Un repositionnement de Washington au Moyen-Orient ?
Face aux tentatives d’extension des menaces et des crises au Moyen-Orient, la réaction forte et accélérée des Etats-Unis semble consister à reconsidérer les positions américaines, tant en ce qui concerne la mise en œuvre des engagements de sécurité envers les alliés que la présence militaire américaine au Moyen-Orient en général.
Plusieurs éléments indiquent que les États-Unis ne peuvent pas abandonner leur politique au Moyen-Orient ou prendre leurs distances par rapport à celle-ci.
C’est particulièrement vrai maintenant que tout le monde a compris à quel point la présence militaire des États-Unis, d’une part, et leur poids stratégique, leur influence et la défense de leurs intérêts stratégiques, d’autre part, sont étroitement liés.
Il y a plusieurs signes d’un changement relatif dans les idées de l’administration Biden sur la présence militaire des États-Unis au Moyen-Orient. On parle notamment d’une action plus déterminée des États-Unis face aux menaces qui pèsent sur les EAU et d’une amélioration de leur sécurité en tant qu’allié stratégique important de Washington.
Cette fois-ci, les États-Unis ne se sont pas contentés de répéter leur discours de soutien verbal aux alliés, comme ils l’avaient fait ces dernières années. Ils ont agi immédiatement en envoyant leurs avions de combat les plus récents, une partie de leur flotte navale et d’autres renforts de défense.
Le lieutenant-général Michael Eric Corella, pressenti pour succéder au général McKenzie au poste de commandant en chef du Commandement central américain, a également lancé des avertissements lors d’une récente audition au Sénat.
Si la Russie envahit l’Ukraine, l’instabilité au Moyen-Orient s’étendra et l’Iran restera la plus grande menace pour les États-Unis et leurs alliés dans la région, a-t-il déclaré, ajoutant que la Chine étendait également son influence et ses dépenses dans la zone d’influence du commandement central.
Toutes ces mises en garde indiquent que les Américains sont de plus en plus conscients de l’importance de reconsidérer la réduction de leur présence militaire au Moyen-Orient. Le général Corella a exprimé un point de vue relativement différent lors de son audition de candidature.
« Les États-Unis sont confrontés à une nouvelle ère de concurrence stratégique avec la Chine et la Russie, qui ne se limite pas à une région géographique, mais s’étend à la zone de responsabilité [du Central Command], » a-t-il déclaré. « Comme les États-Unis donnent à juste titre la priorité à la concurrence avec la Chine, nous devons continuer à nous engager au Moyen-Orient et en Asie centrale et du Sud. »
Le général Corella a informé les membres du Congrès que 18 des 21 pays relevant de la compétence du Commandement central américain ont signé des accords stratégiques avec Pékin, ce qui accroît l’influence de la Chine au Moyen-Orient. Il a souligné que les États-Unis devaient être en mesure de contrer la Chine dans cette région.
Il s’agit d’une vision qui n’est pas nouvelle, mais qui offre une perspective différente de ce qui a été fait jusqu’à présent. Elle reflète la grande expérience du nouveau commandant du Commandement central dans la région et le renforcement de la présence militaire des États-Unis au Moyen-Orient, l’une des zones de conflit stratégiques dans la lutte d’influence avec la Chine.
Le discours du général Corella devant le Congrès fait écho aux déclarations du général Kenneth McKenzie, l’actuel commandant du Commandement central américain, faites récemment lors de sa visite aux Émirats arabes unis dans le cadre d’un voyage dans la région.
« Ma visite ici et un certain repositionnement visent à envoyer un message très prudent et calculé selon lequel les États-Unis sont un partenaire fiable... Nous n’oublierons pas cette partie du monde, » a déclaré McKenzie. « Nous sommes toujours en mesure d’aider nos amis. »
C’est à mon avis le point le plus important de son discours, car il résume toutes les réponses américaines, quelles que soient leurs motivations et raisons. Il y a un autre indicateur à ne pas oublier. On parle ici de l’attaque surprise des États-Unis contre le chef de Daesh en Syrie, aux frontières de la zone d’influence turco-russo-iranienne.
L’opération n’avait pas pour seul but de tuer Ibrahim Al Qurashi. Elle visait également à envoyer un message à plusieurs parties, dont la Russie, pour souligner que la Syrie reste une zone d’intérêt pour les États-Unis, et l’Iran, qui parle de terrorisme, mais soutient les attaques de milices contre les États régionaux et ne cible jamais les chefs terroristes.
Un troisième message a été adressé aux alliés des États-Unis pour leur dire que Washington reste un acteur important dans toutes les zones de crise du Moyen-Orient. Ces signes importants montrent que les États-Unis renouvellent leurs engagements envers leurs alliés au Moyen-Orient.
Cependant, une vision analytique différente ou parallèle est que toutes ces mesures américaines visant à assurer la sécurité des alliés du Golfe - tout comme la réaffirmation de l’importance du Moyen-Orient dans les stratégies américaines - découlent du souhait de la Maison Blanche d’éviter les effets négatifs attendus d’éventuelles concessions américaines à l’Iran dans le cadre des accords de relance de l’accord nucléaire.
Cela renforcerait les craintes de partenaires tels qu’Israël et les pays du CCG de voir se répéter le scénario de l’accord de 2015, qui a permis à l’Iran de s’implanter dans la région grâce à un projet d’expansion dont les effets négatifs perdurent aujourd’hui.
En d’autres termes, le président Biden veut éviter que de profonds fossés ne se creusent entre Washington et ses alliés, comme ce fut le cas sous l’administration Obama. Il cherche à rassurer les alliés et les partenaires stratégiques sur le fait que Washington est un allié crédible.
La Maison Blanche est peut-être aussi consciente que les États-Unis se trouvent dans une situation stratégique bien difficile. Cela exige des réponses rapides, cohérentes et claires. Il est également apparu clairement à quel point les crises sont étroitement liées.
En d’autres termes : Ce qui se passe aux frontières de l’Ukraine n’est pas très loin de Taïwan ou encore du Moyen-Orient. On peut désormais dire que Washington a retenu la leçon afghane. On ne veut pas répéter l’échec cuisant en se retirant précipitamment du Moyen-Orient pour privilégier le défi de l’Asie de l’Est.
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