Un « Non » très majoritaire annoncé en Nouvelle-Calédonie : le rejet d’un retour illusoire et dangereux aux tribus
Pourquoi un « Non » conséquent est déjà annoncé au référendum pour l’indépendance en Nouvelle-Calédonie ?
La France n’a plus de colonie, la Nouvelle-Calédonie n’est donc pas à décoloniser
Faut-il en chercher la cause dans l’influence d’une République ayant fait campagne en usant de tous les moyens pour le « Oui » ? Ce n’est pas le cas, puisque même le président de la République, on peut le regretter, a décidé lors de son voyage il y a six mois dans l’ile, de rester sur une position neutre. Serait-ce en raison de l’influence des médias métropolitains acquis à la cause du « Non », faisant campagne en sa faveur ? Ce fut tout le contraire, ils ont globalement épousé la cause des indépendantistes, en reprenant à l’envie la vision biaisée d’une Nouvelle-Calédonie à décoloniser. Ceci, dans le prolongement d’accords passés entre la République et les Kanaks en 1988, désignant les choses sous cet angle pour éviter la guerre civile sur l’ile après les événements de la grotte d’Ouvéa, prise d’otage de gendarmes qui devait se conclure par deux morts parmi les forces de l’ordre et 19 parmi les Kanaks. On sait aussi que l’ONU, par principe, tient une liste d’une quinzaine de territoires anciennement colonisés, qu’elle considère encore comme tels, donc deux concernant la France, la Nouvelle -Calédonie et la Polynésie française, cette dernière ayant choisie déjà de rester dans la République à une écrasante majorité.
On rappellera qu’ici en réalité, la France n’a plus de colonie depuis les débuts de la Ve République, et qu’elle en a même condamné le principe dans le préambule de la Constitution de la IVe République ((27 octobre 1946) repris par la Ve : « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus. »
Le problème de la Nouvelle-Calédonie ? Un malentendu entretenu par l’idée d’un retour aux tribus
Non, le problème est ailleurs, bien loin de cette idéologie de la culpabilisation qui croit voir dans le passé colonial toute source à nos problèmes. Il faut le chercher chez les indépendantistes eux-mêmes, du côté de leur revendication au retour à une culture ancestrale, aux seules tribus, en se débarrassant du rattachement de la Nouvelle-Calédonie à la France et à sa République.
Une large partie de la population mélanésienne a adopté un mode de vie qui est celui de toute société développée, présenté par les indépendantistes comme une perversion de leur culture. La population mélanésienne est aujourd’hui largement urbanisée, s’habille, consomme, étudie, a la sécu, selon un mode de vie qui est désigné par les indépendantistes comme relevant d’une « culture occidentale » considérée par eux comme « une nouvelle forme de colonisation ». Ce n’est pourtant rien d’autre que le mode de de vie propre à tout pays développé, s’étant émancipé des anciens cadres traditionnels qui partout et en tout temps ont toujours empêché le développement des sociétés. Cette émancipation, nous l’avons accomplie en 1789 en rompant avec l’Ancien régime et l’inégalité des ordres, noblesse, clergé et tiers état, dominé par le pouvoir d’un monarque absolu revendiquant de tenir son pouvoir directement d’un dieu. Nous avons grâce à cela, et quelques autres révolutions, mouvements sociaux majeurs, acquis la protection des droits et libertés individuels fondamentaux, politiques, civils et sociaux, dont tous les Calédoniens bénéficient.
Voilà sur quel malentendu se fait le vote d’aujourd’hui, l’idée d’un retour complètement abstrait et illusoire à une culture passée qui ne sera jamais plus la même, et ne peut plus être la référence en matière de responsabilité politique, parce que l’histoire est passée par là pour montrer qu’il y a mieux, la démocratie, la République. Une République qui n’interdit nullement les différences, et même au contraire les protège tant qu’elles ne viennent pas contester la loi commune, qui est au service de tous.
Faire croire en la possibilité d’un retour en arrière au tribalisme est non seulement un leurre dangereux, mais c’est aussi entretenir un malentendu suicidaire pour ceux-là même qui en défendent le principe. C’est nier un mouvement de l’histoire qui ne peut faire marche arrière une fois acquis une pensée rationnelle qui a partout été à l’initiative des progrès des droits de l’homme, périmant un mysticisme culturel et des traditions, qui n’ont rien à voir avec la protection des droits et libertés individuels, mais une logique des tribus et des clans trop souvent marquée par l’ignorance, l’arbitraire et la violence. Il n’y a que l’idée de nation républicaine et égalitaire, n’en déplaise à certains, qui permet de porter au-dessus des différences des droits et des biens communs qui profitent à tous, assurant le cadre d’une paix civile et la tranquillité à chacun.
D’ailleurs, on notera que les dirigeants indépendantistes d’aujourd’hui sont l’objet de bien des reproches par la population qu’ils se disent vouloir représenter, en raison de leur mauvaise gestion de choses là où ils tiennent le pouvoir local et où, la réussite est loin du compte. Au sein de leur propre « communauté », ils sont mis en cause comme ayant été incapables de passer le relais aux jeunes générations, monopolisant le pouvoir, à l’image du rôle d’un conseil coutumier dominé par la tradition des anciens.
Sortir des illusions du culturalisme et promouvoir une République au service de tous
Il existe dans les médias français et chez une certaine intelligentcia un militantisme en faveur du culturalisme, d’un relativisme cultuel, qui diffuse une idéologie présentant les « cultures » comme à protéger, telles des espèces en voie de disparition. Un peu comme si, l’accès à une pensée d’origine occidentale, logico-mathématique, à laquelle la science moderne doit tout et les institutions démocratiques tout autant, n’était pas une propriété collective de l’humanité, à valeur universelle, pas bonne pour tous les humains peuplant notre planète. C’est tout simplement entretenir un malentendu colonial sur le fondement d’un retour à l’origine non seulement faux mais contraire aux progrès de la pensée de l’homme qui ne connait que la marche vers l’avant. Faut-il encore ne pas jeter sur cela le trouble, par cette confusion régulière qui consiste à attribuer à la République des inégalités sociales dont elle n’est nullement responsable, mais une économie libérale qui fait des dégâts partout. La justice sociale n’a de chance de progresser que par l’installation d’un rapport de force qui unisse toutes les composantes, tous ceux qui y ont intérêt, par-delà les diverses origines et territoires.
Cela vaut bien sûr pour la Nouvelle-Calédonie, mais à la condition de lâcher le combat pour des oripeaux à la faveur de celui pour la liberté, l’égalité et la fraternité, seule voie pour bâtir un « destin commun » pour tous dans ce territoire de notre République.
Guylain Chevrier
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