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Un numéro d’ironie mordante qu’on n’attendait plus de Stéphane Guillon

On avait cru Stéphane Guillon perdu, enlisé dans les marécages de la plaisanterie ordurière. Il vient de ressusciter, lundi matin 21 juin, premier jour de l’été. Il a retrouvé la veine qui a fait son succès, quand il chargeait avec allégresse le président du FMI pour le harcèlement sexuel d’une de ses « collaboratrices » hongroise (1).

 Qu’y a-t-il, en effet, de plus intelligent que l’ironie ? Là où l’indignation avec ses cris ne peut aller, parce ce que l’indignité qui la provoque est si inouïe qu’elle reste hors d’atteinte des criailleries, l’ironie, elle, l’investit de l’intérieur à son insu en feignant d’acquiescer et la dynamite par le sourire, fût-il jaune ou grinçant. L’ironie est, en effet, le procédé qui permet de dire le contraire de ce qu’on pense en le laissant deviner par des indices plus ou moins perceptibles, comme une contradiction par exemple.
 
Stéphane Guillon, une fois n’est pas coutume, a prétendu, lundi matin, se faire critique de théâtre (2) . Il tenait à parler d’une pièce inédite de boulevard qui se donnerait en ce moment à Paris, intitulée « Panique à l’Élysée  ». L’action en est toute simple même si les gags font dans l’outrance selon la loi du genre : l’histoire se passe dans un pays en crise économique où le peuple est appelé à des sacrifices tandis que les ministres se gobergent avec cynisme. 
 
Un pastiche de « Ruy Blas » ?
 
Toute ressemblance avec la vie politique française contemporaine ne serait, selon la formule, que le fait du hasard. Serait-ce un pastiche de la tragédie de Victor Hugo « Ruy Blas » ? On songe à cette sortie où le héros qui donne son nom à la pièce, invective les ministres qu’il surprend dans leurs conciliabules : « Bon appétit ! Messieurs ! Ô ministres intègres ! / Conseillers vertueux ! Voilà votre façon / De servir, serviteurs qui pillez la maison ! / Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure, / L’heure sombre ou l’Espagne agonisante pleure ! Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts / Que d’emplir votre poche et vous enfuir après. » (3)
 
Des scènes vaudevillesques de la vie politique française
 
Non, à l’énumération des récentes frasques des ministres français en exercice, malgré le rire forcé de l’humoriste, on rectifie aussitôt le contexte. On n’est pas dans un vaudeville comme annoncé, mais bien dans la sérieuse réalité crue de la vie politique française. M. Blanc, secrétaire d’État se fait payer par le contribuable 12.000 euros de cigares et quand il apprend que le Canard Enchaîné va en parler, il en rembourse 3.000. M. Joyandet, Secrétaire d’État à la Coopération et à la Francophonie, claque 116.500 euros de jet privé pour aller aux Antillles animer une conférence sur la recontruction d’Haïti et truque un permis de construire pour agrandir sa villa dans un site protégé. Mme Boutin, connue pour ses convictions religieuses rigoristes, se voit offrir 9.500 euros mensuels pour une mission sur les effets sociaux de la mondialisation. Le ministre de l’intérieur « fait des vannes racistes hyper-lourdingues  ». La secrétaire d’État à la ville loge sa famille dans son appartement de fonction. Enfin les ministres font le contraire de ce pour quoi ils ont été nommés.
 
 L’ironie sur l’ironie
 
Le raffinement de cette chronique de Stéphane Guillon est alors de faire de l’ironie sur sa propre critique ironique, comme deux poupées gigognes s’emboîtent l’une dans l’autre. Le prétendu vaudeville cesse bientôt d’en être un non parce qu’il s’agit de scènes de la vie politique française, mais parce que, selon l’humoriste, les gags deviennent invraisemblables. L’exemple qui, dit-il, l’a fait « décrocher » pendant le spectacle, c’est l’histoire de cet ancien ministre du budget, chargé en principe de combattre la fraude fiscale, dont l’ épouse pendant ce temps-là travaillait pour une milliardaire soupçonnée d’évasion fiscale. « Même un vaudeville, proteste-t-il, il faut que ça reste plausible  ».
 
