Un président « eugéniste » ? Quand le politique se met à parler au nom de la biologie
Le cadavre du Dr Alexis Carrel bouge encore...
Ce qui est actuellement en cause dans
les réactions autant mesurées qu’éclairées aux récentes convictions
formulées par M. Nicolas Sarkozy dans le numéro d’avril 2007 de la
revue Philosophie Magazine aux termes desquels la pédophilie comme le
suicide de 1300 adolescents par an en France seraient, selon lui,
d’origine génétique, c’est tout simplement le fait que l’intéressé
n’hésite pas à se faire le héraut d’un rêve déterministe consistant à
établir par la description anatomique ou anatomo-fonctionnelle, une
relation simple, linéaire, permanente entre des gènes, des cellules,
des circuits et des comportements.
Voici donc qu’après avoir proposé un cahier de suivi des troubles de conduite des enfants à partir de l’âge de trois ans, M. Sarkozy nous invite à être les spectateurs d’une nouvelle escroquerie intellectuelle qui se traduit par l’instrumentalisation de certains faits scientifiques et le surgissement d’une tentative insidieuse et perverse d’une nouvelle validation des préjugés sociaux (Hervé Chneiwess, Le "meilleur des mondes " de M. Sarkozy, Le Monde, mercredi 11 avril 2007, Débats, p. 21. Directeur du laboratoire plasticité gliale du Centre Paul-Broca, M. Chneiwess est aussi le rédacteur en chef de la revue "Médecine/Sciences" ).
Réagissant aussi à cette très inquiétante prédestination biologisante, Pierre Beckouche, professeur à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, décrit de quelle manière, "érigés en panacée, l’ordre et la limite physique, celle des barbelés, des coups de matraque, de la médication et peut-être demain de la manipulation génétique, deviennent la solution à tous les problèmes, y compris lorsqu’ils n’ont strictement rien à voir avec la perversion - comme par exemple l’hyperactivité des enfants de trois ans et la prévention de la délinquance." (Pierre Beckouche, L’humanisme de la gauche est critiquable mais moins dangereux que la vision génétique défendue par Nicolas Sarkozy. Déviances : face aux gènes pédophiles", la rédemption éducative, Libération, Jeudi 12 avril 2007, Rebonds, P. 28).
Docteur en psychopathologie et psychanalyste à Bordeaux, M. Rodolphe Adam montre enfin à son tour que si une "objectivation croissante de la souffrance humaine est bien en marche sous les oripeaux de la science, cette perversion a une visée politique : faire taire le sujet et maintenir la ségrégation, puisque le gène y constitue ce Graal explicatif de la dysharmonie humaine, du désordre social, de toutes les tares du sujet parlant." (Rodolphe Adam, Ses déclarations sur l’inné acccréditent l’idée fausse mais rassurante que tout serait génétique. L’étrange et dangereuse "inclination" de Nicolas Sarkozy, Libération, Jeudi 12 avril 2007, Rebonds, PP. 28-29.
Comment dès lors ne pas nous inquiéter
de voir un ancien ministre de l’Intérieur , candidat à l’élection
présidentielle, qui a verrouillé le pays dans un appareil de contrôle
civil et pénal particulièrement menaçant, (loi du 17 juin 1998 créant le
fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) et lois de sécurité intérieure
du 18 mars 2003 et Perben du 2 mars 2004 qui ont successivement étendu le
champ des personnes fichées), nous conduire vers les horizons mêlés du Meilleur des Mondes d’Huxley, de 1984 d’Orwell, de Minority Report et de Bienvenue à Gattaca ?
http://arbredespossibles2.free.fr/SF/MinorityReport.htm
http://sfstory.free.fr/films/bienvenueagattaca.html
Les propos qui suivent ont été écrits voici désormais 72 ans par une gloire scientifique de l’époque, mondialement connue et célébrissime, lauréat du prix Nobel de physiologie et de médecine en 1912 : Alexis Carrel, auteur de L’homme, cet inconnu, best-seller tiré à des millions d’exemplaires.
