Une critique du macronisme
Il y a ce qui prend sens dans la fixité et il y a ce qui prend sens dans le mouvement. Le macronisme prétend combiner les deux choses dans un savant mélange appelé le "en même temps", simple tic de langage érigé en doctrine. C'est la seule doctrine du reste que le macronisme a engendrée, les autres théories n'étant que du recyclage comme la vieille antienne capitaliste du ruissellement habilement rebaptisée "effet des premiers de cordée". Mais revenons à ce qui fait vraiment sens : la fixité ou le mouvement ? Le conservatisme ou le changement permanent ? Et peut-on vraiment concilier les deux opposés ?
L'écrivain anglas G. K. Chesterton (1874 - 1936) aimait manier les paradoxes. Dans cet art il excella et fit l'admiration de ses contemporains. Il eut cette formule : « Le monde s'est divisé entre Conservateurs et Progressistes. L'affaire des Progressistes est de continuer à commettre des erreurs. L'affaire des Conservateurs est d'éviter que les erreurs ne soient corrigées. » Ce savoureux paradoxe résume bien le dilemme : changer les choses, c'est prendre le risque de se tromper mais ne rien faire également. Car, contrairement au proverbe il n'y a pas que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais : en ne procédant pas aux changements adéquats qui s'imposent, on commet une erreur. Seulement voilà, est-ce qu'il suffit de combiner les deux choses - stabilité et mouvement, conservatisme et progressisme, "libérer et protéger" comme dit le président Macron - pour trouver à coup sûr la bonne voie ?
Le cas de C. S. Lewis (1898 - 1963), l'auteur prolifique de contes de fantaisy comme « Le Monde de Narnia » peut nous interroger. En effet, on sait qu'il fut adepte de G. K. Chesterton et de ses paradoxes infernaux. Il a subi l'influence des idées de celui-ci. Or, C.S Lewis, n'est pas parvenu pas à combiner les contradictions paradoxales ni même les contradictions non paradoxales d'ailleurs (il peinait déjà à régler les siennes, lui qui se reconvertit au christianisme). Il fut réduit à composer un monde entièrement imaginaire pour s'y réfugier. Là n'est-il pas le danger pour ceux qui veulent toujours combiner les contraires ? Un monde imaginaire habiterait-il l'esprit de Macron ? Mais lequel ? Un monde où l'Elysée peut régler tout d'en-haut y compris les missions de sécurité rapprochée et intérieure ? Un monde où tout peut reposer sur les épaules d'un seul homme, les hommes et les femmes du gouvernement et des chambres n'ayant qu'à suivre sans émettre de critique ? Un monde fabuleux dans lequel il suffirait de couvrir les ultra-riches de cadeaux fiscaux pour les transformer en personnes scrupuleuses ? Et ainsi de suite.
Il ne faudrait pourtant pas jeter le bébé Macron avec l'eau du bain de la piscine de Brégançon, tant il paraît vraisemblable que la vérité et l'efficacité sont quelque part entre la fixité et le changement. J'aime, quant à moi, parler de "pensée-perspective". Cette thèse personnelle peut éclairer ici comment le sens (je parlerai de "sens" plutôt que de "vérité", car le sens nous est plus utile que la vérité, laquelle est souvent introuvable ou précaire) peut se trouver à la fois dans le conservatisme et dans le changement. Il y a des combinaisons à trouver, simplement certaines combinaisons sont heureuses et d'autres pas. Le ministre de l'Education est à bien des égards un défenseur du conservatisme. Macron qui est pour le changement s'en plaint-il ? Pas du tout, bien au contraire je crois. Mais toute la subtilité est dans l'idée suivante : il ne faut pas confondre conservatisme et inaction. Un conservatisme de bon aloi permet une efficience reconnue. A l'opposé, il ne faut pas croire que le changement est toujours le progrès ou le progressisme. Il fourmille d'idées simplistes chez les opposants radicaux qui, si elles étaient appliquées, n'apporteraient pas le progrès mais de dangereuses régressions.
Alors comment faire ? Comment concilier la fixité avec le changement sans tomber dans les excès de la construction mentale d'un monde imaginaire ?
Je répondrai là encore par la "pensée-perspective". Il y a nécessité de fixer des points d'ancrage tout en maintenant le mouvement vers l'infini (la perspective). Puisqu'il y a du sens dans certaines fixités (certaines valeurs en particulier), pourquoi faudrait-il les détruire ? Penser perspective serait ici garder le regard posé sur le point d'infini et la perspective qu'il dessine tout en se préservant des repères sûrs, des points fixes et consolidés. Un exemple ? La solidarité sociale est un point fixe. Prendre une mesure comme le rabotage systématique de l'allocation logement relève du changement mais cela met en péril un point fixe - une valeur commune - considéré quasi unanimement comme un point intangible et juste. La pensée perspective permet d'embrasser d'un même regard le point d'origine et le point d'infini, et la ligne de fuite qui les relie. C'est la navigation à l'estime telle que la pratiquait Christophe Colomb (le découvreur du vrai "nouveau monde") et que René Descartes cite dans sa méthode. Mais il faut pour cela avoir un bon capitaine, qui ne soit pas atteint d'hémiplégie doctrinale, et qui soit capable de véritables conciliations des opposés. Un capitaine qui prend le risque de tout décicer seul peut se révéler dangereux.
