Un matin au paradis
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Sarkozy, DSK, banksters, Zionists et Zuniens, 11 septembre et conspiration, Islamophobes et Marinophiles, sortez de mon ordi, de mon clavier, de ma tête et de ma vie !
Repos.
Un peu de bonheur, tout simple.
Une petite anecdote, rien de plus.
Tout le monde subit les aleas du quotidien.
Ces jours où tout va de travers.
On part, on est en retard,on ne trouve pas les clefs. La voiture est à sec. Tous les feux sont rouges. On s'arrête deux minutes sur une place handicapés, (oui, c'est pas bien ), on se prend la prune du siècle. On rentre. Le chien a vomi . La machine à laver n'essore plus. Le nouveau potage à un goût abject. Pas de texto de Chouchou mais les impôts nous aiment. Vive la Vie !
Et il y a aussi les jours miraculeux où l'on se croit l'élue de Dieu .
"Une minute trente cinq de bonheur"....
L' histoire commence d'une manière sympathique. Je pars en vacances cinq semaines en T...
Je ne vais pas pleurer. Il me faut simplement un visa.
Bien. J'en parle avec ma fille qui me dit que le consulat de T... se trouve à Marseille près du port de la Joliette. Qui connaît ce coin et l'imbroglio des passerelles, des routes dessus et dessous peut comprendre l'inquiétude qui me titille. Sans compter les travaux, les déviations, les dévastations, les camions ! Bon. Enfin. si c'est nécessaire je finirai à pied. Courage !
La perspective est tellement agréable que je décide de retarder l'instant fatal.
J'irai à ce fichu consulat à mon retour de Paris. Qui s'effectue un soir vers minuit...Gare St Charles....Ma fille est venue me chercher :
-Tu te souviens que c'est demain que tu vas au consulat ?
Ah ! Zut, non, je ne m'en souvenais pas du tout. Oh ! La ! La ! Je suis crevée...
- Je t'ai préparé tous les papiers. Ca ouvre à partir de 8h 30. C'est trente euros le visa. Et fais attention, ce consulat n'est pas bien indiqué. C'est une porte banale.
-Il n'y a pas de dragon accroché sur la façade ?
-Pas du tout !
Ma fille joue les maman. C'est un jeu entre nous. Parfois elle me dit "Jessica, si tu ne ranges pas ta chambre, je vais te couper Internet !"
Quelle purge cette histoire de visa !
Je me souviens, l'an dernier, des visas pour la Chine. Une queue de cent personnes, une ambiance de guerre, tout le monde tremblant ses papiers à la main. La queue pour déposer. La queue pour retirer. On n'arrivait pas à imaginer qu'on était là, tout simplement, pour partir en voyage d'agrément.
Au Consulat de T... , en principe, on doit me les donner tout de suite. En principe.
Je me jette au lit vers deux heures du matin. J'ai du mal à fermer l'oeil car mon chien veut dormir sur mes pieds et mon chat sur ma tête. Quand j'ai enfin réussi à les repousser, l'un ronronne et l'autre ronfle ...Le lendemain matin, quand le réveil sonne, j'ai l'impression que je suis une baleine qu'un bateau japonais vient de harponner et arrache à la tièdeur de l'océan. Debout ! Il faut y aller !
Ah ! oui, ces préparatifs de vacances font envier ceux qui ne voyagent jamais.
Dehors temps bleu glacial. Je mets le GPS. J'ai le soleil dans le nez. Je n'y vois rien. J'ai bien vérifié si j'ai tous les papiers. En route. Alea jacta est !
Quarante minutes à rêvasser tout en conduisant plan-plan et enfin cette sortie 4 qui conduit dans les entrailles des passerelles de la Joliette. Je les enfile d'un volant gaillard, ravie de voir que je ne me suis pas perdue, et soudain, brutalement, énorme flèche sur l'écran du GPS : Il faut que je tourne ! Je suis arrivée ! Heu...Où ? ... C'est que... Il y a six cents voitures à droite, six cents voitures à gauche et je suis censée foncer au milieu de la mêlée vers...vers...une sorte d'entrée de hangar... Non, ça ne peut pas être là. J'hésite un poil, mais le GPS est impératif ! Go ! Je donne un grand coup de volant , émule de Starsky et Hutch, et je me retrouve ...dans une arrière cour.
Je me dis : "Tu es garée. C'est dans le coin. Tu iras à pied."
En fait , c'est mieux que dans le coin.
C'est là.
Incroyable !
Quelqu'un m'indique une vague porte. Oui. C'est bien le consulat de T... Diable...
J'entre dans une salle d'attente de 1m50 sur 2m. Il n'y a personne. Audacieuse, j'avance et je passe la tête dans un local de 3m sur 2 avec un bureau au milieu. C'est le consulat. Un monsieur est assis devant son bureau. Seul. Le consul ? Il me demande de bien vouloir attendre une minute. Et 30 secondes après vient me chercher. La situation est assez surréaliste.
Trop facile.
C'est un petit consulat avec de petites unités de temps et de lieu. Je viens chercher trois visas. Je tends mes trois passeports et tout se passe comme dans un film d'autrefois genre "Les orgueilleux " avec Gérard Philippe. On dirait un décor de "Casablanca". Le visa est un énorme tampon, même pas un papier collé comme en Chine. C'est drôle, c'est sympa. C'est si facile que je redoute un incident. Il va manquer quelque chose. C'est trop beau.
