Un Raoult de Déshonneur : Quand l’UMP veut baillonner le prix Goncourt 2009 Marie NDiaye
Cette fois-ci, nous touchons le fond. A celles et ceux
qui osent encore penser que nous ne vivons pas dans un modèle proche de
la dictature, Eric Raoult offre un énième argument en cadeau
aux détracteurs du sarkozisme.
On ne sait encore quelle mouche l’a piqué ou quelle promesse de tel ou
tel responsable haut gradé de l’UMP lui a été faite, toujours est-il
qu’Eric Raoult vient de créer une polémique aussi grave, si ce n’est
plus, que toutes les autres réunies.

Rappel des faits
Août 2009 : l’écrivain Marie Ndiaye expliquait son départ de France pour Berlin dans les pages du journal les Inrockuptibles : « Nous sommes partis juste après les élections en grande partie à cause de Sarkozy (…) Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… «
A propos d’un éventuel exil politique : « Je n’aime pas dire les choses ainsi. C’est très excessif. Je ne veux pas avoir l’air de fuir je ne sais quelle tyrannie insupportable » [...] « Depuis quelques temps, je trouve l’atmosphère en France assez dépressive, assez morose. Il me semble qu’à Berlin, elle est plus exaltante » et d’ajouter à propos de Nicolas Sarkozy « Je ne crois jamais qu’un seul homme puisse faire un pays »
Des propos très épurés relatés par le site web d’Europe 1.fr pour retranscrire la polémique.
Epurés ? Il faudrait là-encore parler de censure car la polémique se base plutôt sur les termes les plus virulents qui donnent à ses propos une toute autre saveur, propos repris en intégralité par l’Express.fr
Les Inrocks : « Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ? »
Marie Ndiaye : « Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants – ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je me souviens d’une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j’aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : « La droite, c’est la mort. » Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n’a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n’a plus. »
Nul doute qu’au siège de l’UMP, le téléphone a dû sonner à la nomination du Goncourt…
Septembre 2009 : Marie Ndiaye se voit décerner le prix Goncourt 2009 pour son livre « Trois femmes puissantes » paru chez Gallimard, par l’académie Goncourt composée de Françoise Chandernagor, Tahar Ben Jelloun, Patrick Rambaud, Michel Tournier, Edmonde Charles-Roux, Robert Sabatier, Jorge Semprun, Françoise Mallet-Joris, Bernard Pivot, Didier Decoin, académie soutenue par… la Ville de Paris !
La polémique
Malheureusement en Sarkozia, la vérité n’est pas toujours bonne à dire, encore moins venant d’un prix Goncourt. Et c’est par celui que l’on attendait le moins – quoique voir en bas de ce billet les accointances du personnage – que tout est arrivé. Eric Raoult, le maire du Raincy (Seine-Saint-Denis), a interpellé rien de moins que le Ministère de la Culture en ses termes violents :
les prises de position de Marie Ndiaye, Prix Goncourt 2009, (…) sont inacceptables. Ces propos d’une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l’égard de ministres de la République et plus encore du Chef de l’État. Il me semble que le droit d’expression, ne peut pas devenir un droit à l’insulte ou au règlement de compte personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions, plus de respecter le rôle et le symbole qu’elle représente. C’est pourquoi, il me parait utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d’une plus grande exemplarité et responsabilité. »
La nature des propos d’un élu du peuple demeure choquante. Il en va de même pour l’ignorance et la naïveté de l’intéressé. Car de part le calendrier des faits, l’académie Goncourt ne pouvait ignorer l’opinion de l’auteur concernant le National Sarkozisme. Et on ne peut reprocher à Marie Ndiaye de profiter de son prix pour révéler ses opinions de part l’antériorité des faits. Dixit Bernard Pivot, l’illustre comité n’a pour objectif que de récompenser le talent des artistes, et au contraire des idées du député, un primé du Goncourt voit sa liberté d’expression décuplée avec évidemment, à l’international, une légitimité et un retentissement accru. Sûr que cela ne fait pas les affaires de l’UMP…
« Des Artistes Majuscules ! »
Marie Ndiaye, comme Vincent Lindon ou plus récemment François Cluzet, font ainsi partie des artistes qui ont l’audace et le courage de s’opposer à un régime qui déshonore justement les valeurs de la France, le coeur même de notre « identité nationale ».
