Un problème ? Hop, une petite loi !

En France, le Parlement légifère, les Ministres signent les décrets d’application (pas toujours) et les Ministères publient des circulaires d’application, et autres protocoles. C’est dire, si de l’intention première (pas toujours très claire), jusqu’à l’application du texte, il y a de la complexification et de la déperdition en ligne, sources d’incompréhension.
Pourquoi fait-on une loi ?
Au départ il s’agit d’un texte destiné à organiser la République au sens le plus large du terme. Le domaine est vaste et noble et on pourrait penser qu’on ne fait pas une loi pour le plaisir, en raison des circonstances ou pour flatter telle ou telle catégorie de population, mais beaucoup d’exemples sont là pour nous rappeler que la loi et le règlement répondent également à des objectifs moins nobles de communication politique et lorgnent souvent du côté des prochaines échéances électorales. Se pose également la question des moyens mis en œuvre pour l’application des lois ou, plus subtil, les économies de moyens induits.
Quelques exemples récents
Il y a quelques années on a légiféré sur la prostitution en pénalisant les clients, ce qui a été une manière de communiquer sur le sujet, sans s’attaquer au problème de fond, c’est-à-dire l’exploitation humaine. Le résultat aujourd’hui, c’est que la prostitution est beaucoup moins visible dans les endroits publics, mais qu’elle est désormais cachée dans des appartements et organisée par des réseaux qui utilisent les moyens modernes des réseaux sociaux pour attirer le client.
On est en train de faire la même chose avec la drogue, au travers « d’une expérimentation » visant à pénaliser le consommateur avec une forte amende, ce qui permet à la police de ne plus investir dans les procédures longues et inefficaces, ce qui permettra sans doute au Ministre de l’intérieur de « redéployer des moyens humains », autrement dit de faire des économies de personnel. Côté trafiquants, rien ne change, et les lieux de trafics connus ne seront pas plus inquiétés, parce qu’il faut bien l’avouer, sans l’économie parallèle du trafic de drogue, des émeutes de la faim éclateraient dans les quartiers. Les dealers se sont organisés à cette nouvelle donne et proposent déjà des services en ligne de livraison à domicile.
On pourrait aussi parler de la fameuse loi Avia qui a été retoquée par le Conseil Constitutionnel, au nom de la liberté d’expression, dans laquelle on voulait obliger les réseaux sociaux, sous peine d’amendes lourdes, à supprimer les propos haineux sans leur caractérisation préalable par un juge. Il s’agit ici d’une méconnaissance crasse par les parlementaires des dispositions constitutionnelle sur la liberté de la presse.
Faire du bruit, de la communication politique, faire à minima, le moins cher possible sans régler les questions de fond, telles sont les objectifs qui animent et occupent le législateur et l’exécutif.
Les chantiers en cours au Parlement
Deux textes méritent qu’on s’y arrête :
La proposition de loi sur la sécurité globale présentée par deux députés de la majorité et ardemment soutenue par M. Darmanin pour ce qui concerne le fameux article 24 relatif à la diffusion « malveillante » des photos et des identités des membres des forces de l’ordre en action, qui est une évidente atteinte à la liberté de la presse. Après avoir parcouru ce texte jargonneux, on en arrive à dire que l’objectif principal était de répondre à des policiers « border line » soucieux d’avoir les mains libres lors des opérations de maintien de l’ordre, et ainsi limiter les saisines de l’IGPN qui a pourtant fait tout son possible pour éviter des désagréments aux cogneurs et autres délinquants qui ternissent l’image de la police (dissolution en cours de la Compagnie de Sécurisation et d’Intervention de la Seine-Saint-Denis). Sans cet article 24, cette proposition de loi, n’aurait été qu’un aimable rapport rédigé par un énarque stagiaire du Ministère de l’Intérieur.
La loi tant attendu sur les séparatismes qui au passage est devenue « Loi confortant les principes républicains » ce qui en dit long sur la volonté de ne pas trop froisser nos chers clients commerciaux du moyen orient. Comme d’habitude il s’agit d’un texte modifiant d’autres textes, composé de 57 articles sur 32 pages gravant dans le marbre de la loi de biens nobles intentions dont on peut de demander quels seront les moyens supplémentaires dédiés à leur respect, autrement dit leur efficacité. Par contre, rien sur les mesures destinées à soutenir les enseignants dans leur quotidien en particulier pour l’enseignement des matières refusées par les extrémistes religieux. On attend simplement que les délits de mise en danger de la vie d’autrui ou d’usage de menaces de violence et d’intimidation d’un agent public, soit constitués, autrement dit, si on observe les facultés limitées de certains à se conformer à notre droit, une fois le coup de couteau ou de hache donné et le crime commis.
Au final, la « garantie des principes républicains » annoncé en titre, ne permet absolument pas aux enseignants de délivrer les savoirs prévus par les programmes et il faut s’attendre à une édulcoration importante de ces programmes à l’avenir. Ce texte est donc contre-productif.
A qui profite le crime ?
La liste est longue des lois de circonstances destinées à calmer le bon peuple et les oppositions politiques souvent prêtes à la surenchère. Certes, certaines lois, dans la longue liste de celles concernant le terrorisme, produisent leurs effets en matière de renseignement en évitant des drames, mais d’autres textes portant organisant des services de l’Etat sont sujets à caution. L’exemple le plus frappant en période de Covid est l’organisation des administrations de Santé en France qui n’a pas fait preuve de la meilleure des anticipations en matière d’épidémie (masques, tests, déni,..) et de coordination entre services (ARS et Préfectures). Tout cela a abouti à des décisions politiques fluctuantes sur les confinements et déconfinement préservant certains intérêts au détriment des autres et alimentant toutes les théories sur l’existence même d’une épidémie et ses origines
En légiférant à tout va et en choisissant parfois l’intérêt politique à l’intérêt général nous nous enfermons dans l’immobilisme et nous affaiblissons notre pays. « L’entropie » est le terme qui qualifie ce « désordre produit par l’excès d’organisation ». L’organisation publique qui découle de ces textes n’est plus lisible et souvent inadaptée à la situation. Les administrations d’Etat, les agences et autres établissements publics de toutes sortes qui en sont le démembrement, les collectivités locales avec leurs 500 000 élus rajoutent à l’incompréhension du système de gouvernance par les citoyens. A chaque niveau, son élu et son haut fonctionnaire qui veulent faire carrière et sont autant de points de blocages.
Au final, les électeurs désertent et les citoyens font sécession. Au cœur du débat s’insinue la pieuvre économique néolibérale pour qui faire une loi efficace sur le séparatisme est une hérésie car « ce n’est pas bon pour les affaires »
Les mécanismes et les responsables sont désormais bien identifiés...
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