Une civilisation en obsolescence programmée : que faire, nous les jeunes ?

L’ouvrage de Gilles Chatelet (Vivre et penser comme des porcs, Folio, 1999) était passé plus ou moins inaperçu à l’époque, mais il faut reconnaitre que sa comparaison judicieuse de l’homme avec nos amis les gorets n’avait jamais été aussi actuelle, combien d’ailleurs d’encre n’a-t-il été pas été versé l’année dernière sur ce thème, astrologie chinoise ou pas, 2017 aura bien été l’année du Cochon*.
Il est dommage que notre mathématicien visionnaire se soit suicidé avant-même d’avoir perçu toute la portée de son propos, mais il en va ainsi de certains prophètes plus ou moins anonymes et maudits, qui au fil des siècles, auront dû disparaitre assez vite, comme brûlés par une trop vive connaissance, probablement mêlée aussi à de nombreux autres problèmes personnels, la vie n’étant parfois pas avare en la matière… « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil » disait poétiquement René Char.
Est-ce parce que nos jours en tant que misérables hommes sont ainsi comptés, que l'idée est venue aux industriels qui gouvernent désormais la marche du monde de limiter aussi volontairement la durée de vie des artefacts de plus en plus foireux qu’ils nous vendent, prétendant par on ne sait quel mécanisme augmenter ainsi la longévité de leurs entreprises ? Le QI des commerciaux étant en réalité inversement-proportionnel au montant des marges qu’ils s’octroient, à peu de choses près, ceux-ci n’ont malheureusement pas pensé qu’en rabotant la vie des smartphones, imprimantes, ou autres lave-vaisselles de chez Darty, qui en d’autres temps avaient tant libéré la ménagère, -nous avait-on dit- c’est aussi le sort de l’humanité toute entière qui devait être scellé.
A tel point que la collapsologie - probablement l’une des disciplines les plus ingrates que notre société ait pu inventer jusqu'à présent, de part l’intérêt assez ambigu il faut le dire qu’elle suscite chez le citoyen-consommateur, même ici sur agoravox, mais aussi de part sa durée de vie elle-même assez réduite, parle maintenant d’autophagie (Anselm Jappe, La société autophage, 2017), lorsqu’en d’autres temps l’apparition du cannibalisme dans une micro société aurait suffi pour établir avec certitude, un diagnostic possible de décadence.
Les optimologues (expert en optimisme), derniers remparts du système contre les rabat-joies et cyniques de tous bords, bien que parfois fébriles sur leurs bases intellectuelles, auront l’avantage d’être parfois bien pourvus et de bénéficier de positions assez favorables dans la société qui les payent d’ailleurs souvent grassement pour leurs nobles services rendus à la Nation (il y a cependant des pauvres-optimistes, qui ont besoin de se raccrocher à quelque chose dans leur vie, et on les comprend…), avanceront mille et une raisons pour nous faire croire jusqu'à la dernière goutte qu’ il y en a toujours une derrière, un peu comme le travail, lui aussi en voie de disparition, mais quand il n’y a plus de boulot il y en a encore, nous diront-ils, il suffira de chercher, sous peine de sanctions administratives, et ce malgré les études (plus ou moins contradictoires selon l'origine de leur financement) annonçant le remplacement de l’homme par la machine à plus ou moins brève échéance. Une société du travail sans travail quoi, croquignolesque ! Mais tout n’a-t-il pas déjà été écrit sur le sujet ?
Nul ne sait alors si homo sapiens aura préféré se saborder avant que ce ne soit robot-erectus tout droit sorti des usines qu’il aura lui-même fabriquées, qui « finisse le sale boulot » (un peu à la Terminator, qui avait peut-être commencé par ramasser les poubelles lui-aussi), tant l’humiliation ultime de l’asservissement du créateur par la créature sans cœur qu’il aura inventé pourra nous paraitre un scenario plutôt saugrenu, voire cocasse, digne des plus insupportables dystopies, pourtant imaginées bien avant l’invention du transistor.
Si avec un peu de bon sens, au vu de ces quelques réflexions, l’optimisme béat semble donc disqualifié quand à notre avenir, un pessimisme forcené ne serait pas pour autant des plus audacieux, dans ce feu d’artifice surprenant de la modernité auquel nous assistons nous pouvons nous permettre quand même d’applaudir la créativité qui émerge de ce fatras monumental, même si nous ne comprenons pas tout et que nous savons que ça risque de nous coûter cher. Peut-être une invitation au lâcher-prise…Une de plus…
"La vérité est un pays sans chemin" disait Krishnamurti. Je vous laisse faire le lien tout seul, s'il existe.
