Un soir dans l’univers des Gitans

 "Viens donc, Françoise, ce soir au terrain des Sports. Viens nous rendre visite" me lance mon ami et médiateur Jean-Pierre, accompagné de sa femme Damienne. Aujourdh'ui, le terrain de Pléguien (Côtes D'armor) est réquisitionné quelques jours pour l'arrivée d'une cinquantaine de caravanes, avec l'objectif pour ses habitants de fêter leur foi évangélique sous un chapiteau dressé à cet effet. Membre de l'association Itinérance, destinée à aider les gens du voyage pour l'aide à la scolarisation de leurs enfants, l'habitat ,le stationnement des caravanes,et l'aide à la création d'auto-entreprise, je commence à comprendre les us et coutumes, les soucis et les problèmes de discrimination dont ils font l'objet partout en France. Eh bien oui, Jean-Pierre je viens rejoindre ton monde avec plaisir, accompagné de Nelly, conseillère municipale.

 Nous nous immiscons alors au coeur du terrain communal et sommes accueillies par mille sourires. L'un d'eux s'approche lentement et nous interpelle : "Venez ! Entrez sous notre chapiteau !" Nous assistons alors avec joie à leur cérémonie évangélique, et nous découvrons peu à peu la foi de tous, incomensurable, expédient contre la souffrance accumulée par toutes ces années de persécution.

 Les femmes d'un côté, les hommes de l'autre chantent des cantiques harmonieux, maqiques même. Certains, un à un, s'avancent et témoignent alors sur leur vie, et leur foi en Jésus. Nous disposons des meilleurs places assises devant, gadgé que nous sommes. Nous nous retournons de temps à autre, et les visages des femmes accueillent notre regard en arborant un grand sourire.

Un vieux gitan se lève et dit " Seigneur Jésus, bénis nos deux sédentaires qui sont avec nous ce soir"

Toi, le gitan qui a tant souffert des gadgé, qui t'en méfie beaucoup, je te remercie pour cette jolie parole.

Puis, une fois la cérémonie terminée, nous partons déguster un gateau et siroter un café dans la caravane - superbement entretenue- de Jean-Pierre et Damienne. Nous partageons nos regards sur certaines municipalités prêtes à tout pour refuser l'accueil des Gens du Voyage, et sur d'autres, qui, heureusement, sont plus tolérantes.

Avant de partir, une autre femme nous invite à découvrir l'intérieur de sa "maison". La femme, coquette, tient un intérieur absolument reluisant. Nous avançons vers la sortie, et nous sommes remerciés pour notre confiance. "Merci de ne pas avoir eu peur de venir chez nous".

Mais où sont les jeunes ? Et bien une grande partie se retrouve sous le chapiteau à prier eux aussi.Les adultes les entourent et les surveillent avec bonhomie.

J'invite alors jean Pierre et Damienne à manger un gâteau, le lendemain, chez moi cette fois, et j'en profite au moment du départ de glisser un autre gâteau pour cette jolie femme gitane et sa belle famille.

Au retour, je me délecte de mes souvenirs encore fraîchement détaillés, et repense à cet art de vie si particulier qu'ils déploient sur chaque terrain qu'ils embrassent pour quelques jours. Une vie si différente, une vie hautement spirituelle, une vie partagée à plusieurs. Les enfants jouent à plusieurs les femmes discutent entre elles. Le bonheur d'être ensemble se jouxte à la difficulté de vivre dans cette promiscuité à plusieurs. La place manque cruellement dans les logis,l'intimité de chacun en est réduite à son stade embryonnaire.. Nous comprenons la difficulté de ce rapprochement continu entre les uns et les autres..Je rends compte également de cette liberté qui émane de cette vie de Bohème. Et quelle liberté !

Notre regard doit changer, les Gens du Voyage ne sont ni mieux, ni moins bons, ils sont juste différents de nous, et pour que la souffrance de la persécution pèse un peu moins comme un fardeau dans leur existence, nous leur devons un peu plus de respect, voire un peu plus d'amour.

propos recueillis par Françoise LM.