Un pouvoir horizontal comme horizon
Un espoir immense est en train de réveiller la France. Les Gilets Jaunes, ce mouvement de grogne populaire parti du "bas", ont conquis les coeurs des français, qui se reconnaissent presque tous en eux, et sont en train de faire trembler le pouvoir en place, qui ne contrôle plus grand-chose et commence à paniquer.
En se réunissant sans conditions pour lutter contre un ennemi commun et pour le bien commun, des adversaires irréconciliables d'hier sont devenus des alliés indispensables. L'impensable s'est produit : des royalistes défilant avec des trotskystes, des cocos, des nationalistes, des anarchistes, des gens apolitiques, de droite, de gauche, du centre, frontistes et insoumis se faisant tabasser ensemble pour la première fois. Il a fallu pour ça laisser son idéologie au vestiaire. Et ça marche ! Le peuple a soudain pris conscience de sa force lorsqu'il n'était plus clivé et qu'il se focalisait contre le seul véritable ennemi : le pouvoir censé le représenter qui en fait le trahit perpétuellement.
Cette belle union est néanmoins fragile, et même si nous obtenons la chute de Macron, elle volera en éclat au moment de sa succession, et on se fera à nouveau baiser la gueule par des "représentants".
À moins que...

Cette union improbable est rendue possible par une rage commune. 3 quinquennats successifs de trahisons, reniements, abandons et mépris assumés du peuple français par ses représentants ont mené à cette situation unique dans l'histoire de la Ve. Contrairement à mai 68, où des étudiants réclamaient plus de droits individuels, c'est aujourd'hui l'ensemble de la société qui veut retrouver des droits collectifs. Nuance de taille expliquant en partie comment des gens censés se détester ont pu accepter de lutter ensemble.
Tant qu'on lutte "contre", et vu l'ampleur que ça prend, cette unité de façade tiendra.
Mais même si on obtient la destitution de Macron, se posera le problème de la suite. Que se passerait-il ? Gouvernement de transition, présidentielles anticipées ? Et les mêmes politiciens professionnels reprendront le pouvoir dans l'année qui suit... Quel intérêt ?
Les GJ ne pourront pas former un parti, car les idéologies des différentes factions qui les composent sont trop opposées et ne supporteront pas de compromis. Pas de leader commun possible, pas de vision politique commune, en dehors de l'intérêt général, qui est effectivement le même pour tous.
Pourtant, il me semble que ce mouvement porte en lui-même la solution à cette épineuse question : depuis le début, toute l'organisation s'est faite de manière décentralisée (régions) et relativement démocratique (votes locaux et décisions sur les réseaux sociaux), ce qui a permis de contenter les uns et les autres, pour ne focaliser que sur ce qui rassemblait et éviter tout ce qui clivait. Personne n'a pris le pouvoir, tout se décide depuis la base, ce qui rend les décisions communes légitimes.
Pourquoi ne pas garder ce fonctionnement pour l'organisation du pouvoir ?
Si une des faction s'empare du pouvoir, les autres la combattront. Mais si toutes les factions participent au pouvoir, tout le monde devient légitime et responsable dans un cadre décisionnel commun. Et pour effacer les rivalités entre "factions", quoi de mieux que d'engager la responsabilité politique de chaque citoyen dans le vote des lois. La majorité décide, et basta.
Une vraie démocratie directe est aujourd'hui techniquement possible et potentiellement réjouissante, pourquoi diable vouloir continuer à donner notre pouvoir politique à des représentants qui n'ont fait que nous trahir depuis 200 ans ? Sommes-nous naïfs ou masochistes de croire qu'une élite servirait le bas peuple de son plein gré ? Avons nous oublié que la nature du pouvoir est de corrompre, même les coeurs les plus purs (si tant est qu'une telle chose existe) ?
La fin de la représentation en politique me paraît être la seule solution pour éviter les clivages et agir en tant que peuple, avec toutes nos diversités au service de l'intérêt général.
Arrêtons de croire en un sauveur ou dans des idéologies qui ne nous mènent nulle part, croyons en nous ! On y arrive apparemment pour péter ce qui existe, il faut maintenant y arriver pour construire ce qui n'existe pas encore.
Et si nous y arrivions se poseraient encore plus de questions vitales : la structure de la monnaie et sa création par la dette qui nous asservit, la souveraineté abandonnée à l'UE et les règles abberrantes qui nous sont imposées par des puissances financières ou étrangères, la main-mise sur tous les médias par dix oligarques, etc, etc...
On n'en est pas encore là, bien sûr, mais il serait bon d'y réfléchir avant que la question ne s'impose :
Quelle type de société veut-on construire tous ensemble malgré nos différences ?
Sans une réponse unitaire crédible et porteuse d'espoir, le mouvement ne pourra pas déboucher sur une vraie révolution et ne restera qu'une contestation de plus, remarquable certes, mais destiné au délitement et au final sans conséquences à long terme sur la structure verticale du pouvoir, qui EST le problème selon moi. Si on ne les renverse pas cette fois-ci, ils se renforceront pour la fois d'après et mettront les bouchées doubles pour que ça ne puisse plus arriver.
La goutte de diesel qui a fait déborder la vase n'est même plus au coeur des 42 revendications "officielles" des GJ, on peut donc penser à priori qu'un rétro-pédalage du pouvoir sur cette goutte ne servira plus à rien.
Nous allons voir cette semaine avec leur petit moratoire de dernière minute si on parle bien d'une révolution ou si finalement, ce n'est qu'une jacquerie qui peut être calmée en lançant deux-trois miettes de pain, comme ils ont l'air de le penser... Moi je parie que non.
Suite du feuilleton samedi prochain : l'épisode s'intitule "aux armes citoyens".
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