Un politique face au Sida et à l’Euthanasie
Jean-Luc Roméro est un politique plutôt atypique. De droite, ancien secrétaire général adjoint de l’UMP, Conseiller régional d’Ile-de-France, Vice-président du CRIPS Ile-de-France, Membre du Conseil national du Sida, il a révélé à la fois son homosexualité et sa séropositivité. Désormais très engagé dans la vie associative, il est président de l’ADMD et d’une association d’élus contre le Sida, l’ELCS. Je l’ai rencontré il y a quelques jours pour une longue interview dans laquelle il a accepté de parler d’euthanasie, de Sida et de politique.

Cette rencontre a été à la fois passionnante et longue. Au final, l’exercice a duré près de deux heures et demi. Comme je n’ai pas voulu pratiquer de coupes en raison de l’intérêt évident -pour moi au moins - de la parole de M. Roméro, j’ai proposé à Agoravox de découper ce très long papier en trois blocs distincts afin de vous permettre une bonne lecture.
Je reviendrai dans cet article sur la partie politique de l’interview. Mais la rencontre avec Jean-Luc Roméro a en fait démarré sur le sujet grave de l’euthanasie. L’ADMD qu’il préside est une association qui se bat depuis 28 ans pour les droits des malades et la légalisation de l’euthanasie. Parler de ce sujet est compliqué tant il véhicule de peurs, de prises de positions essentielles, de questions morale et ethiques. Pourtant, Jean-Luc Roméro ne s’est à aucun moment dérobé à l’exercice. Vous trouverez la transciption de notre entretien sur ce sujet en cliquant ici.
Nous avons ensuite abordé un sujet tout aussi sérieux, le SIDA. Cette épidémie n’est plus récente, le SIDA s’est durablement implanté dans nos vies et nos sociétés modernes. Pourtant, la maladie est elle aussi sujette à de nombreuses polémiques. Le HIV n’est pas un virus comme les autres, du moins aux yeux de - trop nombreux ? - hommes et femmes. Pourquoi ? Parce qu’est une maladie sexuellement transmissible ? parce qu’elle a commencé par toucher les gays et se trouve encore avec une connotation "homosexuelle" ? Là encore, nous avons fait le point sur la maladie et les discriminations qu’elle continue à engendrer. La transcription de cette partie de l’interview se trouve ici.
Nous avons enfin abordé le domaine de la politique par le prisme de ces deux sujets de société majeurs. j’avoue avoir eu, au premier abord, des scrupules à faire cette partie de l’interview. Je n’avais pas demandé à Jean Luc Roméro de le rencontrer pour parler politique, je voulais faire un papier sur ces deux sujets de débats que sont la fin de vie et le Sida. Pourtant, il était impossible de ne pas en parler, même brièvement. Et, vous allez le constater, Jean-Luc Roméro a là encore livré le fond de sa pensée. Interview.
Sur les sujets comme l’euthanasie ou le SIDA, comment réagit la France du président Sarkozy ?
La situation est contrastée. Si la classe politique est très frileuse sur ces sujets, la société civile est beaucoup plus ouverte d’esprit. Par exemple, entre 80% et 91% des Français seraient favorables à l’euthanasie, selon un récent sondage. Concernant les homos, le Journal du Dimanche a fait paraître un sondage à la veille de la dernière gay-pride qui montre que 60% des français sont favorable à l’accès au mariage des couples homosexuels. Mieux encore, pour la première fois, ce même sondage révèle qu’une majorité, 51%, se prononce pour l’ouverture du droit à l’adoption.
Nous vivons donc un véritable décalage politique entre une classe dirigeante et le peuple. Cela est sans doute du au mépris que ressentent nombre de politiques pour ces questions sociétales. Ils sont beaucoup plus intéressés par les questions économiques et de politiques internationales. C’est paradoxal quand on sait que les questions économiques sont en grande majorité étudiées et décidées à Bruxelles, en Conseil des Ministres ou au sein de la Commission. Ces questions sociales sont, elles, purement du ressort national, donc le terrain naturel de l’action politique à cet échelon.
