Un Moyen-Orient sans l’Amérique
Le déclin de l’intérêt stratégique américain au Moyen-Orient est un sujet majeur dans les cercles de recherche du monde entier. Le débat porte souvent non pas sur la possibilité d’un tel déclin, mais sur ses limites, ses implications et ses conséquences pour les alliés des États-Unis dans la région. Les preuves du déclin de l’intérêt des États-Unis pour le Moyen-Orient ne sont pas récentes.
Elles remontent à plusieurs années, lorsque la Chine a commencé à occuper plus de place dans les stratégies des administrations américaines successives. Il faut se rappeler que l’ancien président Barack Obama a formulé la stratégie d’orientation vers l’Asie de l’Est lors de son second mandat.
L’un des résultats les plus notables a été l’accord nucléaire avec l’Iran en 2015, qui reposait sur l’idée de réduire les tensions avec l’Iran et de créer une atmosphère permettant de réduire le rôle protectionniste des États-Unis au Moyen-Orient. Cette politique s’est poursuivie sous l’ancien président Trump et l’actuel président Joe Biden.
La stratégie américaine s’est initialement concentrée sur l’endiguement de la Chine en augmentant la coopération et le partenariat entre Washington et ses alliés d’Asie de l’Est, notamment les pays de l’ASEAN. Mais la Chine a poursuivi son ascension économique, commerciale et militaire.
Avec la crise déclenchée par l’épidémie de coronavirus et le retrait précipité des États-Unis d’Afghanistan, les discussions sur la forte montée stratégique de la Chine se sont intensifiées.
Les États-Unis ont continué à s’appuyer sur de vieux outils tels que les sanctions contre les entreprises chinoises pour stopper leur progression vers la domination de l’économie mondiale, en s’appuyant exclusivement sur des partenariats de défense avec les pays asiatiques.
Les ventes d’armes se sont révélées insuffisantes pour maintenir une coopération intense entre les États-Unis et leurs partenaires stratégiques non seulement en Asie mais dans toutes les régions du monde.
La Chine, en revanche, a mené une politique d’expansion économique globale, en particulier l’initiative « Belt and Road, » qui a permis à Pékin de construire un solide réseau d’alliances stratégiques fondées sur l’économie, le commerce et les intérêts communs.
La clarté de la notion de changement des intérêts américains a érodé la confiance des alliés dans la relation de partenariat de sécurité avec l’Amérique.
Des preuves évidentes confirment le déclin de l’influence et du prestige des États-Unis en raison de l’incapacité à résoudre des problèmes très médiatisés tels que la question nucléaire iranienne, de l’absence d’une stratégie claire à l’égard des pays et des régions importants pour les intérêts stratégiques des États-Unis tels que la Libye et la Syrie, et des relations chancelantes avec les principales puissances émergentes telles que l’Inde.
Il existe également des fissures stratégiques qui ont presque détruit les relations de Washington avec ses partenaires atlantiques en Europe sous l’ancien président Donald Trump. La question la plus pressante à laquelle tout le monde est confronté au Moyen-Orient n’est pas la possibilité que la région tombe hors du calcul des intérêts américains. Ce n’est pas non plus une question de calendrier.
Les preuves ne manquent pas, qu’il s’agisse des positions américaines sur les menaces répétées de l’Iran à l’égard des alliés de Washington dans la région du Golfe, des retraits successifs d’Afghanistan et d’Irak, ou des efforts pour réduire la présence militaire américaine au Moyen-Orient en général.
La question est maintenant de savoir quels sont les effets et les implications du changement de posture des États-Unis sur les pays de la région, en particulier sur les alliés de Washington. Quels scénarios de conflit et d’influence sont envisageables entre les grandes puissances pour combler le vide stratégique créé par l’absence ou du moins le déclin du rôle des États-Unis ?
Pour que les États-Unis conservent leur rôle, leur influence et leur prestige dans le monde, un niveau minimum de présence et d’influence doit être maintenu au Moyen-Orient. Il n’est pas dans l’intérêt de Washington de donner aux pays de la région le choix entre s’allier avec les États-Unis ou avec la Chine.
Pékin mène une politique d’attraction économique. Pendant ce temps, Washington s’appuie presque exclusivement sur les ventes d’armes et la coopération en matière de sécurité et de défense.
Ces derniers sont des domaines dans lesquels les pays peuvent trouver des alternatives, que ce soit par le développement des industries de défense en Russie et en Chine, l’évolution des modèles de conflit et de menace qui ont contribué à l’évolution des besoins et des exigences en matière de défense, et l’émergence de pays tels que la Turquie et Israël en tant que fournisseurs d’équipements de défense dont les États ont besoin pour contrer les modèles de conflit non conventionnels croissants tels que les drones.
En définitive, l’économie, le commerce et les investissements sont essentiels pour redéfinir les règles de l’ordre mondial post-coronavirus. Le pouvoir que les États recherchent est le pouvoir économique, soutenu par diverses sources de soft power comme la diplomatie et le progrès scientifique.
Tous ces facteurs renforcent l’idée d’une influence croissante de la Chine non seulement au Moyen-Orient mais aussi à l’échelle mondiale. Les limites de cette expansion sont toutefois fonction du nouveau réalisme de la politique américaine.
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