Et l’auditeur de traduire ce que Boileau avait déjà perçu : « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable ». La réalité dépasse la fiction, renchérit une expression courante. Il arrive, en effet, que l’indécence d’un certain personnel politique soit telle que même l’outrance du vaudeville est outrepassée. Il faut dire que la pièce se passe en plus pendant une certaine Coupe du monde de football où l’équipe nationale par sa prétention, son cynisme et sa nullité est vue comme une « allégorie du gouvernement ».
 
C’est alors qu’est assénée la dernière pointe ironique : le critique voit en fait dans cette « pièce très noire » ni plus ni moins qu’ « une tragédie ». L’ambiguïté du mot permet enfin à l’humoriste et à son auditeur de se rejoindre et de s’entendre car le sens théâtral et le sens existentiel du mot « tragédie » s’appellent pour exprimer ensemble le même malheur des hommes.
 
On aimerait que Stéphane Guillon reste surfer à l’avenir sur ces cimes de l’esprit. Mais il a annoncé, ce matin, sa probable éviction de France Inter à la rentrée. Il l’a apprise élégamment par un magazine à qui son patron, Philippe Val, a choisi de se confier en priorité, en bon ancien humoriste qu’il est. Paul Villach
 
(1) Paul Villach, « DSK « dynamité » par Stéphane Guillon sur France Inter, « façon puzzle » : méchanceté ou critique légitime ?  », AgoraVox, 23 fvrier 2009.
(3) Victor Hugo, « Ruy Blas  », scène 2, acte III

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21 réactions à cet article    


  • french_car 22 juin 2010 11:26

    Oui bon la relecture du Canard Enchainé par Stéphane Guillon, est-ce vraiment ça qu’on attend de lui ?

    Et la reprise sur AV par Popaul de la relecture par Guillon du Canard ça sent vraiment le réchauffé.


    • Traroth Traroth 22 juin 2010 12:31

      Vous avez lu « Canard enchainé » dans l’article, et hop, le sketch de Guillon est une reprise du Canard enchainé ? Mais faut apprendre à lire, mon vieux !


    • french_car 22 juin 2010 15:08

      En tout cas l’article de Popaul en est une reprise.


    • Lorenzo extremeño 22 juin 2010 12:01

      Eh ben ! nous aurons été une tripotée ici á en faire de l’ironie sous toutes ses formes
      depuis des mois çá n’aura sans doute pas servi á rien, nous aurons au moins
      aidé Villach á comprendre á quoi çá sert !
      comme quoi il ne faut jamais désepérer ! il n’en á jamais fait preuve dans le moindre
      de ses commentaires en réponse aux nôtres...tordant !

       smiley smiley smiley


      • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 juin 2010 12:38

        Fabuleux ....



          • Pyrathome pyralene 22 juin 2010 13:19

            Guillon , quand il ne sombre pas dans le vulgaire, a le talent de l’ironie, certes, mais la palme revient surtout à cette clique au pouvoir, ils sont bien meilleurs que n’importe quel comique troupier ....c’est du pain béni pour les humoristes !!


            • Traroth Traroth 22 juin 2010 14:12

              Si tout ça ne se faisait pas à mes frais (entre autres contribuables), je rirais moins jaune, cela dit...


            • Pyrathome pyralene 22 juin 2010 14:56

              Effectivement, de l’humour jaune, voire noir en ce qui concerne Obama, la crise et BP......
              En fait, cela ne me fait plus rire du tout cette situation tragi-comique dans laquelle on baigne...
              - L’humour noir, c’est la politesse du désespoir. (Achille Chavée)


            • SEPH SEPH 22 juin 2010 13:47

              On est gouverné par des Tartufes. Ils se moquent de l’intéret général, seul leur intérêt personnel les intéresse.


              • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 juin 2010 14:31

                Le plus que j’ aime chez ces humoristes c ’est quand ils disent va te faire enculer , carrément c ’est absolument fabuleux comme humour .

                Ou alors pour faire de l’ esprit cette phrase « enculer vas te faire » 

                Inouï !

                Allez Guillon allez Guillon faisez nous encore rire .


                • Traroth Traroth 22 juin 2010 14:51

                  Oui, il n’y a que les morts qui sont drôles, pas vrai ? Ah, autrefois...