Prise d'écran : "Ah ouais", tribunal de Charleroi
Ainsi, pour une analyse sociologique frappante et condensée de cet état des lieux, qui m’a d’ailleurs donné l’envie soudaine d’écrire cet article, je ne saurais trop vous conseiller la visualisation de cette courte vidéo de Khaled Freaks (« Ah ouais » 12/2017) déjà précédemment buzzeur sur une adaptation à succès d'un débat à l'assemblée nationale. (C'est pas de votre faute 2016)
A ce propos, Allen disait que « la vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible », les scientifiques n’ont malheureusement pas encore découverts avec certitude l’origine de la bêtise, décidément aussi coriace que le temps qui passe. Pour ce qui est de celle de l’apparition de l’homme - lui-même tellement malin pour avoir eu l’outrecuidance de s’auto proclamer le « deux fois sages » (homo sapiens sapiens) des fois qu’on ait du mal à y croire, tout en ayant justement l'éclair d'esprit de ne réserver la répétition suivante qu’aux triples cons qui caractérisent dorénavant la pointe de l’espèce humaine- personne n'est encore vraiment sûr, tant notre cousinage avec les singes, selon les paléontologues modernes, semble de plus en plus ressembler en fait à une immense fratrie....
Pour une illustration plutôt réussie (en particulier le clip), et si vous ne faites déjà pas partie de ses 40 millions de clics : Orelsan Basique 2017 un des titres de l’année.
Alors que faire ?
Mis à part tout ce que vous faites déjà probablement très bien, boire, vous droguer (anti-dépresseurs compris, pour ceux qui prennent déjà de la bouteille) et faire la fête, ce qui pour cette dernière serait plutôt une bonne chose, trois voies originales, parfois méconnues, souvent raillées, sont actuellement toujours disponibles, et il n’est jamais trop tard pour bien faire, et pour réellement changer le cours de choses…
1 : SE REPENTIR **
2018, année de la cuite ! aurait-on entendu de nombreuses fois pendant les fêtes de fin d'année…
Plus sérieusement, il parait que les célèbres 12 étapes des AA ne marcheraient pas seulement que pour les alcooliques.
C’est ainsi à la suite d’un échec à traiter l’alcoolisme de son patient, que Carl Gustav Jung conseilla à Rawland Hasard, dans les années 30, de « vivre une expérience spirituelle ou religieuse seule capable de le remotiver ». 80 ans plus tard, plus de 100 000 groupes des Alcooliques anonymes se répartissaient dans 162 pays. Un succès.
Pour savoir si AA est fait pour vous, même si vous n'avez pas de problème avec l'alcool, et trouver un groupe d’entraide, ne restez pas seuls, ils sont ouverts à tous, cliquez ici :
http://www.alcooliques-anonymes.fr/aa-est-il-pour-vous/
Attention cependant à ne pas mettre votre nom dans le formulaire !
Les Cercles Magiques
D’une manière plus générale et pour tous ceux qui seraient allergiques à toute forme de référence mystique, et ils sont nombreux, participer à, ou créer des cercles de parole, de réconciliation, de gratitude, de dons, de restauration (homme/femmes/mixtes ou autres)*,... Communiquer, mais de manière authentique, oublier facebook et tout le pataquès... Une option que j’affectionne, en famille, avec des amis, des collègues, camarades, ou des inconnus. Simple mais puissant. Il est encore temps de « se sauver ». Liberté, égalité, fraternité ! Basique.
Plus d'infos ici—> là
2 : TOMBER AMOUREUX
(D’une belle personne)
Oui elles existent encore, je dois vous avouer moi-même en faire partie, même si beaucoup (trop bien évidemment) ne le voient pas, que la vie est mal faite, encore une injustice …
Bref, je ne suis pas regardant sur la marchandise (enfin presque, si tu es jolie et gentille, voire plus si affinités, je suis preneur, laisse moi simplement un message, je te répondrai, à bientôt :)…
3 : LE RETOUR AUX SOURCES
Fais ton "suicide social", et part vivre dans les Cévennes élever des moutons quelque part ou personne ne viendra te faire chier à part peut-être les gendarmes pour te poser une contravention de temps en temps pour non port de la ceinture ou défaut de permis, et revends ton nouvel Iphone sur le bon coin pour investir dans une ruine que tu retaperas avec des potes. Si tu as de la chance tu pourras fonder une communauté autosuffisante, y organiser des stages de yoga du Cachemire ou de massage tantrique si c’est vraiment ça qui te botte, dans quelques années… Tu feras enfin quelque chose de tes mains, et pas que pour te branler, même intellectuellement, tu réduiras enfin ton empreinte écologique, « moins de biens, plus de liens » comme disait l’Autre (De la décroissance à la gratuité, Paul Ariès, 2010 ; Emeline de Bouver, 2009) le tout à prix libre, économie circulaire oblige…
Et si tu te sens pas de tout lâcher, d'avoir l’âme d’un hippie ou d'appartenir à la fameuse famille arc-en-ciel, le fromage de chèvres, ça se fait en version punk aussi, j'en connais, et même que t’as encore rien vu…
F*CK YOU ALL !
*Attendre néanmoins 2019
**au sens éthymologique du terme, peu connu
Nota : l'image est connue mais je la trouve toujours amusante
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