En trois minutes j'ai mes trois visas et...bon sang...Non mais quelle noix !! Mais que je suis tête en l'air ! Mais ce n'est pas possible ! J'ai complètement oublié que ces fichus visas ne sont pas gratuits et qu'il va falloir que je paie 90 euros ! J'ai complètement oublié de prendre un carnet de chèque ou du liquide ! Mais quelle folle ! Je me hais ! Il va falloir que je revienne ! J'ai quand même ma carte gold que je sors pour prouver que je suis solvable. Où aller trouver un distributeur dans cette pampa ? Il va falloir que je marche deux heures ! Il est bien évident, vu l'antiquité des lieux, que les appareils à carte bleue ne risquent pas de faire partie du décor !
"Le consul" me rend mes passeports et là, je lui dis, désespérée, un peu théâtrale, ça ne nuit jamais :
-Ecoutez , c'est une véritable tragédie, mais j'ai oublié de prendre du liquide. Je n'ai que cette carte.
Il me répond brièvement et simplement :
-Je ne veux pas de tragédie dans votre vie. Je ne vous ferai pas payer.
?????????
!!!!!!!!!!!!
????!!!!!!
Où suis-je ? C'est sûr, c'est un film ancien . Ce n'est pas une séquence contemporaine. Ne pas payer ? Un papier officiel ? Dans une administration ?
Là, alors là, alors là....Je suis...Je suis...C'est... !! Incroyable ! insensé...
Je ne peux pas penser que ce don gracieux soit dû à mes charmes car quand on a passé une nuit avec un chat sur la tête, la coiffure laisse à désirer. Pire. Mon mécène a sous les yeux mes deux photos made in photomaton, ces photos que nous imposent les Zuniens avec des airs de serial killer. Moi ce serait plutôt Véronique Courjault prise en flagrant délit devant son congelo.
Mais la nature humaine est complexe. Il ajoute :
-Maintenant si vous voulez bien...me...
-Oui ?
-Payer les photocopies. Si vous pouvez.
-Ah !
-1 euro cinquante.
Je sors de mon sac un billet de cinq euros que je lui tends dans un geste élégant qui rend hommage à son élégance. Je lui laisse la monnaie. Je me lève, je lui serre la main, je me confonds en remerciements et je sors de ce consulat de T...(Vous comprenez maintenant pourquoi je ne dis pas le nom. Discrétion !)
La joie que j'éprouve alors n'a pas de nom.
J'ai l'impression de sortir d'un tunnel spatio-temporel. C'est un truc dingue ! J'aurai gagné cinq millions d'euros au loto ce serait moins parfait que cet instant parfait . Sartre, dans "La nausée" cherchait ces "instants parfaits ", seuls moments de grâce dans nos vies absurdes et j'en sors. J'en suis encore tout irradiée ! J'aurais pu me payer les pires tromblons de la terre : "Hé oui, il va falloir revenir ! Hé, non, ce n'est pas gratuit, madame ! Rien n'est gratuit vous savez !"
Mais d'où sort-il cet extra-terrestre qui ne veut pas de tragédie dans ma vie ! Un hologramme ? Un saint ? Un futur prix Nobel de la paix ? (Un vrai celui-là !)
Dehors le ciel est bleu egyptien, le ciel de la vallée des reines. Je monte dans ma voiture tiède et je me mets une honne giclée de musique des années 80 : "Capitaine abandonné !"
ohé ohé ! capitaine abandonné !
Ils sont partis pour gagner
Mais ils ne sont jamais rentrés
ils ont retrouvé la lumière ou la liberté
Sonnez sonnez les sirènes au vent salé !
(Oui, ce n'est pas du Nerval.)
Sans oublier "Les brunes ne comptent pas pour des prunes"
Et la Joconde à moins qu'on la tonde c'est quand même bien une brune !
Et le frétillant "Kole Sere" !!!
Je n'aurais pas imaginé que je te reverrais,
tant d'années ont passé...
Quel pied ce matin là !
Sur l'autoroute , nous sommes peu de voitures.
Je ne sais pourquoi j'ai une vision d'avenir.
Il y aura, dans quelques années, des voitures magnétiques qui, si on s'approche trop, freineront automatiquement et s'envoleront légèrement au-dessus du sol. Il sera impossible de se heurter. Et si on touche une glissière, on voltigera comme sur un trampoline et on retombera sur nos petites roues, tout doucement. Il n'y aura plus de morts sur les routes. Il n'y aura que des rêveurs.
Il n'y aura plus de capitaines abanbonnés nulle part. Sauf chez Gold. Comme ma carte qui est restée vierge . J'ai quand même gagné 90 euros ! Ca paiera mon pv place handicapée. Rien ne se perd. Rien ne se crée. Tout se transforme !
Je me demande si mon plus beau souvenir de voyage en T... ne sera pas le souvenir de ce matin là, dans le soleil, parce que j'ai rencontré tout simplement quelqu'un de simplement gentil.
Un peu fou aussi...
Rien de plus.
Rien de moins.
Le paradis...
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