Un pauvre dans la ville...

C'est l'été finissant... Tout le monde se hâte dans la rue et vaque à ses occupations : courses, balades, lèche-vitrines.
L'air est léger, une ambiance de vacances, encore...
Je fais partie de ces passants qui profitent de ces derniers jours de l'été pour déambuler dans la ville et me rendre dans une librairie afin de choisir quelques livres.
Beaucoup de monde dans les rues, aux terrasses des cafés... on sent une joie de vivre, un besoin de goûter cette après-midi d'été, et de se détendre.
J'approche enfin de mon but : la librairie...
Et soudain, une vision étrange sur le trottoir : un être est assis sur le sol, la tête en bas, comme terrassé par la misère, le désarroi le plus total.
Un SDF est là, installé sur le trottoir, adossé à un caddie rempli de sacs en plastique...
Qu'a-t-il encore d'humain ?
Plus d'expression, plus de visage, plus de regard, il a l'air de dormir et de s'effacer peu à peu.
Ses jambes à demi dénudées dans son bermuda laissent voir des ulcères rougeâtres, ses pieds chaussés de sandales ne sont plus ceux d'un humain : les ongles démesurément longs et sales font pense à ceux d'un animal.
Il semble ne plus faire partie de notre monde...
Les gens passent, indifférents, pressés, gênés.
La vision est dérangeante : comment ne le serait-elle pas ?
C'est la confrontation de deux mondes parallèles qui s'ignorent.
Je n'ose même pas, moi aussi, le déranger, alors qu'il semble dormir.
Et je me rends dans la librairie où je passe un long moment à choisir des livres.
De retour dans la rue, le pauvre est toujours là : il s'est réveillé et je vois qu'il tient, dans ses grosses mains quelques menues piécettes.
Je dépose, alors, dans le creux de sa main une pièce de deux euros.
Soudain, le pauvre se redresse, me regarde, retrouve son humanité et prononce bien distinctement ces mots : "Dieu vous le rendra..."
Soudain, une voix bien distincte, un regard, un visage, une envie de communiquer, de partager...
J'ai vraiment l'impression d'être retournée au Moyen Age, dans un monde où règnent des inégalités criantes, la misère la plus totale.
J'ai vraiment l'impression d'être devant une scène qui appartient à une autre époque...
Plus loin, je suis soudain interpellée par un policier qui me demande de passer sur le trottoir d'en face, car un tournage a lieu dans la ville.
Effectivement, j'aperçois une caméra qui filme en travelling des monuments : toute une équipe de tournage s'affaire et les badauds observent de loin ce spectacle.
Me voici passée soudain du Moyen Age au XXI ème siècle...
Me voici revenue à une autre réalité de notre monde.
On tourne un film dans la ville : la modernité est là, palpable, évidente...
Et pourtant, je viens de vivre une scène digne d'une époque lointaine, une scène d'une grande violence...
Toute la misère du monde dans un seul être... et tout autour, un gouffre d'indifférence et d'insouciance...
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2017/09/un-pauvre-dans-la-ville.html
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