance il faut avoir envie de nouer avec soi, avec ce qui vous constitue physiquement pour avoir le courage de s’afficher ainsi ! Ce serait pathétique si, heureusement, la félicité du couple triomphant médiatiquement ne nous donnait pas plutôt envie d’évoquer le ridicule de la posture. Tous les professionnels du spectacle connaissent l’âge véritable d’Arielle qui s’adonne à une surenchère éperdue qui la conduit, au fil du temps, à se rajeunir au fur et à mesure que le temps passe. On a envie de lui dire que loin de gommer l’érosion et ses atteintes inévitables, cette attitude les met en exergue et les rend douloureusement claires. Sa quête forcenée de jouvence nous démontre le contraire de ce qu’elle s’acharne à mettre sous nos yeux.
J’oppose si volontiers à une telle lutte caricaturale l’attitude de mes actrices préférées ou de la femme de ma vie qui, composant avec le temps, acceptant son enseignement, réduisent à néant ses menaces et font de ses outrages possibles des caresses à venir. En ne résistant pas absurdement à l’inéluctable, on gagne contre celui-ci, on se fait une gloire de ce qu’il croit imposer et on le renvoie dans sa triste morosité. Rien de plus affligeant qu’un jeunisme forcené qui veut prétendre mécaniquement retarder la douceur des déclins et l’émotion des merveilleuses décadences. Ces deux actrices en sont loin mais quelle allégresse de voir des visages et des personnalités comme ceux de Meryl Streep et d’Isabelle Huppert, par exemple !
Le jeunisme fait vieux.
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