Des artistes dont l’Histoire nous a montré l’importance de leur rôle (Pablo Picasso, André Malraux…) dans la dénonciation des régimes fascistes, l’importance du maintien de leur liberté d’expression totale.
Des artistes, qui font l’essence même d’un pays, de notre pays, qui se transforment en garde-fou prévenant la population et la communauté internationale du franchissement des limites les plus élémentaires stipulés par les droits de l’Homme et du piétinement des promesses électorales et donc de la volonté du peuple dans son choix souverain.
C’est d’ailleurs le plus grotesque là-dedans : ce sont les mêmes qui donnent des leçons de moralité, de démocratie et qu’ils veulent engager le débat (dangereux de part le passé Vichyiste) sur les spécificités françaises qui l’illustrent de la pire manière par leurs actions simplement abjectes et ignobles.
A côté de ces artistes, on en trouve d’autres, plus proches de leur portefeuille, totalement aveugles et sourds humainement et socialement, car isolés quotidiennement des aspirations de la France d’en bas, dans leur résidence surveillée, leur ghetto de millionnaire encore domiciliés sur le sol français ou expatriés.
A l’instar d’une justice à deux vitesses, il y a ainsi en Sarkozia comme sous l’Occupation, un milieu artistique à deux facettes : l’un rebelle qui résiste en France ou en exil, et l’autre, littéralement collaborateur du pouvoir en place, ne voyant pas ou ne voulant pas voir qu’il cautionne une politique nauséabonde et indigne, dans le but évident d’asseoir une carrière potentiellement ou non sur le déclin.
Ils vendent ainsi à un pouvoir politique la popularité offerte par le public. Un aspect populaire que ce pouvoir mafieux entend bien récupérer de manière indirecte par l’octroi d’une quelconque breloque comme la Légion d’Honneur… qui récompense paradoxalement, de part son mode d’attribution, un manquement total d’honneur.
Là encore, les manuels d’histoire et l’opinion publique jugera.
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Mais qui est Eric Raoult ?
Pour information, Eric Raoult se distingue par sa présidence de l’Association des élus amis d’Israël (dénoncé par l’ONU pour crimes contre l’Humanité) et par celle du groupe parlementaire d’amitié France-Tunisie (dont le dictateur-président Ben Ali vient d’être réélu). Deux états qui sont à l’opposé total des principes de liberté et de démocratie pourtant défendus – du moins le nom pourrait le faire croire – par le mouvement d’initiative et de liberté dont est membre d’honneur Mr Raoult. Un mouvement sulfureux de part l’appartenance d’un de ses fondateurs au SAC, le Service d’action civique.
Eric Raoult est donc le parfait ennemi de la liberté d’expression et un grand nostalgique du sombre passé gaulliste avec notamment le SAC et le ministère de l’information d’Alain Peyrefitte.
Récemment il s’était déjà illustré par ses propos odieux à l’encontre de la journaliste du Monde, Florence Beaugé qu’il a qualifiée de « psychotique », « hystérique », « bonne pour la psychanalyse », « maléfique » « et par-dessus le marché idiote », sans compter, « c’est bien connu, volage »…. lui reprochant d’avoir critiqué le dictateur Ben Ali.
Belle exemple de démocrate et de républicain soucieux des libertés.
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Merci à l’académie Goncourt pour le titillement judicieux et subtil d’un pouvoir inculte (rappelons nous la Princesse de Clèves) et abêtissant. Il n’y a évidemment aucun hasard dans les nominations.
De là à y voir l’ombre (ou plutôt la lumière) de la Franc-Maçonnerie (via un de ses courants les plus nobles) ennemi traditionnel du fascisme quelle que soit sa forme….
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