                • Meth 22 juin 2010 16:36

                  Ca critique, ca critique....
                  « Allez Guillon allez Guillon faisez nous encore rire »
                  Oh mon Dieu, « faisez » me choque, désolé mais avant de critiquer vaut mieux balayer devant sa porte...


                • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 juin 2010 17:07

                  l’ ot introduit de lui-même ,

                  le mot faisez le choque ,
                  à « va te faire enculer  » il a l’ air content ...

                  Sinon excellente analyse de Villach .

                  On attend le commentaire accoudé ....


                  • Pyrathome pyralene 22 juin 2010 20:02

                    Non, moi je suis poli, on devrait dire « va te faire mettre »....ton ami Pascal Navrant le savait parfaitement... smiley


                  • docdory docdory 22 juin 2010 23:49

                    Cher Paul Villach


                    Effectivement, j’avais bien rigolé en écoutant cette chronique ! Du Guillon comme ça, on en veut bien tous les jours, peut-être l’inspiration lui revient-elle par un inattendu miracle ?

                    • frédéric lyon 23 juin 2010 09:44

                      Le soldat Guillon roule pour une chapelle politique.


                      Laquelle ?

                      Allez, dites-le, je parie que vous l’avez sur le bout de la langue.

                      Et il vient juste de se faire virer. 

                      Parfait. 

                      Pourquoi ne pas instaurer le système des « dépouilles » en France ? Comme aux Etats-Unis : A chaque changement de Présidence, on change tous les responsables en fonction de leur appartenance politique DECLAREE.

                      Finalement c’est plus honnête que le système français où le non-dit règne en maître. 

                      Et c’est ce non-dit, cette hypocrisie générale qui fait que l’on peut caser des apparatchicks partisans jusque dans les médias, tout en prétendant que la Presse est libre, bien sûr.

                      Et hurler que la liberté de la Presse est menacée quand vos propres apparatchicks se feront virer ! 

                      Mais au fait, comment un média qui appartient à l’Etat pourrait-il être dégagé de toute inféodation politique ?

                      Qui peut croire ça ?

                      Ne serait-il pas plus clair de dire carrément que les « journalistes » de France Inter seront socialistes sous un Président socialiste et nationalistes sous un Président du Front National ?

                      Ce serait moins hypocrite.

                      Guillon était donc inféodé à une chapelle, comme le sont pratiquement tous les autres. 

                      Mais malheureusement pour lui ce n’est pas la chapelle politique au pouvoir aujourd’hui, alors qu’il assume donc maintenant son engagement politique.

                      Il reviendra quand les socialistes reviendront au pouvoir. Peut-être n’aura-t-il pas à attendre trop longtemps !

                      • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 23 juin 2010 09:58

                        Guillon viré. Officiel Le Monde.fr.


                        • jako jako 23 juin 2010 10:03

                          Peachy, il reste F Morel, Didier Porte, Morin , Mermet
                          J’attends tout de même la rentrée avec une certaine appréhension. smiley


                        • jako jako 23 juin 2010 13:57

                          Didier est parti aussi... on ira le voire au théatre tant qu’ils sont encore ouverts smiley


                        • L'enfoiré L’enfoiré 4 juillet 2010 17:23

                          PV,
                          Et un autre mail qui m’a demandé d’aller lire votre article.
                          En fait vous résumez très bien par ces mots (et ce n’est pas la première fois que je vous l’ai dit)
                          "On aimerait que Stéphane Guillon reste surfer à l’avenir sur ces cimes de l’esprit."
                          Ce n’est pas de Stéphane Guillon seul qu’il faut parler.
                          Il faut donner le temps au temps. Sortir un billet tous les jours, cela ne tient pas dans sa tour d’argent. Des Canteloup, par exemple, peuvent le faire, mais ils ont une équipe avec eux.
                          Vous aussi, cher PV, vous avez parfois quelque chose qui sort de l’ordinaire.
                          Malheureusement, vous vous entêtez à sortir une idée sans la creuser sur plusieurs jours comme si c’était du papier à musique.
                          Ecrire, c’est s’entourer de beaucoup de lectures diverses pour sortir du carcan de ses propres idées.
                          A votre âge (comme au mien), vous auriez dû en avoir un certain background.
                          Pour ce qui de Guillon, j’ai aimé celui-ci
                          Il fait d’ailleurs partie d’un de mes billets.
                           smiley

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