Les propos du Dr Carrel étaient dans l’air du temps, dira-t-on pour l’excuser.
Aujourd’hui, c’est bien parce que les propos de M. Nicolas Sarkozy sont eux aussi dans "l’air du temps" et qu’ils suscitent un écho désagréable qu’ils sont dangereux et qu’il convient des les récuser, tant qu’il en est encore temps, au même titre que leur auteur.
"Pourquoi la société ne disposerait-elle pas des criminels et des aliénés d’une façon plus économique ? écrit le Dr Carrel. Elle ne peut pas continuer à prétendre discerner les responsables des non-responsables, punir les coupables, épargner ceux qui commettent des crimes dont ils sont moralement innocents. Elle n’est pas capable de juger les hommes. Mais elle doit se protéger contre les éléments qui sont dangereux pour elle. Comment peut-elle le faire ? Certainement pas en bâtissant des prisons plus grandes et plus confortables. De même que la santé ne sera pas améliorée par la construction d’hôpitaux plus grands et plus scientifiques. Nous ne ferons disparaître la folie et le crime que par une meilleure conaissance de l’homme, par l’eugénisme, par des changements profonds de l’éducation et des conditions sociales. Mais, en attendant, nous devons nous occuper des criminels de façon effective. Peut-être faudrait-il supprimer les prisons. Elles pourraient être remplacées par des institutions beaucoup plus petites et moins coûteuses. Le conditionnement des criminels les moins dangereux par le fouet, ou par quelque autre moyen plus scientifique, suivi d’un court séjour à l’hôpital, suffirait probablement à assurer l’ordre. Quant aux autres, ceux qui ont tué, qui ont volé à main armée, qui ont enlevé des enfants, qui ont dépouillé les pauvres, qui ont gravement troublé la confiance du public, un établissement euthanasique, pourvu de gaz appropriés, permettrait d’en disposer de façon humaine et économique. Le même traitement ne serait-il pas applicable aux fous qui ont commis des actes criminels ? Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l’individu sain. Les systèmes philosophiques et les préjugés sentimentaux doivent disparaître devant cette nécessité. Après tout, c’est le développement de la personnalité humaine qui est le but suprême de la civilisation."
Alexis Carrel, L’homme, cet inconnu, Paris, Plon, 1935, pp. 388-389.
Encore un morceau de sucre dans le café ?
« Beaucoup d’immigrants, on le sait, ont été admis en France. Les uns sont désirables, les autres ne le sont pas. La présence de groupes d’étrangers indésirables du point de vue biologique est un danger certain pour la population française. La fondation se propose de préciser les modalités d’assimilation des immigrants afin qu’il devienne possible de les placer dans des conditions appropriées à leur génie ethnique. Elle procède actuellement au dénombrement et à la localisation de certaines catégories d’entre eux, surtout des Nord-Africains, des Arméniens et des Polonais. Elle étudie, en particulier, la population arménienne d’Issy-les-Moulineaux. »
Extrait du rapport d’activité de l’équipe "Biologie de la lignée", publié en 1943 dans les Cahiers de la fondation. Il s’agit de la « Fondation française pour l’étude des problèmes humains » dont le Dr Alexis Carrel était le "régent". Cette équipe était chargée d’enquêter sur la « qualité biologique » des familles immigrées de Paris et de sa banlieue à l’époque même où s’organisait la déportation à Drancy.(Source : Patrick Tort, L’affaire Carrel, sur la question de l’eugénisme, Le Monde Diplomatique, Archives, juin 1998). http://www.monde-diplomatique.fr/1998/06/TORT/10609.html
Nous savons aujourd’hui ce qu’il advient lorsque le politique se met à parler au nom de la biologie...
Il ne faudra donc pas dire que "nous ne savions pas."
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