Un poème pour le 5 mai...
Je retrouve ici notre enfance commune, celle des poèmes que nous récitions ou que nous écrivions à l'école. Ces moments que j'adorais, que j'attendais, le cœur battant,(pourvu que je sois interrogée !), ce plaisir qu'il y a à dire de beaux mots, musique qui nous accompagne toute notre vie.
Tous ces vers qui sont dans ma tête…
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis, voici mon cœur qui ne bat que pour vous
(Verlaine à Mathilde.)
Marie, qui voudrait votre nom retourner, il trouverait aimer
Aimez-moi donc Marie …
Ou
Ma plume sinon vous ne sait autre sujet,
Mon pied sinon vers vous ne sait autre voyage,
Ma langue sinon vous ne sait autre langage,
Et mon oeil sinon vous ne connaît autre objet.
(Ronsard. Amours de Marie)
Sans oublier la fin magnifique de « Booz endormi » qui ravissait mon âme romantique :
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
(Victor Hugo-Les contemplations)
Mais on y passerait une nuit à murmurer :
Vers une mer, au loin, nouée au ciel perdu.
(Eluard)
Ou :
J’ai retrouvé Quoi ?
L’éternité !
C’est la mer
Allée avec le soleil !
(Rimbaud)
Quel plaisir, quand ces vers, qui ne nous quittent jamais, vers luisants de nos nuits humaines, clignotent tout à coup, sans même que nous les appelions, pour nous dire que nous sommes enfants de la beauté et de langue française, car rien ne vaut la splendeur et l'énergie d'une langue natale que chacun doit défendre de toutes ses forces. Le globish pour globisher, le français, notre âme éternelle, pour toucher aux racines de nos vies infinies.
J'écris des pièces de théâtre, le dialogue est ce qui m'est le plus facile, des romanś dont la construction est toujours une rude complexité, mais pas de poème. C'est un talent que je n’ai pas. Le génie de la poésie est fulgurant. On est foudroyé ou on le n’est pas.
C'est donc très humblement que j'ai relevé le défi suivant.
Comme je demandais, sur le blog de Jean-Luc Mélenchon, le fameux « french pittbull poetry lover », comme l’avait appelé le Guardian , quel poème serait celui qu'il choisirait pour la marche du 5 mai, quelqu’un répondit avec humour qu'un poème de « Joachim du Balai » serait parfait !
Je me suis alors souvenue de ce chef-d’œuvre de la langue française : « Heureux qui comme Ulysse… » Chef d'œuvre par la perfection d'un accord entre le fond et la forme, la simplicité de l’art et l'émotion des sentiments.
Du Bellay, adorateur de la Rome antique, avait tant rêvé de cette ville et, cruelle déception n'avait découvert, lors de son séjour, que le marigot d’une cour papale.
Regrets donc...
Mais lisons ensemble :
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine
(Joachim du Bellay. Les regrets.)
Ce poème est un sonnet composé de 14 alexandrins. Deux quatrains et deux tercets. Les rimes sont disposées embrassées (abba abba) pour les deux premiers quatrains, puis suivie (cc) et embrassées (deed) pour les deux derniers tercets. La règle qui veut que les deux premiers quatrains aient les mêmes rimes est aussi respectée dans « El desdichado » de Nerval, mais elles sont croisées. (abab, abab)
Je suis le ténebreux, le veuf, l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie
Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé
Et la treille où le pampre à la rose s'allie
Elle ne l'est pas dans « Correspondances » de Baudelaire où les rimes sont classiquement embrassées. (abba, abba)
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
La puissance de la poésie vient surtout d'une alliance musicale entre différents sons. « De la musique , avant toute chose. » (Verlaine) Il y a un tissage interne qui va bien au-delà de la rime. Ainsi, l'assourdissement des nasales : lONg, confONdent, profONde s’oppose à l'éclat des A : vAste/ clArté.
Je sais analyser la poésie, j'en jouis infiniment. Je suis habitée par le rythme de l’alexandrin, je peux parler en alexandrins sans faire de fautes, mais mon talent s'arrête là. Car la poésie, la grande poésie, flotte, inaccessible, au-dessus de nos têtes.
Mais je sais inventer des poèmes de circonstance.
Voici celui, signé « Joachim du Balai » que je dédie à cette journée à laquelle je souhaite de tout mon cœur, de tous mes vœux, la plus belle réussite possible, celle de l'éveil, celle du courage, celle de la volonté d'agir pour le bien commun.
Heureux qui, pour l'Humain, mène un rude combat,
Et ne perdant jamais ni espoir ni courage,
Sur le livre du temps sait écrire la page
Où triomphent l'amour, le partage et la joie.
Heureux ces peuples d'or dont parleront les mythes,
Qui, ayant découvert l'ennemi silencieux
Qui détruisait leurs vies sous des noms fallacieux,
Soudain se sont levés, créant de nouveaux rites.
Plus leur plaît la douceur d'une marche tranquille
Que l'orgueil des palais et des ors inutiles,
Plus l'amour du prochain que la rapacité,
Plus l'espoir partagé que la haine qui blesse,
Plus la simplicité que le goût des richesses
Et plus que l'abandon, la tendre humanité.
(Joachim du Balai)
Je joins ce cadeau pour tous à toutes les inventions de mes camarades, chansons , slogans, banderoles, bannières, musiques, chacun se préparant pour une fête commune.
Rendez-vous tous le 5 mai à 13h30 place de la Bastille !
Pour une sixième république, pour une constituante, pour une marche unie des citoyens de notre grand pays, pour un monde nouveau qui frémit dans tous les pays du monde !
Nous, témoins de cette histoire qui se lève devant nous, comment pourrions-nous ne pas dire qui nous sommes, ce que nous voulons, pour l’honneur de nos ancêtres et de nos enfants, tous unis dans cette poésie de la vie qui est , au-delà des mots, celle d’une belle journée, de la beauté d’un ciel , de l’unité d’une humanité qui a un destin au-delà des égoïsmes, des horreurs et des guerres.
Humain ! Ce mot a un sens !
Pour le défendre, venez !!
Venez !!
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