Un spectre hante aujourd’hui la Libye : la charia... avec la complicité de BHL !
Combien faudra-t-il encore de leçons, de larmes et de sang, pour que l’Occident comprenne enfin qu’aller faire la guerre en un pays pour contribuer, aux côtés de sa population, à y renverser un régime dictatorial, aussi effroyable celui-ci soit-il, n’équivaut pas nécessairement, quelle que soit sa bonne foi, à y instaurer la démocratie ?
Davantage : ce beau mot, hélas trop souvent galvaudé de nos jours, y fut même souvent piétiné de la manière la plus féroce et arbitraire qui soit par de nouveaux despotes se révélant finalement encore plus tyranniques, si cela est possible, que ceux que l’on avait ainsi, nantis des meilleures intentions, légitimement chassés du pouvoir !
C’est ce qui se passa en 1989 déjà, en Afghanistan, lorsque les Américains utilisèrent, pour en expulser les Soviétiques qui l’avaient envahi en 1979, les Talibans : les plus extrémistes - d’impitoyables et sanguinaires fous de Dieu - des intégristes musulmans !
On connaît, malheureusement, la suite : c’est un gouvernement islamiste, pur et dur, qui s’installa alors, en 1996, à Kabul, puis un certain Ben Laden, chef spirituel de ces mêmes Talibans, qui, le 11 septembre 2001, organisa, via son réseau d’Al Qaeda, l’attentat terroriste, en plein cœur de New York, à l’encontre des tours jumelles du World Trade Center.
Oussama, monstre créé par la CIA afin de porter définitivement atteinte à l’URSS en cette partie géostratégique du monde, s’était soudain retourné là, au grand dam de son maître américain et sans même qu’aucun service secret pût soupçonner pareille trahison, contre son apprenti sorcier !
Ainsi, sans certes vouloir jouer ici les oiseaux de mauvais augure ni m’adonner à un indu mélange des genres, et encore moins verser en un catastrophisme de mauvais aloi, l’Occident ferait-il mieux, après avoir combattu aux côtés des rebelles du CNT, de se montrer un peu plus vigilant à l’égard des nouveaux responsables politiques, et bientôt religieux surtout, de la Libye post-Kadhafi.
Car, ce dimanche 23 octobre 2011, jour de la proclamation officielle de la libération de ce pays, que vient-il de déclarer très solennellement, en guise de première grande décision politique et avant même toute élection démocratique, le président de ce nébuleux Conseil National de Transition, Mustafa Abdel Jalil, ancien Ministre de la Justice de Kadhafi à qui l’on doit notamment la condamnation à la peine de mort des infirmières bulgares, sinon que c’est la charia – l’obscurantiste loi coranique – qui présiderait désormais, rendant « nulle et non avenue » tout autre loi juridique, aux destinées, non seulement politiques, mais également idéologiques, de la nouvelle Libye ?
Effarant, et pourtant prévisible, avec, entre autres abominations à l’aune de toute modernité, l’autorisation de la polygamie (pour les seuls hommes, bien entendu) et l’interdiction du divorce !
D’où, aussi fondée qu’urgente, la question. Est-ce donc pour cela, pour y instaurer cette archaïque et barbare charia - celle qui lapide les femmes adultères et pend les homosexuels, celle qui fouette les buveurs d’alcool et coupe la main aux voleurs, comme cela se pratique couramment en Iran ou en Arabie Saoudite, au Bahreïn ou en Somalie, là où agonisent en silence des milliers de Sakineh - que l’Occident s’en est donc allé faire la guerre, au prix de trente mille morts (et, soit dit en passant, de trois cents millions d’euros pour la seule France), en terre libyenne ?
Pis : est-ce donc cela qu’on appelle « démocratie », dans la nouvelle Libye d’Abdel Jalil, que de massacrer à coups de fusils et parfois de sabres, comme le font les hordes racistes du djihadiste Abdelhakim Belhaj, actuel et tout puissant gouverneur militaire de Tripoli, les populations noires et subsahariennes, réputées « infidèles », à cause de leurs traditions animistes, ou assimilées à de vulgaires « mercenaires » au vu du soutien de certains d’entre elles à l’ancien raïs ?
D’où, plus dramatique mais nécessaire encore, cette autre interrogation. Est-ce donc ce genre de totalitarisme théologique, la pire des dictatures dès lors que c’est à l’âme en ce qu’elle a de plus intimement sacré qu’elle s’en prend directement, que Bernard-Henri Lévy, dont on avait déjà pu noter le périlleux dogmatisme religieux en son très peu laïc « Testament de Dieu » (même si c’est le judaïsme qui faisait là office de référence spirituelle absolue), aura aidé là, en convaincant Nicolas Sarkozy de partir en guerre, contre cet autre fou furieux de Kadhafi, aux côtés de ses amis du CNT ?
En ce cas, BHL ne s’avère pas seulement un piètre penseur, qui confond lamentablement Botul, le burlesque héros d’une farce intellectuelle, avec Kant, le plus grand philosophe de l’histoire occidentale, mais il se révèle surtout, sinon un fieffé menteur, du moins un dangereux propagandiste : un irresponsable dont les fausses lumières auront contribué ainsi à replonger le peuple libyen, après l’avoir fait passer d’une dictature politique (celle de Mouammar Kadhafi et ses sbires) à une dictature religieuse (celle de Mustafa Abdel Jalil et ses mollahs), dans le plus sombre des obscurantismes.
BHL, pourtant, n’a pas dit que des bêtises dans sa déjà longue carrière de « nouveau philosophe ». Ainsi, par exemple, son mot-valise de « fascislamisme », pour alambiqué qu’il soit, n’est-il pas dénué de toute pertinence conceptuelle. D’autant qu’il l’attribua pour la première fois, dans son livre « Qui a tué Daniel Pearl ? », aux djihadistes du Pakistan et, en particulier, à un certain Omar, celui-là même qui égorgea, en vociférant d’effrayants et hystériques « Allah Akbar ! », le pauvre Daniel Pearl.
Le problème, pour BHL, est là, cependant, double, même s’il n’est certes plus à une contradiction près : ce même Omar qu’il fustige en ces pages sanguinolentes entraînait auparavant, aux alentours de Sarajevo, quelques-uns de ses vieux et propres amis bosniaques ; mais, surtout, c’est à ses nouveaux amis libyens, et à cet Abdel Jalil plus spécifiquement, que cette notion de « fascislamisme » semble s’appliquer maintenant, par un autre de ces étranges et incroyables paradoxes, tel le plus pervers des effets boomerang.
Aussi, en d’aussi pénibles conditions et sans vouloir à nouveau jouer ici les Cassandre, ai-je bien peur que ce fameux « printemps arabe », qu’un autre de ces avenirs prétendument radieux nous promettait avec un enthousiasme défiant toute lucidité, ne soit en réalité, du moins en Libye, que le cruel et sinistre prélude à un très rude hiver islamiste.
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur de « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur).
Porte-parole, pour les pays francophones, du Comité International contre la Peine de Mort et la Lapidation, dont le siège est à Londres.
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