Un viol de la loi Debré ?[1] Suite
Paradoxe de notre République laïque qui aurait pu s’apprêter, après les accords Lang Cloupet, à signer un nouveau concordat scolaire avec l’illicite réseau de l’enseignement catholique : "Nous sommes à la recherche d'un accord avec le ministère, explique Eric Mirieu de Labarre, secrétaire général de l'enseignement catholique. Nous souhaitons qu'il exprime officiellement sa volonté que le privé entre dans la réforme, sous la forme d'un protocole ou d'une déclaration commune."[2]

Seuls des établissements privés « à caractère propre » ont la faculté de passer contrat, un à un, avec l’Etat. Donc, la loi interdit une négociation entre les pouvoirs publics et des réseaux ou des Eglises.
Les concessions illégales et illégitimes contenues dans cet inédit concordat scolaire Lang-Cloupet, du 8 janvier 1993, constituaient un assujettissement institutionnel d’un ministre de la République au représentant de la hiérarchie catholique. Cet accord Lang-Cloupet ouvrait la voie à des fiançailles avec l’Église par une reconnaissance, de fait, d’un « réseau » de l’enseignement catholique, partenaire désigné, en lieu et place des établissements d’enseignement privés. Le 9 janvier 1993, l’évêque Coloni responsable de l’enseignement catholique se félicitait de cette revanche inespérée de l’Église sur l’État : « Il s’agit de permettre à une recherche spécifiquement religieuse d’être reconnue comme telle par la société et par l’Église. Et il semble que cela devient possible. »
Aujourd’hui, des organisations laïques ont dénoncé comme illégal et inacceptable : « Le financement de l’aménagement des rythmes scolaires des écoles privées… »[3] par la puissance ainsi, le CNAFAL[4] demande « solennellement au gouvernement et au Parlement que ce projet de financement des écoles privées soit abandonné. » Les DDEN[5] déclarent inacceptable et condamnent aussi fermement : « le financement de cette réforme pour les écoles privées, en contradiction avec le code de l’éducation »[6] . Le CNAL[7] titre son communiqué : « Rythmes scolaires : pas d’argent public pour le privé ! »[8] et ajoute : « le ministère de l’Education nationale doit sans tarder lever l’ambigüité qu’il entretient dans le guide pratique adressé aux élus sur la mise en place des nouveaux rythmes à l’école primaire. »
Grâce à de telles pressions, la violation du principe de laïcité ne devrait pas échapper à la clairvoyance juridique du ministre de l’Éducation nationale qui semble avoir abandonné le projet de financer illégalement les activités post scolaires des écoles privées. Selon une dépêche de l’AEF, le ministère aurait récemment proposé au secrétariat général de l’enseignement catholique : « une entrée du privé dans un schéma piloté par le Dasen ». Le représentant de l’enseignement catholique a refusé cette tutelle de l’Etat : « ce n'est pas conforme au fonctionnement de nos établissements, qui sont certes moralement redevables, mais pas sous l'autorité du Dasen » mais sous celle de l’Eglise.
Eric Mirieu de Labarre ose même, aujourd’hui, menacer le ministre de l’Education : " Si on n'obtient pas satisfaction, nous serons obligés de dire aux écoles de faire comme elles veulent. Je refuse d'envoyer nos écoles au casse-pipe". Il s’arroge illégalement, le pouvoir de négocier avec la puissance publique au nom d’un réseau clérical. Et il se garde bien de préciser que juridiquement le financement des activités périscolaires, relevant du « caractère propre », est explicitement et formellement prohibé, y compris par la loi Goblet de 1885 et la loi Debré de 1959. Eric Mirieu de Labarre proclamait publiquement en toute hypocrisie : « La loi Debré est un texte qui a vécu. Il a été, en quelque sorte, réinterprété par la pratique sans qu’on en change pour autant la moindre virgule. »[9]
Désormais, l’enseignement catholique va s’évertuer à violer cette loi auprès des communes : « Dans ce contexte, l'enseignement catholique invite les équipes éducatives et les chefs d'établissement à rechercher les modalités d'un partenariat constructif avec les collectivités locales, et à faire le meilleur usage de leur liberté… »[10]
Dorénavant, ce nouveau chantage à la guerre scolaire des responsables de l’enseignement catholique va se poursuivre jusqu’à la prochaine étape : « l'enseignement catholique est traversé par les mêmes doutes et les mêmes interrogations » que d'autres « responsables et partenaires de l'école »… « L'enseignement catholique critique les modalités de la réforme des rythmes scolaires, et préfère, dans un premier temps, jeter l'éponge. "Les conditions de mise en place du projet dans les établissements privés n'ont pu, à ce jour, être clarifiées".[11]
Les écoles privées sous contrat organisent librement la semaine scolaire au nom de l’autonomie de leur « caractère propre ». Certains médias l’ont rappelé : « Juridiquement parlant, elles n'y sont pas tenues, puisque le décret du 24 janvier sur l'organisation du temps scolaire ne mentionne que les écoles primaires publiques. Un statut à part lié à la loi de 1959, définit leur "caractère propre" en rendant les directeurs des écoles privées libres de l'organisation du temps scolaire dans leurs établissements. »[12] Toute obligation est proscrite.
Vous connaissez un service public où l'Etat finance directement sa propre concurrence au profit d'une religion ?
L’Etat peut-il indéfiniment sacrifier le service public soumis aux obligations afférentes en alimentant une entreprise concurrente qui développe un enseignement clérical ? L’Etat lui accorde une parité de financement malgré une disparité de devoirs au prétexte de sa liberté .
Eternelle revendication de ces libéraux qui n’ont aucun scrupule à revendiquer les subventions publiques et la liberté ! Cette exigence libérale de la Fédération nationale des organismes de gestion de l’enseignement catholique va se mettre en place dans ses « journées nationales des 5,6 et 7 avril 2013 » : « …il est fondamental que nous réfléchissions sur la façon dont nous devons faire évoluer notre modèle économique à court, moyen et long terme »
L’enseignement catholique accède aujourd’hui à un statut anachronique bientôt renforcé par l’Église et promu à la façon d’un ersatz de service au public. Cela concrétise de ce fait, la notion fumeuse de « laïcité positive » proclamée au Latran. L'enseignement privé sous contrat, par son mode de gestion entrepreneurial, ses pratiques de recrutement des élèves ou des personnels, contribue, en réalité, par une concurrence subventionnée, à une privatisation de l’éducation.
Eddy KHALDI
http://www.la-republique-contre-son-ecole.fr/
http://www.main-basse-sur-ecole-publique.com/
http://www.eglise-et-ecole.com/
[1] Article publié le 14 février sur « SAUVONS L’ECOLE » http://sauvons-lecole.over-blog.com/article-reforme-des-rythmes-scolaires-une-violation-de-la-loi-debre-115349352.html et le 15 février sur AGORAVOX : http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/une-violation-de-la-loi-debre-130753
[2] Journal Le Monde du 26 février 2013 article de Maon Rescan : « L'enseignement catholique négocie son soutien à la réforme des rythmes scolaires ».
[3] Communiqué du 16 février 2013 : http://www.cnafal.org/Le-financement-de-l-amenagement-des-rythmes-scolaires-des
[4] Conseil national des associations familiales laïques
[5] Délégués départementaux de l’Education nationale
[6] Communiqué du 18 février : http://www.dden-fed.org/fede2012/membres/circulaires_2013/reforme_rythmes_scolaires_communique_18_fevrier_2013.pdf
[7] Comité national d’action laïque : est composé de la FCPE, des DDEN, de la Ligue de l’Enseignement, du SE-Unsa et de l’Unsa Education
[8] Communiqué du 26 février : http://www.se-unsa.org/spip.php?article5494
[9]Colloque de l’enseignement catholique le 5 mai 2010 au lycée La Mennais à Ploërmel
[10] Dépêche AEF vendredi 1er mars 2013
[11] Article du journal l’Express du 1er mars 2013 : « Réforme des rythmes scolaires : le coup de semonce de l'enseignement catholique.
[12] Le Monde ibid
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