Les choses peuvent-elles bouger d’ici 2012 ?
On ne peut attendre aucune impulsion de la part de la classe politique. En revanche, le pouvoir réagit très fortement et rapidement à l’émotion populaire. L’opinion publique est donc la seule à pouvoir faire avancer ces sujets.
Dans ces combats, où sont vos alliées politiques ? A gauche ? A droite ?
La gauche est traditionnellement plus à l’écoute sur ces sujets mais la droite, avec Jacques Chirac notamment, a beaucoup fait évoluer les choses sur le SIDA. Que ce soit pendant son second passage à Matignon avec Michèle Barzach qui se battra pour la mise en vente libre de seringues, les préservatifs à 1 franc, ou pendant ces deux mandats de chef d’état, le SIDA a été « grande cause nationale » en 2005, Jacques Chirac s’est beaucoup battu sur le SIDA et a largement contribué aux progrès de la prévention.
Avez- vous des alliés au gouvernement ?
J’ai des amis au gouvernement, qui me soutiennent personnellement, mais sur le plan de la communication publique, c’est la partie la plus conservatrice du gouvernement qui se fait entendre.
Vous parlez de Christine Boutin ?
Il y a une crainte de Christine Boutin que je ne m’explique pas. Son influence est sans commune mesure avec la petite frange de l’électorat, 1 ou 2%, qu’elle représente. Elle se targue d’avoir fait évoluer Nicolas Sarkozy sur le thème de l’euthanasie, par exemple.
Roselyne Bachelot a été récemment chahutée au festival Solidays (voir la vidéo sur Dailymotion). Que cela vous inspire-t-il ?
Roselyne Bachelot est une amie personnelle. Elle est très concernée par le SIDA, y compris personnellement, ce n’est pas un secret. J’ai comme l’impression qu’elle paie malheureusement d’un point de vue politique les orientations gouvernementales en matière de santé, sur les franchises médicales ou le dé remboursement de certains médicaments, qui sont des mesures contre les malades.
J’entends régulièrement dire que 60% des dépenses de santé en France sont dues aux affections de longue durée et que ce pourcentage allait peut être passer à 80%. Quoi de plus normal ! Ce n’est pas quand on est en bonne santé qu’on a besoin de cette solidarité qu’est la sécurité sociale ! Il est nécessaire de sanctuariser les dépenses de santé, elles sont l’expression de la solidarité nationale. Cela dit, les gens n’ont sans doute pas réalisé au moment de la campagne électorale, mais cette politique avait été annoncée.
Où en sont les budgets consacrés au SIDA en France ?
La France a une politique très généreuse sur le SIDA. L’accès au traitement est universel, personne n’en est exclu, y compris les sans papiers. Le dépistage est très facile d’accès, la prévention est largement financée. Les budgets ne sont pas en baisse, mais ils ont été stabilisés. Comme le SIDA touche de plus en plus de personnes, moins d’argent est donc consacré par personne.
Le fond du problème est que le discours public sur le SIDA a disparu. Roselyne Bachelot est seule.
Votre coming out, tant sur votre sérologie que sur votre sexualité, a-t-il fait bouger les lignes au sein de l’UMP ?
L’UMP a évolué sur la forme avec un discours plus sensibilisé sur le SIDA et l’homosexualité, mais les choses n’ont pas vraiment changé sur le fond. Il y a une peur de perdre l’électorat conservateur donc Mme Boutin est mise aux responsabilités, mais l’UMP essaie en même temps d’attirer les bobos et les jeunes, d’où l’entrée de Mme Bachelot au gouvernement. On commence cependant à arriver aux limites de l’exercice de grand écart. Les difficultés de Roselyne Bachelot en sont un signe flagrant.
Propos recueillis par Manuel Atréide
Illustration : Jean Luc Roméro
Crédit photo : Franck Laguilliez
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