Un peuple trop intelligent
L’accoutumance me fait défaut. Je ne m'y fais pas.
Tout comme les grands froids ou les vagues de gastro, le boulangisme (ici féminisé par Marine Le Pen) fait invariablement son apparition en période électorale et se maquille des vertus patriotiques de rigueur - celles des gradés de St-Cloud, pas celles des troupes, certes.
Même décor, même scénario : Le "scandale" des 500 signatures manquantes, et les hurlements à l'anti-démocratie parce que des élus ne sont pas obligés par la loi à penser différemment de ce pourquoi ils ont été élus, en pleine transparence. Puis au final la victoire des signatures, aussi inattendue que la pub en fin de météo, dans le but de faire croire à l'électeur que l'on s'est bien battu, vu qu'au deuxième tour... Soit.
Mais voilà que cette plaisanterie (à but lucratif) sert de booster idéologique à une droite qui décline son désespoir électoral par des chants d'autrefois. Le Maurice Chevalier de la mauvaise période.
Et après des années de communication pour le moins équivoque, on finit par se laisser argumenter par ce gouvernement que la République serait une valeur élastique, que la France serait à l'image d'un échantillon datant de Charles VII (la pucelle, tout ça), et que si l'on est dans la mouise c'est parce que l'on ne boute pas assez l'étranger hors de nos frontières.
Notons qu'ici, on a évolué : Après les ritals et les polaks d'autrefois, après les youpins de Pétain, après les bougnoules des "évènements", on a enfin trouvé au bouc émissaire un nom correct. Ce nouveau nom, c'est "nombreux".
Car au fond, on ne reproche rien à l'étranger, et ce d'autant moins que c'est interdit par la loi. Seulement, quand il y en a plusieurs... On a juste simplifié le concept.
Petit, on met tes parents dehors parce que tu es nombreux. Et là, ça passe.
Et on oublie à quel point les ritals, les polaks, les youpins et les bougnoules étaient eux aussi "nombreux". Mais le rapprochement étant moins évident, on peut tranquillement violer la République dans l'ombre.
Et vous, êtes-vous nombreux ? Voyez, ça ne fait pas peur, l'essentiel est comme toujours de faire oublier l'individu.
Malgré les airs feutrés de ces déclarations ou de ces projets qui sentent (pardon qui puent) la peur, il y a une tendance qui est malheureusement irréversible.
La peur appelle la peur. La force appelle la force. Une population fliquée, pourchassée, ne peut plus aider la justice ni la police, et la lutte aveugle contre l'insécurité crée de l'insécurité.
La chasse au clandestins, en privant ceux-ci du droit de témoigner sans risque, multiplie les situations de crimes ou de délits non résolus. Où ça ? Là où sont les clandestins, chez les pauvres, pardi.
Plus le pouvoir se durcira, plus les violences augmenteront, et plus l'électeur se tournera vers un pouvoir autoritaire. C'est un cercle vicieux que notre pays a connu. Y a-t-il eu moins de crimes de droit commun sous la terreur de l'occupation ? Bien sûr que non. Et pourtant, côté flicage...
Rien ne nous met à l'abri d'un pouvoir totalitaire, ni le web, ni le portable, ni rien qui ne nous mette en réel danger. Voyez la Hongrie.
Il ne faut pas mettre le doigt dans cet engrenage, ne pas surestimer notre époque, admettre un fois pour toutes que nous ne sommes pas plus malins que nos aïeux.
Cessons d'être trop intelligents.
Essayons de l'être juste un peu.
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