Avancer selon la méthode de la pensée-perspective, c'est embrasser la ligne oblique qui file droit vers l'infini, vers l'avenir, en étant capable d'équilibrer les masses de part et d'autre de cette ligne (à l'image du nombre Pi que j'ai représenté dans mes articles - voir ici par exemple - dont les valeurs s'équilibrent en haut et en bas de la ligne de perspective et montre deux récurrences de nombres en miroir en lisant de gauche à droit ligne à ligne, les valeurs 32, 50, 58, 81, 64, 48. Qui a dit qu'il n'existait aucune récurence dans Pi ? Ceux qui ne savent lire que de façon linéaire ! Mais qui a décrété qu'il ne fallait lire les choses que de façon linéaire et de gauche à droite ?
La pensée-perspective, c'est répartir les poids de chaque bord de façon à équilibrer la balance. C'est l'effet balance qui permet d'avancer en conservant l'équilibre. Comme la nature le sait, ayant équipé certains animaux d'une queue pour garder l'équikibre, Pour le renard, par exemple, quand il fait de grands sauts. Les deux zones de part et d'autre de la ligne de fuite vers l'Infini, forment deux points-fixes de valeurs, deux zones d'ancrage, deux repères qui facilite le mouvement vers l'avant.
Dans la politique de Macron et du gouvernement, l'équilibre est-il trouvé ? Je crains que non si l'on met en balance d'un côté les avantages fiscaux consentis aux riches que la situation de la France avantage déjà trop (nous avons les actionnaires les plus gourmands du monde) et de l'autre côté les miettes que l'on consent à peine à donner aux autres catégories sociales et les sacrifices qui pleuvent sur elles. Benjamin Grimault a eu cette formule de "droits de l'homme pauvre" qui laisse augurer une vision des droits spécifique aux pauvres, une sous-catégorisation des droits de l'homme, une doctrine au rabais des Droits de l'Homme pour les pauvres. Quant au plan de lutte contre la pauvreté, on l'attend toujours et on n'en espère d'ailleurs rien "no chance" comme dit Macron.
Plutôt qu'une stratégie du "en même temps", ce qu'il nous faut, c'est faire des allers et retours réguliers entre la pratique et la théorie. Dans la théorie, il y a l'idée du Bien mais, attention, le Bien n'est pas le bien que l'on prétend faire pour les autres ni le Bien selon soi-même. Agir "pour le bien de quelqu'un" n'est pas agir selon le Bien. Le bien est dans l'exercice des vertus au sens classique grec, mais j'ai bien dit "les vertus", pas "la Vertu". Vous les connaissez, ce sont : la modération, la pondération, le courage, la prudence, la justice.
Les deux premières consistent à se connaître soi-même et se préserver de nos excès et de nos défauts. D'où le précepte qui leur convient : "connais-toi toi-même !" Ces vertus agissent pour le contrôle de nos passions.
Les deux vertus suivantes, courage et prudence, sont davantage liées à l'action elle-même.
Quant à la justice, elle consiste à s'assurer que les quatre vertus précédentes sont bien exercées. La justice est la synthèse finale. "Finale" aussi en ce sens qu'elle est la fin, le but, de toute vie humaine et donc la bonne perspective vers l'Infini.
Si un homme sur lequel tout repose n'arrive pas à exercer toutes ces vertus, il ne parvient pas non plus à préserver la justice. Est-ce faire preuve de pondération que de vilipender les gens ? La sagesse n'est-elle pas de faire plutôt comme Marc-Aurèle qui réservait la morale à lui-même (comme en témoigne le titre "Pensées pour moi-même" et la volonté de n epas publier ses écrits) ? Dire que "certains" ne font rien ou "ne sont rien", que "certains" feraient mieux de faire ceci ou cela, tous ces jugements moraux à l'emporte-pièce pour un homme qui se doit d'être exemplaire, ne sont pas des exercices de vertus. Prétendre détenir seul la vérité n'est pas la prudence. La prudence est liée à l'idée d'éducation, les deux choses vont ensemble. L'exemplarité est éducative. C'est par conformité à des modèles et à des exemples vécus que l'on devient prudent. Pratiquer l'injustice fiscale, le favoritisme des proches, voilà qui n'est pas exemplaire. Enfin le courage, dont notre président ne manque pourtant pas, devrait trouver aussi à se manifester quand il s'agit de dire les choses en face aux Français et non pas en paraissant de biais filmé par une caméra prétendument pirate ni en s'exprimant à son clan restreint de fidèles.
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