Un métier d’avenir : docteur es respect !
Elle est mise à toutes les sauces, invoquée en permanence à propos de tout et de rien. Qui ça ? Mais la monnaie qui permet de marchander la paix sociale bien sûr : la notion de respect...
Faut-il qu’on soit assoiffés de métaphysique pour qu’aussi régulièrement les médias nous abreuvent de débats mettant en scène des religieux. Chez Ardisson, encore, on peut comprendre la nécessité d’inviter l’habituel yogi péteur, le traditionnel bouddhiste en robe de soirée ou le désormais classique judoka musulman. Mais ailleurs...
S’agit-il d’un dossier « sectes et religions » ? Il nous est alors permis de contempler des gougnafiers (persuadés que leur hippie de prédilection a jadis ressuscité) débattant avec d’autres gougnafiers (convaincus que leur prophète de référence est grimpé au ciel dans un char de lumière) de l’ineptie d’autres grotesques qui prônent, eux, la nature extraterrestre de leur gourou en chef !
S’agit-il, d’évoquer les excès catholiques de naguère ? Pour guincher au musette de la foi, on jouera de chrétiens flonflons, avec tout de même, puisqu’il s’agit également d’évoquer l’antisémitisme, quelques violons yiddish.
Mais quelles que soient les confessions présentes, de quoi va-t-on causer, de toute façon ?
Du Père Noël.
Rien d’autre.
De la ferveur avec laquelle machin essaie de l’apercevoir en glissant la tête dans la cheminée, de la meilleure façon de disposer ses souliers sous le sapin, de la longueur de sa barbe, de la dextérité avec laquelle il manœuvre son attelage pour se garer au plus près de ceux à qui il apporte le bonheur alors que c’est pas facile : essayez donc de faire un créneau correct avec trois paires de rennes plus têtus qu’un harnachement de bourricots réfractaires !
Tout ça avec des hochements de tête entendus, des pinaillages d’ados sur la façon de porter la marque apparente ou pas et des mines compassées de physiciens quantiques aux prises avec la dialectique de leur charcutier.
Peu importe la tenue du débat : les inévitables engueulades, les coups d’esbroufe, les jérémiades et les mea culpa... On constatera simplement ceci : qu’un mécréant ose prononcer le mot d’absurdité à propos des croyances comme ça s’est déjà vu, les bigots glapissent à l’outrage et les plus vindicatifs protestent auprès de la chaîne... Pour en appeler, une fois de plus, au respect : c’est l’usage.
Or, que vient donc faire la notion de respect là-dedans ? En quoi est-ce respectable, de croire ? Doit-on se confondre en déférence à chaque fois qu’une ménagère s’épouvante d’apercevoir un chat noir ou de devoir passer sous une échelle ?
- Qu’ouis-je ? Sacrilège ! Polope m’objecte Monseigneur (la main dans la main avec Monphilosophe) : « la foi et la superstition sont deux choses bien distinctes, qu’il convient de ne pas confondre ! » Et ces deux braves garçons, Monseigneur et Monphilosophe, de m’accabler d’une rhétorique admirable d’où il ressort, en gros, que la superstition rabaisse l’homme (elle fixe son attention sur des préoccupations matérielles et factuelles) et que la foi l’élève (elle occupe l’espace de l’intériorité spirituelle).
Tout ça serait bel et bon si l’on n’oubliait cette évidence : la foi et la superstition ne reposent que sur des théories, nullement sur des faits avérés (le 13 porte malheur, Dieu existe...)
La recherche d’absolu, l’engagement, l’espérance... tout ça, c’est la salade, la couleur des serviettes, la trogne avenante de l’aubergiste : pas le plat principal, qui est, rappelons-le, « le fait de croire » !
Que les crédules de tous poils soient docteurs en théologie, médecine, philologie ou bouillabaisse n’a qu’une importance relative : leur qualité de croyants aux beaux joujoux qu’ils voient en rêves prime forcément dans leurs discours. Leur pensée y est absolument inféodée. Et suspecte dans sa validité, par conséquent.
Si la notion de respect est pervertie à ce point que l’incroyant soit sommé de considérer que le postulat « Lazare est ressuscité » est aussi valide que le postulat « 2 + 2 = 4 », alors effectivement, on est tombés bien bas, bien bas et autant brader la loi de 1905, ainsi que le propose notre imperator bien-aimé.
Mais peut-être invoque-t-on cette notion à tous crins comme ultime repoussoir susceptible d’éviter les tensions communautaristes, les invectives, les agressions et autres joyeusetés répétées par les VRP de la maison Dieu-Bon ? Qu’on le dise, en ce cas, qu’on admette une bonne fois qu’il s’agit-là d’un malheureux pis-aller, d’une misérable tentative de canalisation des humeurs, d’une dérisoire concession faite aux dévots, pas forcément intégristes !
Mais ce n’est plus du respect ça. C’est du marchandage, c’est de la magouille.
Peut-être que c’est respectable, ce genre de magouille ?
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON