Une bibliothèque sans livre : le Texas franchit le pas
Une bibliothèque sans livre. L'idée est saugrenue. elle amuserait peut-être les surréalistes. Une bibliothèque sans livre, mais, précisons-le, au Texas. C'est déjà moins surprenant.
Plus sérieusement, la bibliothèque « sans livre » que se propose d'ouvrir le comté de Bexar, à défaut d'être révolutionnaire, présente ceci de singulier qu'elle est pionnière en son genre : ici point de livre papier. Rien que du numérique. Qu'importe, cela fait lurette que les livres ont fui le Texas, si tant ait qu'ils y soient jamais venus, s'exclamera le cynique.
Il s'agirait de la première bibliothèque municipale à bannir le papier de ses rayons. La démarche n'est pas neuve, une poignée d'universités américaines avait d'ores et déjà franchi le pas. Quid des ouvrages jetés sur le trottoir ? La tristesse nous serre le cœur.
Emprunts de liseuses (une centaine), consultations d'écrits sur ordinateurs (une cinquantaine), tels seront les services prodigués par l'établissement. Les responsables du projet espèrent se doter d'une collection forte de dix mille ouvrages, sans compter la venue prochaine de vidéos et musiques numérisées.
Selon l'instigateur du projet, Richard Wolff, « le monde change et c'est le moyen le plus efficace de rendre service à notre communauté ». Quant à l'aspect des locaux, on s'en réfère aux inébranlables déités : « si vous avez envie de savoir à quoi cela pourrait ressembler, allez dans un apple store », poursuit-il. Allons bon. Naturellement, des raisons d'ordre financier viennent s'ajouter à ces considérations modernistes : le support papier tend à devenir un luxe.
Là où les techniques nouvelles isolent plus qu'elles ne réunissent, favorisant le plus souvent l'action à distance (achats, communication, diffusion du savoir), l'introduction du tout numérique n'entrave nullement ici les rapports humains. Elle s'inscrit dans la continuité d'une pratique millénaire et ô combien nécessaire, le rassemblement dans un lieu dévolu au savoir et où le silence est de rigueur. Force est d'admettre que la technologie est encore impuissante à susciter de telles conditions de recueillement. Mais il y a mieux : l'effeuillage des bibliothèques laisse augurer d'un doublement des capacité d'accueil. Serait-ce la fin de ces interminables queues qui donnaient à nos bibliothèques de faux airs de nightclubs ? Souhaitons-le, rien n'est plus mortel que de faire la queue pour étudier.
Dernière chose notable, le projet a été baptisé « BiblioTech » : à l'heure où les puristes de la langue française s'irritent de l'anglicisation rampante du Français, voici que les américains délaissent le terme « library » pour un proche cousin du notre. Un « one shot », me direz-vous. Probable.
Arthur Deming
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